* Les opérations de concentration qui nont pas abouti valeur aujourdhui résultent dun désistement de lun des partenaires ou de la force du marché. * Un Conseil de la concurrence existe bel et bien, mais depuis son démarrage il na pas encore traité de dossiers. * Lavenir est aux concentrations, doù lintérêt grandissant dun tel Conseil. Lannée 2007 a été riche en opérations stratégiques. Un vaste mouvement de fusions, concentrations et acquisitions a été constaté ; de même, des concertations concernant les électrons libres sont en cours. Ce mouvement de concentrations est une suite logique et naturelle de la mondialisation, des accords de libre-échange signés de part et dautre par le Maroc, en l'occurrence ceux conclus avec les États Unis. Lesdits accords de libre-échange se caractériseraient par une entrée massive de nouveaux opérateurs étrangers appuyés à de grands groupes qui font de lombre à nos nationaux. En guise de préparation à cette mondialisation tentaculaire, de nouvelles configurations ont vu le jour avec pour principal dessein lexploitation des effets de synergie afin de faire face à cette redoutable concurrence. Défendre les intérêts nationaux, lEtat lencourage sans pour autant verser dans le protectionnisme ou le monopole, du «moins pas encore». Les principales opérations au cours de 2007 Les acquisitions ayant marqué la scène économique nationale ne sont pas des moindres. On peut citer en premier lieu Taslif qui a acquis 100% de sa consur Salaf par le biais dune augmentation de capital de 200 MDH. La Caisse de dépôt et de gestion a cédé en juillet 2007 35% du capital de la société de crédit à la consommation Sofac à Poste Maroc. Dans le cadre de sa stratégie de déploiement à linternational et plus particulièrement dans la région de lAfrique de lOuest, Attijariwafa bank a acquis la Compagnie bancaire de lAfrique occidentale CBAO. Une opération stratégique et qui nest pas des moindres a eu lieu récemment dans le milieu bancaire avec lacquisition par la BCP auprès du groupe Société générale de 43,54% du capital de la Marocaine-Vie, filiale du groupe SGMB. A noter que cette prise de participation dans lune des compagnies dassurance présentes sur le marché a eu lieu après de multiples demandes dagrément dassurance formulées par le groupe Banques Populaires. Le secteur de la finance na pas eu lexclusivité des concentrations, sachant que limmobilier sest aussi caractérisé par une opération denvergure. Ce qui nest pas étonnant dans la mesure où il y a presque quatre années limmobilier, secteur lucratif, se voulait une locomotive de développement pour léconomie marocaine. Pour 1,3 Md de DH, le groupe Addoha a signé en décembre 2007 le contrat dacquisition de 50% du groupe Fadesa Maroc. Cette opération devrait permettre au leader du secteur immobilier au Maroc de conforter sa position sur le marché en tirant profit des potentialités que représente lactivité de Fadesa Maroc dans le Royaume, mais aussi dassurer son expansion à linternational en capitalisant sur le savoir-faire et le réseau de distribution de Fadesa International. A travers la lecture des différents business plan élaborés à l'occasion de ces opérations stratégiques, la phrase récurrente est l'exploitation des effets de synergie afin de se tailler des parts de marché respectables. Toutefois, la question qui se pose est : est-ce que cette tendance ne reflète pas le désir des sociétés de prendre les devants de la loi sur la concurrence ? Existe-t-il un réel contrôle des parts de marché que détiennent les sociétés nées de ce mouvement par le Conseil de la concurrence ? Le Conseil de la concurrence veille-t-il au grain ? Selon un responsable, la loi sur la concurrence n'interdit pas les opérations de concentration qui peuvent être un moyen de restructuration des secteurs économiques et d'accroissement de leur compétitivité. Les concentrations par croissance interne ne sont pas concernées par le système de contrôle. Par contre, la loi vise à éviter les effets préjudiciables que certains regroupements peuvent avoir sur la concurrence. Pour ce qui est du contrôle des parts de marché, la Constitution stipule dans son article 4 que la loi ne peut avoir d'effet rétroactif. Cependant, au cas où des abus de position dominante seraient constatés sur le marché, ils pourront être traités et le cas échéant sanctionnés par le Conseil de la concurrence. Les fusions et acquisitions sont généralement examinées avant d'être autorisées ou refusées. La manière diffère d'un pays à l'autre, mais chaque pays prévoit généralement des seuils en deçà desquels tout projet de fusion n'est accepté qu'après étude de ce projet par les autorités de la concurrence. Au Maroc, malheureusement, et en dépit de lexistence de ce Conseil, nous avons la surprise de constater que depuis sa création, ce dernier na encore jamais traité de dossiers. «Le Conseil de la concurrence existe bel et bien, mais ne fonctionne pas. Depuis sa création en 2002, il na jamais eu à traiter de dossier. Ajoutons à cela que le Président du Conseil a été nommé à la tête de lANRT quil a quittée depuis. Le poste de président est resté vacant à ce jour et donc le Conseil na jamais démarré réellement», explique un membre du Conseil de la concurrence souhaitant garder lanonymat. Deux types de craintes surgissent lors de lévaluation dun projet de fusion. La première est quelle conduise à une entreprise qui va dominer le marché (forte concentration) et la seconde est que le nombre dentreprises après la fusion devient réduit au point de faciliter les complots sur les prix. Sous dautres cieux tels que le Canada, Paul Martin, lancien Premier ministre, avait refusé, après une longue étude du Bureau de la concurrence, deux projets dans une décision historique. Il avait suivi la recommandation de ce bureau, et ce malgré tout le lobbying initié à lépoque. Au Maroc, on nen est pas encore arrivé à ce stade-là. Certes, les projets de concentrations sont précédés détudes dévaluation, mais jusquà présent les opérations qui nont pas abouti résultent dun désistement de lun des partenaires ou de la force du marché. A titre dexemple, après lannonce de la reprise du groupe Saham, appartenant à Moulay Hafid El Alami, de 67% du capital de la CNIA, le groupe Banques Populaires (GBP) a réagi vivement, nayant visiblement pas apprécié que la CNIA lui échappe alors quelle avait des visées sur elle. Une chose est cependant sûre : la tendance est aujourdhui aux rapprochements capitalistiques qui permettront aussi bien aux banques quaux assurances de disposer dun potentiel de croissance important qui, il faut oser le dire, reste brimé par la limitation du champ dintervention et la lenteur de prises de décisions stratégiques à cause du handicap de taille. Mais encore faut-il sassurer que ces opérations ne portent pas préjudice à notre économie. Jusquà présent, nous navons pas encore eu affaire à ce Conseil dans la mesure où les concentrations qui ont été réalisées nont pas perturbé, encore heureux, le jeu de la concurrence. Mais personne ne sait de quoi demain sera fait. «Effectivement, la tendance à la massification est une évolution naturelle dans un marché libéral. Cela dit, il ne faut pas ouvrir la voie aux excès par lapplication des textes de loi. Au Maroc, lEtat a tenu à ce que les secteurs aient de grandes structures, notamment dans le secteur bancaire pour contrecarrer larrivée de capitaux étrangers qui visaient labsorption de certaines banques marocaines. Cette action permet de défendre les intérêts nationaux», ajoute le même responsable du Conseil de la concurrence. Lexistence de grands pôles assure effectivement que des structures ne soient pas absorbées par dautres. Mais défendre le national ne doit pas non plus se faire aux dépens de la concurrence et de linnovation dun secteur. Ainsi, la massification doit se faire sans intégration totale du secteur ou monopole. Pour cela, le Maroc doit disposer dune politique industrielle proprement dite qui fixe les limites des différents intérêts nationaux et qui laisse aux secteurs un espace libre dexpression de la compétition et de linnovation.