Sil ne dit pas son nom, Ramón Fernandez, le Directeur général dIndustube à Tanger, passerait facilement pour un Marocain. Cest la première impression quil donne quand on le rencontre pour la première fois. Mais ce que lon ne sait pas, cest que cest un Marocain. Né à Casablanca en 1952 dune mère marocaine et dun père espagnol, il passe toute sa vie scolaire à Casablanca. Le secondaire au Lycée Lyautey. Mais à treize ans, un drame marquera sa vie à tout jamais. Son père décède après trois mois de souffrance dune longue maladie. «Cest mon souvenir le plus douloureux à ce jour». Il devient ainsi le chef de famille, étant laîné. Linsouciance de lenfance cède la place à la dureté de la vie. Son Bac obtenu, il partira par la suite en France pour les Classes préparatoires avant dintégrer lEcole Nationale des Arts et Métiers à Bordeaux en 1972. Il est de ce fait ce que lon appelle un Gadzart (Gars des Arts, surnom donné aux étudiants et lauréats de cette école). En obtenant son diplôme dingénieur en 1976, il revient illico presto au Maroc où il intègre le Groupe Vallourec au sein de la société Fénié Brossette. «Cest un groupe avec lequel jai des liens sentimentaux. Mon père y travaillait de 1949 jusquà 1965, date de sa disparition. Et depuis 1967, jeffectue des stages dété au sein du groupe». Ainsi, et trois mois avant de terminer ses études, il avait déjà signé avec le groupe qui lavait recruté en tant quingénieur détudes . Deux ans plus tard, il rejoint Protec, filiale du même groupe en tant que Directeur technique. «Javais pour responsabilité les études et travaux et jai passé mon temps, entre 78 et 83, à sillonner tout le Royaume». En 1983, il est nommé Directeur général dIndustube, partenariat entre le Groupe Vallourec et le Groupe El Alami à Tanger, poste quil occupe à ce jour. «Jai été attiré par la ville internationale et mythique quest Tanger, véritable carrefour des cultures». Il était déjà marié et père de sa première fille. Son deuxième garçon, aujourdhui âgé de 20 ans, allait naître quelques années plus tard. Fidèle en amitié comme en affaires, Ramón ne se cache pas dêtre un directeur autoritaire. Il ne rigole pas avec le travail. Bosseur, il est également un patron mobilisateur qui est très proche de ses collaborateurs. «Je suis très engagé et très exigeant, cela peut être perçu comme une qualité, mais parfois comme un défaut aussi. Je réagis avec les tripes». Il néchappe pas au tempérament chaud des Méditerranéens. Cest également une personne très chaleureuse, vivante et amusante en même temps. Le militantisme, il lhérite de son défunt père. «Dans la famille, on a le cur à gauche, mon père revendiquait haut et fort quil était républicain en pleine guerre civile en Espagne, cest pourquoi il a atterri au Maroc en 1940, fuyant la dictature de Franco». Ramón a aussi le cur à gauche et suit de très près la politique espagnole. Pour ce qui est de la politique au Maroc, il est plutôt spectateur avisé ; ce nest pas quil nait jamais souhaité sy impliquer, mais disons quà lépoque, être né au Maroc de mère marocaine ne donnait pas droit automatiquement à la nationalité marocaine. «Jai lontemps eu un goût amer de navoir pu accéder automatiquement à la nationalité. Ce nest plus le cas maintenant. Je me serais inscrit volontiers dans un parti marocain sil y avait cette possibilité. Dommage quon ait perdu autant dannées avant de reconnaître aux enfants nés de mère marocaine et de père étranger le droit à la nationalité». Sil était ministre son combat serait de garantir un enseignement de qualité et gratuit à tous. Il uvrerait également pour légalité des chances. Ramón a également hérité de son père lamour du foot, du Real Madrid plus exactement, et de la Corrida ; «Jai un agréable souvenir de mon père quand il mavait emmené en août 63 voir un match du Real Madrid à Casablanca. Cétait pour moi loccasion de côtoyer les gloires de lépoque dont on garde encore des souvenirs inoubliables. Actuellement, je vais régulièrement assister à des matchs de foot et à des corridas en Espagne». Fana de foot, il lest toujours mais également de cuisine ; cest un gourmet qui ne sait pas pour autant cuire un uf. LEspagne est le pays avec lequel il garde des liens très forts. En 1987, il est marqué par la rencontre du Premier ministre espagnol de lépoque Felipe Gonzalez à Casablanca . Et dès son arrivée à Tanger, il adhère à la Chambre de Commerce espagnole de la ville. Il éprouve une fierté davoir présidé cette Chambre de 1993 à 2000. «Cest une Chambre plus que centenaire puisquelle a été créée en 1886». En tant que président, il sest évertué à faire tout son possible pour faire connaître le Maroc en Espagne et plus particulièrement la ville de Tanger pour y attirer des investisseurs espagnols. «Cétait une épopée. La situation nétait pas celle que lon connaît actuellement et il fallait faire beaucoup de voyages et de rencontres». Son engagement à rapprocher les deux rives lui valent en 2000 une décoration de Commandeur de lOrdre du mérite civil espagnol des mains du Roi Juan Carlos, de même quune médaille dor décernée par la Chambre quil a présidée pendant 7 ans. Il est également engagé sur le plan économique ; il est ainsi trésorier de lAZIT, lAssociation de la zone industrielle de Tanger et actif dans des associations professionnelles. A côté du travail laborieux, le plaisir. Ramón est ainsi membre de lAssiet, une association regroupant des gourmets de Tanger. Son autre plaisir est la famille. Grand-père depuis un an et demi, Ramón apprécie les moments de retrouvailles en famille. «Je suis un père exigeant mais gentil ; je suis très complice avec mes enfants ; nous avons des relations en totale transparence». Fan de balades en bord de mer, Ramón aspire à continuer à travailler et à apporter à son environnement. Il aspire à passer du temps dans cette ville de Tanger quil aime tant, Casablanca, nest plus que la nostalgie dune époque dorée.