* Une dizaine dintroductions en Bourse au total en 2007. * Le dispositif réglementaire en constante évolution, à force dajustement, même sil y a encore des failles. * Introduction en Bourse de la CGI et publication de lavis relatif aux conditions de passation des marchés de blocs : «pure coïncidence». * Nouvelle plate-forme technologique dici la fin de lannée et nouvelle phase de trading. * Le marché à terme : en 2008 peut-être. * Les détails avec Omar Drissi Kaitouni, membre du Directoire et Directeur des Systèmes dinformation de la Bourse de Casablanca. Finances News Hebdo : Le marché boursier a connu ces dernières années une évolution soutenue, avec notamment la multiplication subite des introductions en Bourse. Aujourdhui, comment appréciez-vous ce phénomène ? Omar Drissi Kaitouni : Les premiers signes dune reprise du marché ont été décelés en 2004, année durant laquelle la Bourse a accueilli deux opérations majeures. Cette reprise sest confirmée lannée suivante avec une hausse du nombre de sociétés introduites en Bourse et des volumes échangés. Le marché a poursuivi cette même tendance en 2006, mais de manière beaucoup plus accentuée, puisquil y a eu pas moins de 10 sociétés qui ont regagné la cote, en plus dune forte progression des volumes. Cette dynamique du marché est légitimée par un retour de confiance de la part des investisseurs, lattrait et lintérêt suscités par notre place tant à légard des investisseurs nationaux quétrangers, la tendance positive des résultats des sociétés cotées, mais également lattrait quont eu certaines introductions en 2006. Cette année, nous nous attendons à une continuation de ce qui a été observé précédemment, dans la mesure où le marché sinscrit dans un trend positif depuis janvier dernier. Par ailleurs, nous constatons, au regard des résultats semestriels de cette année, une bonne évolution des performances des sociétés cotées, dont la majorité confirme dailleurs que cette évolution devrait se consolider durant le second semestre. Et au niveau du marché, avec 5 cotations déjà enregistrées durant le 1er semestre, nous sommes sur une tendance similaire à celle de 2006 : cest-à-dire une dizaine dintroductions en Bourse dentreprises de taille et dactivité différentes. Ce qui va ouvrir des perspectives intéressantes pour lannée prochaine. F. N. H. : Lon constate que de plus en plus de PME sintéressent à la cote. Comment expliquer cet intérêt subit de ces petites entreprises pour le marché boursier, elles dont le péché mignon a toujours été le culte de la non-transparence ? O. D. K. : Cet intérêt des PME pour le marché boursier date en réalité de longtemps; il est plutôt à chercher dans la réforme de 1993 qui a posé les jalons de la modernisation de la place. Elle lui a donné une stabilité et une base de développement, avec des réformes réglementaires assez soutenues, appuyées par des amendements concis qui ont permis de bien réorganiser la cote. Cest donc cette réforme de 93 qui commence à donner ses fruits. Elle a dabord démarré par une série de privatisations, lesquelles ont donné au marché son moteur de croissance, avant que lintroduction des PME ne prenne la relève. Et ce dans la mesure où le marché présentait un certain intérêt en terme de financement de léconomie, mais également en terme de valorisation. Cet attrait sest confirmé par la suite et ira certainement en se renforçant. F. N. H. : Justement, la hausse de lactivité au niveau du marché sest accompagnée ces derniers temps dune recrudescence des opérations douteuses. Cela a dailleurs interpellé le CDVM qui a diligenté des enquêtes, mais na pas appliqué de sanctions. Et tout cela suscite des mécontentements, voire de la méfiance à légard du marché. Ne craignez-vous pas de voir tous les efforts déployés par la Bourse pour gagner la confiance des investisseurs engloutis, à cause de pratiques peu orthodoxes ? O. D. K. : Vous savez, notre marché a évolué dans le temps; une évolution qui nous conduit logiquement à une situation de maturité, laquelle se confirme de jour en jour. Effectivement, les différentes enquêtes auxquelles vous faites allusion relèvent de la mission CDVM qui, dailleurs, lexécute fort convenablement. Mais il faut savoir que, généralement, les résultats des enquêtes naboutissent pas immédiatement. Cest un travail de longue haleine qui permet dapporter une brique (un dispositif réglementaire ; ndlr) supplémentaire à notre marché. Cest pourquoi il faudra être patient et attendre pour avoir les premières conclusions des enquêtes relatives à ces dossiers. Il importe cependant de préciser que notre système est basé sur une structure assez importante dans la mesure où les briques dinvestissement sur le marché sont solides, à savoir un système électronique, une certaine intervention, voire une ouverture sur le Net que nous avons implémentée depuis 2006 Toutes ces composantes nous ont non seulement permis de faciliter laccès direct aux investisseurs, mais également doffrir à nos intermédiaires un ensemble doutils pour réaliser leur travail dans de bonnes conditions. Cest ce qui fait que, parfois, en multipliant ces briques, les gens trouvent les choses assez complexes et difficilement maîtrisables. Pourtant, tout se réalise dans les règles du marché, avec la transparence nécessaire et le respect de la réglementation. F. N. H. : Dans le même ordre didées, on accuse la Bourse davoir joué un certain rôle dans lintroduction en Bourse de la CGI, notamment en ayant assoupli les conditions de prix des transactions sur le marché de blocs. Ce qui a valu laller-retour spectaculaire des investisseurs étrangers. Que répondez-vous à cela ? O. D. K. : Comme vous le savez, à la veille de la cotation de la CGI, nous avions sorti un avis en Bourse sur les conditions de passation des marchés de blocs. Mais cétait une pure coïncidence. Car, lorsque, le 29 juin dernier, Maroc Telecom a voulu faire passer un bloc de 4%, il a fallu faire un amendement du Règlement général. Quand lamendement est passé, juste après, le Règlement général a changé et les avis ajustés. Et en conséquence, nous avons travaillé sur lajustement de lavis concernant le marché de blocs qui a été publié par coïncidence juste avant lintroduction en Bourse. Donc, en aucun cas, la Bourse na voulu favoriser qui que ce soit. Il faut savoir que cest une procédure qui prend du temps, surtout si lon tient compte du fait que lavis qui est sorti le 8 août fait suite à un amendement du 13 juin 2007. F. N. H. : Pour rester toujours sur la CGI, avec la sortie massive du capital des investisseurs étrangers, la Bourse dispose-t-elle doutils réglementaires ou de mécanismes de verrouillage pour protéger le marché de pareilles pratiques ? O. D. K. : En fait, nous agissons dans un cadre plus global : le comportement de marché. Nous faisons une analyse quotidienne de lensemble des transactions. Toutes les interventions sur le marché sont passées au crible et nous tirons des conclusions, desquelles nous extrayons un certain nombre de remarques qui peuvent être transmises au CDVM. Ces remarques peuvent également concerner notre propre réglementation et nous inciter à faire les «réglages» quil faut. Nous y travaillons continuellement afin de rendre ce marché plus solide, avec les meilleures pratiques en matière de réglementation possibles En prenant lexemple de la journée du 13 août, il y a eu 152 transactions de blocs, avec environ 1.200.000 titres, alors quil y avait 2 millions de titres en attente dachat sur le marché central; chose qui est inhabituelle, surtout au lendemain dune introduction, alors que notre stratégie consiste plutôt à favoriser les opérations sur le marché central. Actuellement, nous sommes en train de poursuivre notre analyse interne pour sortir les ajustements nécessaires afin déviter ce genre de situation dans le futur. En gros, lessentiel pour nous est de capitaliser en tirant les conclusions qui simposent par rapport au vécu. F. N. H. : Toujours sur le plan réglementaire, quelles sont les prérogatives dévolues à la Bourse quand vous soupçonnez un délit dinitié ? O. D. K. : Il sagit principalement de fixer les modalités de négociation, à travers des avis de la Bourse, en restant bien évidemment dans le cadre du Règlement général. Comme vous le savez, les modalités de négociation tant sur le marché central que sur le marché de blocs sont définies dans le RG, mais certaines modalités sont laissées à la discrétion de la société gestionnaire qui les publie dans des avis. A un moment donné, nous choisissons certaines modalités et observons leur comportement. Si, avec le temps, nous voyons quelles ne sont plus dactualité, la société gestionnaire a le droit dagir, mais principalement sur le mode de négociation. F. N. H. : Parmi les grands chantiers de la Bourse qui étaient prévus en 2007, il y a le marché à terme. Où en est ce projet ? O. D. K. : Cest un projet auquel tient beaucoup la Bourse de Casablanca. Il a été confié à un groupe de travail au sein duquel est représenté, outre la Bourse, le Trésor, le CDVM, Bank Al-Maghrib. Actuellement, le projet de loi sur le marché à terme est assez bien avancé et devrait être finalisé dici la fin de lannée. F. N. H. : Pour une mise en uvre qui devrait intervenir à quelle date ? O. D. K. : A partir de 2008, il sagira de passer à la mise en uvre en instituant une société gestionnaire et une chambre de compensation; il sagira aussi didentifier les membres négociateurs et les membres compensateurs Bref, on ne pourra démarrer que si le cadre réglementaire, notamment le projet de loi, est en place. F. N. H. : Quels sont les autres chantiers de la Bourse à moyen terme ? O. D. K. : Parmi les autres chantiers importants de la Bourse, il y a la nécessité daccompagner et soutenir les introductions en Bourse. Comme vous le savez, nous effectuons un travail soutenu pour inciter les sociétés à sintroduire en Bourse, mais dans les meilleures conditions. Cest un chantier assez stratégique pour nous. Lautre volet important, sur lequel nous travaillons depuis un certain temps, concerne la mise à niveau de notre plate-forme technologique pour pouvoir accompagner le niveau dactivité assez relevé du marché. Cette plate-forme, installée en 1997, nécessite une mise à niveau dans ses différentes composantes, aussi bien techniques (nouveaux calculateur, serveurs ) que fonctionnelles. Sur ce dernier volet, il sagira doffrir au marché une nouvelle version du système de cotation électronique qui va apporter de nouvelles fonctionnalités (nouveaux types dordre, entre autres), lesquelles vont permettre une certaine maturité, même dans les techniques de négociation. Nous pensons également implémenter une nouvelle phase de trading qui sappellera «Trading at last»; cest-à-dire la possibilité de négocier au dernier cours. Par exemple, après la clôture de la séance à 15h30, on pourra laisser 15 mn à tous ceux qui veulent négocier au cours de clôture; ce sera donc une négociation à prix fixe. Ce projet est à un stade bien avancé, mais nous ne pourrons basculer vers la nouvelle plate-forme quen cas de risque zéro, cest-à-dire si nous sommes sûrs quil ny aura aucun problème. Nous espérons, en tout cas, le finaliser et basculer dici la fin de lannée.