CIH Bank a entamé son processus de transformation digitale depuis 2010, bousculant les codes quasiétablis dans le secteur bancaire. La banque veille cependant scrupuleusement à ce qu'il y ait une complémentarité entre digitalisation et proximité humaine à travers le réseau d'agences. Les détails de ce nouveau modèle économique expliqués par Lotfi Sekkat, Directeur général délégué de CIH Bank. Finances News Hebdo : CIH bank s'est engagée depuis un peu plus de 2 ans dans un processus de dématérialisation de la relation client. Quel bilan peut-on en faire à ce stade ? Estimez-vous que l'offre digitale fait évoluer la perception des produits bancaires par le consommateur ? Lotfi Sekkat : CIH Bank s'est engagée à offrir un service bancaire digitalisé et innovant. Et, en fait, notre volonté n'est pas de dématérialiser la relation avec notre client, mais de lui simplifier l'accès aux services bancaires et de nous concentrer sur notre relation avec lui afin de l'accompagner et le conseiller au mieux dans ses besoins au quotidien. La relation humanisée avec nos clients est au centre de nos préoccupations. Notre processus de transformation digitale a commencé en 2010. Il fallait d'abord travailler sur la plateforme du système d'information où l'ensemble des services bancaires sont traités. Puis, à partir de 2012, nous nous sommes concentrés sur l'exposition de ces services sur le web et le mobile à destination de nos clients, puis sur l'agence à destination de nos collaborateurs. Pour revenir à votre question, le bilan est extrêmement positif. Mais cela ne signifie pas que c'est quelque chose d'aisé. Il faut avoir une volonté stratégique pour s'engager dans cette voie et ne pas en faire uniquement un axe de communication. Le travail doit concerner aussi bien les processus et les produits mis à la disposition du client, que les collaborateurs en interne, car c'est aussi la culture d'entreprise qu'il faut faire évoluer. Pour toutes ces raisons, la perception du client évolue, puisque tout cela est fait pour lui présenter une banque simple, efficace, bref qui suit son temps. Donc, pour lui, moins de tracasseries «administratives». Plus que cela, nous pensons que ça lui plait et le client nous le fait savoir, notamment par ses réactions sur les réseaux sociaux où il nous demande, entre autres, d'aller encore plus loin dans l'innovation. F.N.H. : En termes de charges de fonctionnement, le digital apporte-t-il une certaine économie de coûts pour la banque ? L. S. : Le service digital coûte moins cher que le même service en version non digitale, mais en plus il est de meilleure qualité. Cette économie ne concerne pas seulement la banque, mais le client également. Par exemple, pour le virement, nos clients paient deux fois moins cher le digital par rapport au classique et, en plus, ils économisent les frais de transport et de déplacement en agence. De plus, le service est de meilleure qualité car nous assurons l'instantanéité de l'opération. Le bénéficiaire reçoit immédiatement les fonds et en est informé. Dans cette affaire, je pense que tout le monde est gagnant. Ceci étant, l'objectif n'est pas uniquement d'optimiser les coûts, mais aussi de dégager du temps à nos collaborateurs afin qu'ils se concentrent sur l'accueil et l'écoute des clients en agence, notamment pour des besoins plus élaborés. F.N.H. : Selon vous, comment concilier digitalisation et retour sur investissement ? L. S. : J'ai plutôt envie de dire que digitalisation doit rimer avec retour sur investissement. Maintenant, ce retour sur investissement revêt plusieurs formes. Le digital permet de faire des économies autant pour la banque que pour le client. Mais la digitalisation des services bancaires a également des retombées sur le plan commercial, puisque qu'elle permet l'amélioration de la qualité de service, et donc une meilleure fidélisation de nos clients, mais aussi l'enrichissement de notre portefeuille client. En fait, il s'agit d'un nouveau modèle économique, à l'instar de ce que l'on peut constater dans les autres secteurs d'activité. Un modèle économique qui prend en compte les nouvelles possibilités d'interaction avec les clients, permises par les nouvelles technologies et Internet. Un modèle où le gratuit ou quasi-gratuit est omniprésent. C'est grâce au déploiement de ce modèle que nous réussissons à offrir une banque gratuite aux jeunes générations (Code 30). F.N.H. : Ahmed Rahhou, PDG de CIH Bank, déclare souvent dans ses interventions qu'un modèle bancaire pure player n'est pas adéquat. Dans le cas de CIH Bank, où placez-vous le curseur entre services classiques et services dématérialisés ? En d'autres termes, y a-t-il des lignes rouges qu'il ne faut pas franchir pour éviter de provoquer des effets pervers dans la relation client ? L. S. : Je ne parlerai pas de lignes rouges, car se mettre des barrières à l'entrée va à l'encontre de l'esprit d'innovation. Notre ambition est de «faire bouger les lignes» et de faire le métier de la banque autrement au bénéfice du client. Il ne s'agit pas de faire fuir le client de nos agences, ni de créer une «ghettoéisation» en cantonnant une catégorie de la clientèle, en fonction de ses revenus ou de son âge ou d'autres critères, à n'avoir accès qu'aux services bancaires digitaux. Certains développent en effet ce type de modèle. Nous n'y croyons pas et pensons au contraire que le modèle performant est celui qui allie de façon complémentaire digitalisation et proximité humaine à travers le réseau d'agences. En effet, toutes nos actions doivent avoir un objectif de simplification et de rapidité perçues et appréciées par le client, sinon cela perd de son sens. Je dirai que la limite est mouvante, car ce qui est difficilement accepté et/ou permis aujourd'hui le sera certainement beaucoup plus facilement demain. Il faut capitaliser sur la proximité assurée pas nos agences bancaires pour offrir d'autres services innovants. Au-delà de notre mission de conseil financier, peut-être devons-nous adapter nos agences pour oser offrir des services différents et à valeur ajoutée forte qui reposent sur une approche digitale et qui utilisent ou nécessitent la proximité et le capital de confiance dont la banque jouit déjà auprès du public.