Les maths, il les a peut-être dans les gènes. Cest ce que prête à croire Ahmed Rahhou, le PDG de Lesieur Cristal. Natif de Meknès, il est issu dune famille de 10 enfants tous matheux à lexception de laîné. Ingénieurs, docteurs en maths ces postes, Ahmed et ses autres frères et surs les doivent à leur père. Ce dernier travaillait dur pour que ses enfants puissent poursuivre leurs études et quils les réussissent ! «Mon père suivait de près notre scolarité et mettait un point dhonneur à ce que tous ses enfants accèdent à lenseignement supérieur». Enfant sage et élevé dans la pure tradition meknassie, Ahmed Rahhou arrive à Casablanca alors âgé de 10 ans, suivant son père dans sa «migration». Une «migration» qui constituera probablement le premier chamboulement dans sa vie. «Cétait en 69, nous avions quitté la petite ville traditionnelle de Meknès pour nous installer dans cette grande ville quest Casablanca. Ce fut un changement damis et denvironnement qui mavait bien marqué dans mon enfance». Mais Ahmed Rahhou nen perd pas le Nord: soutenu et suivi de près par son père, il excelle à lécole. Il est toujours premier de sa classe et cette hargne ne le quittera plus. Elle lui sera même dun grand secours pour ses classes préparatoires Sup-Spé, après avoir décroché son Bac Maths en 1976. Il travaillera dur et sera récompensé en conséquence ! Ainsi, il est accepté à lEcole Polytechniques de Paris. Il est important de noterque, depuis son jeune âge, Ahmed Rahhou opère par choix après mûre réflexion. Des choix quil assume et cest ainsi quil procède. Étape par étape et sans perdre son objectif de vue. Alors que la plupart des étudiants marocains rejoignent lEcole des Ponts et Chaussées après Polytechnique, lui décide dintégrer lEcole Nationale Supérieure de Télécommunication de Paris. Il est dailleurs le premier polytechnicien marocain à rejoindre cet établissement. «Je nai rien contre le cliché de létudiant de Polytechnique, puis Ponts et Chaussées, intégrant automatiquement ladministration, mais je ne voulais pas me placer dans le public et surtout je voulais faire autrement et sortir des sentiers battus. Jai alors tenté autre chose, mais toujours est-il que lENST était un choix bien réfléchi. À lépoque, on assistait à lémergence de lindustrie informatique et télécoms comme activité du futur, ce qui ma réconforté dans ma décision». Il passera ainsi quatre ans à Paris, savourant cette première sortie à létranger. Il vivra donc ce quil voyait jadis à la télé. Et il connaîtra non seulement ce que la ville lumière proposait, mais entrera dans lintimité de la vie des Français. En effet, pour sassurer un complément de revenu, Ahmed Rahhou donnera, à linstar dautres étudiants marocains, des cours de soutien en mathématiques. Et être étudiant de Polytechnique lui conférait un statut particulier puisquil était bien payé par rapport aux étudiants dautres écoles. «Ce fut un séjour agréable où les gens nous accueillaient chaleureusement. Le regard que la société de lépoque portrait sur nous était nettement différent : cétait un regard valorisant». À son accoutumée, Ahmed Rahhou avait à lavance décidé de ce quil allait faire de sa vie après les études. Et avant même de partir en France, il avait fait le choix de revenir au Maroc, animé par cette envie dapporter sa contribution au développement économique du pays. En effet, son séjour en France navait pour objectif que de collecter un maximum de connaissances, décrocher des diplômes et les mettre par la suite au service de son pays. «Je ne dénigre pas ceux dentre nous qui avaient décidé de rester là-bas. Mais je ne pouvais suivre autrui, de peur de ne pas pouvoir assumer. Car in fine, on nassume que ses propres choix et le mien était de revenir au bercail. Jestime que le Maroc a besoin de ses compétences». Et il savait à lavance ce qui le passionnerait le plus : travailler dans le privé. «Le secteur privé des années 70 manquait dencadrement ; et il ne suffisait pas seulement de constater mais dagir et dapporter son expertise technique au secteur. Cétait mon ambition». Et sitôt atterri, sitôt en service. Il entame son service civil en 1982 à Royal Air Maroc. Comme il ne voulait pas travailler dans lAdministration, il avait choisi de faire son service dans un établissement public, certes, mais doté dune gestion à linstar du privé. Entre lONE, lOCP et la RAM, il optera pour cette dernière et aura une belle surprise une fois là-bas. En effet, la compagnie était en pleine mutation et amorçait un important chantier de mise à niveau des modalités de gestion, dont le contrôle de gestion, la gestion de la trésorerie aux normes internationales, la gestion des RH Bref, Ahmed Rahhou ne pouvait pas mieux tomber. Le staff de lentreprise avait une réelle volonté de moderniser lentreprise et de la doter dinstruments de gestion aux normes internationales. Le revers de la médaille était le salaire de circonstance. «Je my attendais un peu, mais ce qui peut paraître rationnel dans la théorie, nest pas toujours simple à mettre en place dans la vraie vie». La RAM a été un excellent tremplin pour Ahmed Rahhou qui a acquis une expérience certaine en matière damélioration des outils de gestion. Il se lance alors, et pendant un an, dans lexpérience du consulting avec un cabinet français. De 85 à 86, il travaillera sur un projet très important, un vrai défi pour lui en fait. Il sagissait de doter lOffice National des Postes et Télécommunications doutils de gestion performants et, dans un second temps, daccompagner la séparation des activités Poste et Télécoms de lOffice. «Il fallait doter chacune des filiales doutils lui permettant de se développer. Je suis toujours de près le développement des télécoms étant également membre du Conseil de lANRT». Une riche expérience qui durera un an avant quAhmed Rahhou ne soit happé par le secteur bancaire. Même si beaucoup ne voyaient ce que faisait un polytechnicien dans le secteur bancaire, le passage dAhmed Rahhou au Crédit du Maroc a été une expérience concluante, montrant encore une fois la pertinence de sortir des sentiers battus. Dailleurs, il y est resté 17 ans, multipliant les challenges. Il a ainsi chapeauté plusieurs réformes. Cest certainement la raison pour laquelle il a été repéré par lONA dont il préside la filiale Lesieur Cristal depuis 2003. Cest cet esprit de réformes, damélioration des outils de gestion et, surtout, lesprit challenger qui lui ont valu ce poste, qui nest pas de tout repos dailleurs. Puisque Ahmed Rahhou a atterri au moment où il fallait préparer lentreprise à la libéralisation pour faire face à la concurrence. «Il nétait pas facile de me détacher du secteur bancaire, mais il me fallait découvrir un autre aspect de léconomie nationale. Le fait de voir lindustrie de lintérieur ma vite poussé à tenter cette expérience». En tant que manager, Ahmed Rahhou accorde une grande importance au partage des informations pour instaurer la confiance au sein de léquipe dirigeante. En contrepartie, il aime que les gens autour de lui expriment leurs avis, critiques ou remarques Et cest minutieusement quil relit les comptes-rendus des réunions et néprouve aucune gêne à revenir en arrière quand une décision ne produit pas leffet escompté. Par contre, il naccorde pas de place dans son cur ni dans sa vie professionnelle aux béni-oui-oui. «À un moment, il faut savoir décrocher, changer dair, se retrouver en famille et sadonner à ses loisirs pour ne pas «buguer». Il faut savoir faire le vide dans sa tête et prendre le temps de sauto-évaluer». Cest ainsi quAhmed Rahhou prend du recul pour mieux repartir. Père de deux enfants, sa famille constitue ainsi un important équilibre dans sa vie. Papa gendarme «gentil», il suit la scolarité de ses enfants comme son père lavait fait pour lui. «Le décès de mon père a constitué un changement fondamental et difficile dans ma vie. Ça ma donné limpression davoir perdu un parapluie et den être devenu un pour mes enfants. Je suis très attentif à leur éducation car ce que nous inculquent nos parents est notre passeport pour la vie». Dans le monde de la presse, beaucoup apprécient Rahhou pour sa simplicité décoiffante, surtout quil reste très abordable pour un PDG. Il nest pas sur un piédestal, mais très collé à la réalité. Et cest une personne très positive, assumant la vie quelle mène et surtout convaincue que chacun a son rôle à jouer. «Jaimerais juste apporter une plus importante contribution au monde associatif». Mais ce quil espère par-dessus tout est que lascenseur social soit remis en marche. «Jai vécu ça ! Lascenseur social est un moteur de confiance dans un pays et donne lespoir aux parents quant à lavenir et aux chances de réussite de leurs enfants».