* La faible diversification de loffre marocaine dexportation ne doit pas occulter les performances de certains secteurs qui ont contribué à la croissance des exportations au titre de 2006. * Le déséquilibre de la balance commerciale a donné lieu à un déficit de l'ordre de 110,4 milliards de dirhams contre 83 milliards une année auparavant, soit une aggravation de 33 %. * La nouvelle stratégie du commerce extérieur permettra inéluctablement aux opérateurs davoir plus de visibilité sur les marchés ciblés par l'offre exportable marocaine. * Entretien avec Mourad Chérif, Président du Centre National du Commerce Extérieur. Finances News Hebdo : Comment évaluez-vous actuellement loffre marocaine à lexportation par rapport à une concurrence acharnée sur le plan mondial ? Mourad Chérif : Lanalyse de loffre marocaine à lexportation démontre que cette offre se caractérise par une faible diversification par rapport à la concurrence mondiale. Lanalyse reflète une concentration quasiment stable, enregistrée depuis des années, sur les principaux produits habituellement exportés et sur les principaux marchés (lUnion européenne à elle seule sadjuge près de 70 %). Certes, la faible diversification de loffre marocaine dexportation ne doit pas occulter les performances de certains secteurs qui ont connu, durant les cinq dernières années, une croissance assez soutenable. Cest le cas des secteurs des industries électriques et électroniques et des industries chimiques et parachimiques, de la monétique et des nouvelles technologies de linformation qui ont été les principaux contributeurs à la croissance des exportations au titre de 2006. Mais dans sa globalité, loffre exportable nationale doit faire lobjet dun effort de restructuration pour couvrir dautres secteurs. Leffort de diversification de notre offre nécessite une différenciation sectorielle doù lurgence de la mise en place des recommandations du plan Emergence en matière de spécialisation du Maroc dans ses métiers mondiaux identifiés. Selon les derniers chiffres de lOffice des changes, les exportations n'ont progressé que de 7,3 % pour atteindre quelque 97,9 milliards de DH, alors que la croissance des importations était de lordre de 19,5 % (208,36 milliards de dirhams au lieu de 174,34 milliards). Cela a donné lieu à un déficit de l'ordre de 110,4 milliards de dirhams contre 83 milliards une année auparavant, soit une aggravation de 33 %. Cette tendance devient de plus en plus insoutenable doù la nécessité et lurgence dune restructuration de notre offre exportable pour faire face à la concurrence étrangère : amélioration de notre compétitivité en vue datténuer le creusement du déficit commercial des marchandises et renforcer les équilibres macroéconomiques. F. N. H. : Dans ce sens, quel est le niveau de collaboration public-privé pour présenter un bloc unique face à la compétitivité de certains pays, notamment ceux dAsie ? M. C. : La collaboration entre le public et le privé est une stratégie gagnante dans le commerce international. Elle a fait la force des pays asiatiques (ces dernières années) qui ont marqué des points en termes de gain de parts de marché, de diversification des produits et damélioration de leurs taux de croissance. LEtat, en tant que facilitateur, et le privé, comme force de création de richesse, sont appelés à travailler ensemble pour améliorer la compétitivité du pays et atteindre les objectifs escomptés en terme de création de richesse. Au Maroc, le partenariat public-privé a donné des résultats positifs dans des secteurs où ce partenariat a été soudé. Je vous cite, à titre dexemple, deux types de collaboration réalisés entre le gouvernement et des associations professionnelles. Le premier réalisé dans le secteur du textile et de lhabillement qui a donné lieu à un contrat-programme conclu entre le gouvernement et lAssociation marocaine des industries du textile et de lhabillement (AMITH), porte sur le volet promotion des exportations. Cette expérience a été bénéfique si lon sattarde sur le bon comportement de nos exportations réalisé à partir de 2005. Le second exemple est le Contrat-Progrès 2006-2012 relatif au développement du secteur des Technologies de lInformation entre le gouvernement et la Fédération des Technologies de lInformation, des Télécommunications et de lOffshoring (Apebi) en sa qualité de représentant des professionnels du secteur privé des TICS. Ce genre de partenariat est, à mon avis, plus quune nécessité dans la mesure où il reflète lexpression dun engagement conjoint du public et du privé qui oeuvrent ensemble pour la création de conditions favorables pour les secteurs exportateurs et la réussite du pari de lamélioration de la compétitivité des entreprises nationales. Cette politique dappui public au développement du privé doit sélargir à dautres secteurs comme lagro-industrie, le BTP et ce pour appuyer lensemble des activités exportatrices. Limplication des parties concernées publiques et privées dans la conception et la mise en uvre dun tel partenariat est le gage de la réussite et de la pérennité de ce chantier. F. N. H. : Quels sont les secteurs marocains les plus compétitifs sur le plan international ? M. C. : La structure sectorielle des exportations est caractérisée par la concentration des industries manufacturières. En effet, quatre secteurs manufacturiers constituent 70,6 % des exportations globales. Il sagit du secteur du textile, de lhabillement et du cuir, de la chimie et parachimie, de lindustrie électrique et électronique ainsi que du secteur de lagroalimentaire. En terme de compétitivité, lanalyse sectorielle montre que sur le plan international les performances réalisées au niveau de lamélioration de la productivité se limitent à quelques secteurs dont lagroalimentaire, lindustrie de la chimie et parachimie et lindustrie électrique et électronique. Le rapport du Conseil dégage le constat suivant : sur le marché de lUnion européenne, la compétitivité des produits manufacturiers marocains exportés sest améliorée au cours de lannée 2006, suite à la hausse moins prononcée des prix des exportations marocaines, par rapport à ceux des concurrents communautaires. En dépit de ces chiffres, et sur un plan plus global, on na pas le même constat dans la mesure où la part mondiale du marché marocain perd chaque année 0,16 point relativement à son niveau de 1996. F. N. H. : Daprès vous, quels sont les points que doit prendre en considération cette nouvelle stratégie ? M. C. : Lannonce par le ministre du Commerce extérieur de lélaboration par son département dune nouvelle stratégie du commerce extérieur marocain, a été bien accueillie par les opérateurs du commerce extérieur présents lors de la campagne de communication relative au lancement des 11èmes Trophées de lexportation. Cette stratégie permettra inéluctablement aux opérateurs davoir plus de visibilité sur les marchés ciblés par l'offre exportable marocaine. Comme je lai indiqué, cette stratégie doit viser, à mon avis, des axes tels que lidentification des marchés-cibles en fonction de notre offre exportable sectorielle, la mise en place dune stratégie promotionnelle efficace par marché, lamélioration de leffort marketing et commercial sur les marchés-cibles et la promotion du label Maroc de manière continue. F. N. H. : Le Maroc participe à plusieurs salons et foires internationaux ; est-ce, daprès-vous, le seul moyen de promotion de ses exportations ? M. C. : Les foires et les salons internationaux sont, certes, un moyen promotionnel important pour les produits marocains, mais ils ne sont pas suffisants. Cest un instrument parmi dautres qui doit être appuyé par dautres mesures de promotion en vue dassurer une diversification plus efficace de loffre exportable. Il convient de noter tout dabord que la participation aux salons et foires doit être améliorée en terme defficacité pour avoir les effets positifs escomptés sur nos produits exportables. À cet effet, au lieu de disperser les énergies sur plusieurs marchés à la fois, avec des actions de promotions disparates dune portée moyenne (publicité, exposition, etc.) et avec un budget limité, il convient de sorienter vers une approche concentrée sur un marché identifié au préalable comme potentiellement cible et ce pour avoir plus deffets de retour certains. Par ailleurs, les instruments de promotion doivent cibler les marchés, et ce par lamélioration de leffort marketing à létranger et le renforcement de la diplomatie économique. Cette fonction doit être intégrée comme un élément stratégique fondé sur de larges réseaux (les sites Internet, la publicité) qui fournissent des informations actualisées sur les entreprises exportatrices nationales. Les actions de promotion nécessitent bien évidement des moyens humains et financiers en vue de mettre en place des représentations régionales et internationales de promotion, à linstar des organismes étrangers qui disposent de représentations au niveau régional et au niveau international. Nous ne disposons pas de représentations régionales ni dantennes à létranger, ce qui handicape laction de promotion de proximité. Avoir un système de veille stratégique qui fournit et met à disposition des importateurs étrangers et exportateurs locaux linformation commerciale sur laccès à tel où tel marché est déterminant comme instrument de promotion. Je tiens à souligner, à cet égard, quun premier travail a été élaboré par le CNCE. Il sagit du répertoire national des exportateurs marocains intitulé : «Qui exporte quoi vers quel marché ?» et qui vise à contribuer à leffort national de diffusion de linformation sur notre offre exportable. Ce répertoire disponible sur le site : www.tropheesexportation.ma a fait lobjet dune convention signée avec les départements concernés : ministère du Commerce extérieur, ADII, Office des changes, Asmex, Ompic. La diversification et la prospection de marchés ne peuvent avoir lieu sans études préalables des marchés ciblés. Lentreprise exportatrice ne peut cibler le marché sans disposer au préalable dune connaissance de lenvironnement des affaires, de la structure commerciale du secteur ou de la branche ciblée ainsi que des goûts et de la culture du consommateur. Doù la nécessité de ces études.