Pur produit de Casablanca, de Derb Soltane plus précisément, Mohamed Horani, le PDG de HPS, est la preuve vivante quau Maroc, quand on veut on peut. Et dès lenfance ! Aîné dune famille de 10 enfants, il décide à lâge de 7 ans de quitter le foyer parental, défiant son père, pour habiter chez son oncle paternel auquel il sétait attaché. «Cest un élément qui a conditionné ma vie. Nous vivions avec nos grands-parents, oncles et tantes, quand mon oncle a décidé demménager seul avec sa femme. Jétais attaché à ma tante aussi, jai alors décidé de les suivre». Furieux au départ, le père de Mohamed Horani se résigne aux arguments de la grand-mère, car loncle navait pas denfants. Étant le premier Horani de sa génération, les autres oncles et tantes nayant pas encore denfants, Mohamed Horani devient très vite le chouchou de la famille. «Je savais qui jétais, qui étaient mes parents et qui sont mes parents adoptifs, alors je cherchais perpétuellement à créer léquilibre entre les deux et veillais à ne froisser personne. Cétait un exercice continu où je me devais dêtre attentif aux uns et aux autres. Je savais que jétais responsable de mes actes». On saisit mieux pourquoi Mohamed Horani a toujours été un homme de compromis. «Mais quelque part, mon père croyait que cétait sa faute si javais quitté le foyer, alors il a essayé de se racheter. Jai été très gâté». Son père, propriétaire dune boulangerie traditionnelle, souffrait dun problème cyclique lors des fêtes religieuses où il recevait des plateaux de gâteaux en nombre, ce qui faisait quil sy perdait un peu. À peine âgé de 11 ans, Mohamed Horani, pour aider son père, met en place un système qui consistait à numéroter des petits cartons coupés, en double dont un est livré au client et lautre est mis sur le plateau pour vite lidentifier. «Bien évidemment, il fallait tester le procédé; alors, à la première occasion, une femme avait ramené un plateau, et jai placé un carton dans celui-ci pour voir. Une fois sorti du four, le carton était intact. Depuis ce temps, mon père était très heureux davoir trouvé une solution à son problème». Le passage par lécole coranique lui donna un avantage certain sur ses compères. Il savait déjà lire et écrire quand il intègre lécole primaire. Toujours en avance sur son temps, il était très attentif à son environnement, affichant ainsi le profil type du meneur. Dailleurs, en 1968, âgé seulement de 13 ans, Mohamed Horani devient le manager de léquipe de foot du quartier. «À lépoque, ce nétait pas évident, on vivait dans un quartier dangereux, où les modèles de vie étaient diamétralement opposés et, paradoxalement, on a vécu ensemble dans une cohabitation harmonieuse. Nous sommes vraiment des survivants». Un quartier où il fallait batailler chaque jour davantage pour simposer contre la pauvreté et la discrimination que subissaient ses habitants. La musique aussi était un moment de grand partage avec les jeunes du quartier. Pendant ce temps, son oncle témoignait de beaucoup de tendresse à son égard, et de sévérité aussi quand il le fallait. Sa tante, elle, était très influente et plus entreprenante que beaucoup dhommes. Elle était bonne gestionnaire : ainsi, la famille ne manquait de rien et soffrait même des loisirs malgré le peu de ressources dont elle disposait. «Je tire chapeau à ces gens qui, sans avoir fréquenté lécole, avaient un modèle déducation très efficace et je propose quon prévoie une Khmissa pour les femmes au foyer qui font un travail extraordinaire dans lombre». Au lendemain de lindépendance et en pleine effervescence du Maroc nouveau et indépendant, ladolescence de Mohamed Horani est marquée par leffervescence de la mode hippie et lémergence dune gauche puissante ; mais lui, était plutôt du «juste milieu». «Je nétais ni révolté ni conservateur, mais entre les deux». Établir les ponts entre différentes parties est chez lui une nature et non pas un calcul. «Mais quand je braque, je suis extrémiste». Toutesfois, méfiez-vous de leau qui dort, car si Mohamed Horani est plutôt conciliant, ce nest pas pour autant un agneau. Souvent major de sa promo, Mohamed Horani a un goût prononcé pour les maths. Il est nostalgique de cette période du collège «6ème arrondissement ou El Fida», ou encore le Lycée My Abdallah. Il se remémore encore un instituteur, «Sy Iguer», ou encore le grand philosophe Mohamed Abd Al Jabri, alors directeur du collège. «Nous avons eu de la chance davoir des gens de ce calibre pour nous enseigner». Après le Bac, Mohamed Horani intègre lINSEA après avoir réussi au concours daccès. «Les statistiques et les maths touchent à toutes les disciplines, comme cest le cas pour linformatique». Une fois son diplôme dingénieur statisticien obtenu, il démarre son expérience professionnelle au ministère du Plan. Une expérience qui ne dépassera pas un an et demi. «Je me rappelle quà lépoque, javais eu une longue discussion avec mon père. Il tentait de me ramener à la raison, estimant que travailler dans le public était plus sûr. Lui, il na jamais eu de patron et moi jétais décidé à tenter ma chance dans le privé». Cest alors quil découvre une annonce dIBM. Le hasard a voulu quon le choisisse et quil suive une formation pour travailler sur la machine IBM3. 7 semaines de formation avec, à chaque fois, des tests éliminatoires. Horani les réussit tous. Il plonge alors dans le monde des technologies quil ne quittera plus. Début 76, il intègre Sacotec, filiale informatique de lONA. «Nous étions à lépoque les deux seuls Marocains de léquipe, tous les autres étaient Européens. Cest une très bonne école qui ma marqué sur plusieurs plans : dabord lesprit déquipe, lémulation qui tire vers le haut et le professionnalisme». Il devient spécialiste du langage Cobol, une spécialité qui fait actuellement défaut au Maroc, notamment dans le domaine de loffshoring qui en est très demandeur. De 1976 à 1982, il gravit les échelons jusquà devenir numéro 2 de la boîte, en tant que directeur technique. Il découvre les délices du management, une idée qui va commencer à germer pour trouver son élan plusieurs années plus tard. Il est très en vue et les offres lui tombent du ciel. Homme de défi, il accepte celle de Bull Maroc où il doit intégrer léquipe du bas de léchelle pour mieux se faire accepter. «Je savais que jallais prendre le poste de directeur technique de cette équipe, mais on avait convenu de le faire doucement pour ne pas bousculer les ténors de la société. Chose qui a été faite». Après deux ans passés à Bull, riches en formation et une expérience qui a été un bon tremplin, Mohamed Horani se voit proposer le poste de directeur de S2M pour monter un projet de monétique. «Abdelhak Andaloussi, à qui je rends hommage, mavait proposé, via un ami commun, de me recruter en tant que DG. Je nétais pas le seul en lice». Mohamed Horani se rend alors en France auprès de Sligos qui détenait 49 % du capital de S2M, pour préparer loffre pour le Maroc. Laventure sétalera de 1983 à 1994 lorsque la société décide de vendre la propriété dun logiciel que léquipe avait monté sans leur aval à une grosse entreprise américaine. Cest là que Mohamed Horani et certains de ses collègues décident de monter HPS. «Seul, on ne fait jamais rien». Ils étaient au départ quatre. Aujourdhui, ils sont huit à constituer le noyau dur de HPS ; le «G8» qui a su propulser limage du Maroc parmi les trois premiers leaders mondiaux de la monétique et permis de créer 90 sites de PowerCard, le produit-phare de HPS, portant haut létendard du Maroc. Mais aucun plaisir ne saurait remplacer celui dêtre grand-père. Marié très jeune, Mohamed Horani est père de trois enfants et grand-père de trois petits-enfants. Mais sil doit rendre un grand hommage aujourdhui, cest bien à sa femme qui a su le dégager des soucis quotidiens pour réussir ce qui est en passe de devenir un cas détude.