* Décédé le 22 juin 2008 à Paris, Albert Cosseryry restera certainement lun des plus talentueux écrivains égyptiens dexpression française. * Lauteur a été surtout connu pour son rejet de la violence qui gouverne le monde ainsi que pour son amour profond pour lEgypte, sa terre natale quil a quittée très tôt pour sinstaller définitivement en France. Chaque fois quon lit les uvres dAlbert Cossery, on a souvent limpression quil sagit décrits dune grande simplicité apparente, mais en même temps chaque phrase nous ouvre les grandes voies de la réflexion philosophique. Lauteur de «Mendiants et orgueilleux», avec un style aussi comique que mystérieux, a réussi a être parmi les écrivains les plus talentueux en langue française. Né en Egypte en 1913, de parents égyptiens, Albert Cossery a su parfaitement reproduire les espérances et les «angoisses» qui pesaient sur la société égyptienne. «Pourquoi, mon Dieu ! écrit-il dans «Mendiants et orgueilleux», roman publié en 1955, est-ce que la joie est seulement lapanage des riches ?». En fait, Albert Cossery croyait à la joie engendrée par les tourments. La joie «comme insulte à la misère». Dans tous ses romans, lauteur franco-égyptien a directement ou indirectement mesuré les effets psychologiques de la deuxième Guerre mondiale sur lEgypte. Cest cela peut-être sa grande spécificité et aussi sa grande idée. «La bombe», tel quil a appelé les deux bombes atomiques larguées pendant la deuxième guerre desquelles «les mendiants» vivant en Egypte se croyaient à labri. Par une prise de position très unique, Albert Cossery appelle implicitement ou explicitement à «lindifférence» des peuples contre ce quil appelle «le pouvoir sanguinaire» qui gouvernait le monde pendant les années 40 du siècle passé. A travers ses personnages centraux, Albert Cossery a su parfaitement véhiculer ses messages. Gohar par exemple, lun de ses personnages les plus énigmatiques, est un ancien professeur dhistoire à lUniversité du Caire qui a abandonné son poste, son appartement dans le quartier européen pour vivre en mendiant. La raison ?. «Limposture était si évidente, si universelle que nimporte qui, même un arriéré mental, laurait décelée sans effort. Gohar sindignait encore de son aveuglement. Il lui a fallu de longues années, la monotonie de toute une vie consacrée à létude, avant quil ne jugeât son enseignement à sa juste valeur : une monumentale escroquerie. Durant plus de vingt ans, il avait enseigné des inepties criminelles et fumeuses. Comment avait-il pu se prendre au sérieux ? Est-ce quil ne comprenait pas ce quil lisait ? Est-ce que ses discours ne lui avaient jamais paru chargés dune impudente hypocrisie ?» Tout le fond de la prise de position dAlbert Cossery se manifeste de manière claire lorsquil évoque les mensonges dans lhistoire moderne. «Le moindre texte dhistoire ancienne ou moderne, écrit-il, que Gohar avait commenté pour la compréhension de ses élèves, regorgeait de mille mensonges». «Lhistoire ! Quon ait pu la travestir passe encore, estime Gohar dans un monologue intérieur suscité curieusement par une querelle de ménage quil a suivie, mais la géographie ! comment pouvait-on mentir au sujet de la géographie ? Eh bien, ils étaient parvenus à dénaturer lharmonie du globe terrestre, en y traçant des frontières tellement fantasques et arbitraires quelles changeaient dune année à lautre Une telle accumulation de mensonges ne pouvait que donner naissance à une angoisse à la mesure du monde. Gohar savait maintenant que cette angoisse nétait pas dessence métaphysique. Il savait quelle nétait pas une fatalité inhérente à la condition humaine, mais provoquée par une volonté délibérée, la volonté de certaines puissances qui avaient toujours combattu la clarté et la simple raison» Albert Cossery était un fervent défenseur de la «vie simple». Ou dune certaine philosophie de la vie qui adhère au schéma austère de limaginaire ou réel état de nature qui a donné naissance à la vie en société. Lauteur a vécu pendant plus de 40 ans dans une chambre dhôtel à Paris. Na jamais possédé dobjets, car «les objets, pense-t-il, recèlent les germes de la misère». «Les puissances qui dominent le monde, et cest peut-être la conclusion la plus fondamentale dAlbert Cossery, considéraient les idées simples comme leurs plus mortelles ennemies. Car ces puissances ne pouvaient prospérer que dans lobscurantisme et le chaos. Aussi singéniaient-elles par tous les moyens à accréditer la notion dun Univers absurde dans le seul dessein de perpétuer leur domination LUnivers nétait pas absurde, il était seulement régi par la plus abominable bande de gredins qui eût jamais souillé le sol de la planète. En vérité, ce monde était dune cruelle simplicité ».