* Les derniers événements de Hay Hassani nous montrent quil faut assurer plus de transparence dans ce secteur, puisque les victimes étaient malheureusement des salariés dune entreprise de travail temporaire. * Il est ridicule que les sociétés déposent un chèque dun million de DH qui va dormir pendant des années. Finances News Hebdo : Quelle appréciation faites-vous du travail temporaire tel quil est défini par le code du travail; quels sont les points qui nécessitent un ajustement durgence? Jamal Belahrach : Aujourdhui, ce qui est important cest que le code du travail a reconnu la légitimité du travail temporaire ; ainsi, on est en conformité maintenant avec la convention 190/1 du Bureau international du travail, ce qui est une bonne chose. Il reste des améliorations à apporter et des éclairages, concernant principalement les conditions dexécution de lactivité, notamment en matière dautorisations et de garanties. Deuxièmement, il faut clarifier la responsabilité de lentreprise qui utilise la main-duvre temporaire. Les derniers événements de Hay Hassani nous montrent quil faut assurer plus de transparence dans ce secteur, puisque les victimes étaient malheureusement des salariés dune entreprise de travail temporaire. Ensuite, la définition du statut de lintérimaire est un besoin de première nécessité. Cest un salarié comme les autres. Et enfin, il faut bien mettre en avant les responsabilités de lentreprise du temporaire. Donc, le code du travail a bien reconnu la profession, maintenant il faut encadrer la profession pour que les règles soient beaucoup plus claires et précises tout en assurant un certain degré de transparence et que tout se passe dans une bonne éthique collective. F.N.H. : En principe, les entreprises peuvent faire appel aux travailleurs temporaires pour une courte durée: en cas daccroissement temporaire des travaux, de hausse saisonnière de lactivité ou de labsence dun salarié (article 495). Pourquoi demandez-vous alors un élargissement de la durée du contrat du travail temporaire de 6 mois non renouvelables à 18 mois ? J.B. : Dabord, il faut noter que le Maroc fait partie de lensemble des pays du monde qui uvrent dans une économie de marché. Aujourdhui, notre pays a vocation dattirer un maximum dinvestissements étrangers en assurant en contrepartie un climat favorable au développement des entreprises nationales. Pour ce faire, la flexibilité est une donnée incontournable. Parmi les principaux outils de cette flexibilité : les heures supplémentaires, lélargissement de la durée du travail et notamment le travail temporaire. La durée dune mission du travail temporaire de 6 mois est une hérésie, pour la bonne et simple raison que les 6 mois sont à peine suffisants pour quun intérimaire puisse sadapter à son poste de travail. Donc, si les professionnels demandent un élargissement de la durée du contrat du travail temporaire, cest pour assurer un certain degré de performance de lentreprise cliente tout en assurant la création de lemploi. Aujourdhui, avec une courte durée de mission de 6 mois, on ne crée pas de lemploi tant quon crée de la précarité, puisque que lemployé qui commence à peine à apprendre son métier, se voit notifier quil faut partir. Sans oublier le besoin de la compétitivité du Maroc au niveau international. Il faut noter que la durée de la mission, partout dans le monde, est à peu près de 18 mois. Dun autre côté, le CDD (contrat à durée déterminée) est de 14 mois. Alors, il ny a aucune raison à ce que la durée de lintérim soit de 6 mois. F.N.H. : Pourquoi préférez-vous déposer une caution bancaire au lieu de la caution déposée à la CDG ? J.B. : Cest un problème de trésorerie. Il est ridicule que les sociétés déposent un chèque dun million de DH qui va dormir pendant des années. Donc, le fait de la demander sous forme de caution bancaire, est une garantie que la banque va donner à lEtat ce que lentreprise va payer sous forme dintérêts. Cest beaucoup plus souple. Deuxièmement, une caution bancaire permettra de promouvoir cette activité-là. Il est clair que la charge de la trésorerie et lencaissement dune telle somme dargent engendre un déséquilibre financier de la société. En effet, cette formule, caution bancaire, poussera tous les opérateurs à la payer, alors que la garantie financière, personne aujourdhui ne la paye. F.N.H. : Considérez-vous que la caution à déposer qui correspond à 50 fois la valeur globale annuelle du SMIG, soit près de 1,2 million de DH, comme élevée? J.B. : En fait, cette caution nest pas adaptée à la taille de lentreprise. Elle pourrait dépendre du CA. Mais dans un premier temps, il faut fixer un minimum qui soit acceptable et que ce minimum soit payé sous forme de caution bancaire. Après, il faut réfléchir à la manière de rendre cette caution beaucoup plus juste et proportionnelle dans le temps. F.N.H. : Pourquoi les entreprises de travail temporaire ne sont-elles pas réunies dans le cadre dun seul organisme représentatif? J.B. : Dans tous les pays à vocation démocratique, il y a des pratiques où il y a plusieurs opérateurs et plusieurs fédérations ; donc, le Maroc est en train de se construire et cest normal quil y ait des expressions différentes. Cest un signe de bonne santé. Maintenant, il faut laisser le temps au temps et si les choses vont dans le bon sens, je pense quau terme de quelques années, on sera dans une configuration beaucoup plus cohérente que celle daujourdhui puisque cest un secteur jeune qui a besoin de mûrir. F.N.H. : Quels sont les points qui nécessitent un éclaircissement ? J.B. : Pour profiter de ce qui sest passé récemment et pour que ce secteur soit bien encadré de manière plus précise et plus sérieuse, que les entreprises du travail temporaire se développent, la question de la sécurité au sein des entreprises doit être aujourdhui une mission prioritaire, dune part pour les entreprises du travail temporaire et, dautre part, pour les entreprises bénéficiaires. Mais particulièrement les entreprises du travail temporaire qui délèguent actuellement du personnel dans une autre entreprise et qui, souvent, ne peuvent pas porter lattention nécessaire à la sécurité. Lencadrement de ce secteur dactivité est une priorité absolue. Le contrôle, les conditions dexercice, la responsabilité de lentreprise utilisatrice et lentreprise du travail temporaire, sont les principaux moyens de mettre fin à cette anarchie caractérisée. Il est à signaler que ce secteur est en pleine expansion. En 2007, il a connu une croissance de 20%, soit actuellement un marché moyen de lordre de 1,2 Md de DH. Et dans 5 ans, il atteindra les 2 Mds. En contrepartie, il faudra veiller à ce quil ne se transforme pas en un Far West.