L'accord signé dimanche 30 octobre entre l'Union européenne et le Canada après plusieurs années de tractations, est le symbole de la vraie démocratie. La Belgique, ou plus exactement la Wallonie qui a bloqué le traité de libre-échange, a pu obtenir finalement gain de cause. Des enseignements à tirer pour un pays tel que le Maroc : il ne faut pas céder facilement devant son négociateur. Dimanche dernier à Bruxelles, l'Union européenne et le Canada ont officiellement signé leur accord de libreéchange (Ceta). Négocié pendant de longues heures, parfois à la virgule près, le compromis belge sur le Ceta, qui devait permettre à l'UE de signer enfin ce traité de libre-échange avec le Canada, contient essentiellement des précisions sur les tribunaux d'arbitrage qui constituaient le principal élément de blocage. Pour que l'accord soit signé, il a fallu que tous les Etats membres de l'UE accordent leurs violons et donnent leur aval. La vraie démocratie ! Le lendemain, lundi, quasiment tous les tabloïds étrangers ont consacré leur Une à cet accord, le qualifiant d'historique. Le CETA supprimera 99% des droits de douane entre l'UE et Ottawa Présenté par les dirigeants européens comme un nouvel «accord modèle» de libre-échange, le traité commercial signé dimanche 30 octobre entre le Canada et l'UE s'est heurté à de vives oppositions, tout comme le Tafta en discussion avec les Etats-Unis. Aujourd'hui, la page semble tournée : le Ceta donnerait, sans aucun doute, un coup de fouet aux échanges commerciaux entre les deux partenaires. «Par rapport aux accords commerciaux précédents, le Ceta est déjà un accord très avancé. Le document de clarification le rend meilleur. Je suis reconnaissant vis-à-vis de la Wallonie d'avoir amélioré les choses», confie Philippe Couillard, Premier ministre québécois, à un quotidien français. A rappeler qu'Ottawa est le douzième partenaire de Bruxelles en matière d'importations (1.6% des importations de l'UE) et le 13ème en ce qui concerne les exportations (2%). D'après les chiffres publiés récemment par l'institut de statistiques Eurostat, l'excédent commercial de l'UE avec le Canada s'élève en 2015 à 6,9 milliards d'euros pour les biens et à 3,8 milliards d'euros pour les services. Le montant des droits de douane que le Canada supprimerait pour les produits originaires de l'UE, une fois le Ceta en application, s'élève à 500 millions d'euros par an, affirme Bruxelles. «Grâce au Ceta, les entreprises européennes auront désormais accès aux marchés publics canadiens, y compris ceux des villes et des provinces qui gèrent une part importante des dépenses publiques. Une véritable avancée pour les Européens qui avaient, eux, déjà donné un large accès à leur marché aux compagnies canadiennes», lit-on dans le journal Le Parisien. Aussi, estil arrêté que ledit accord (plus de 500 millions d'Européens et 35 millions de Canadiens) ne modifiera pas les règles européennes sur la sécurité alimentaire ou la protection de l'environnement. Bien au contraire, il vise à améliorer la coopération entre les organismes européen et canadien sur ces normes. Parmi les exceptions au traité, certains produits agricoles, comme les viandes bovines et porcines, dans le sens Canada-UE, toujours soumises à des quotas. L'accord fournit aussi une protection supplémentaire à 143 origines géographiques spécifiques (AOC), dont 42 françaises, comme le «Roquefort», le «Saint-Nectaire» ou les «Pruneaux d'Agen». D'après ses fervents défenseurs, le Ceta est un traité moderne qui doit servir de référence. Si l'Europe devait négocier un accord avec les USA, allusion faite au Tafta, il est clair qu'il sera impossible d'accepter quoi que ce soit. Qualifié d'historique, cet accord regorge d'enseignements pour un pays comme le Maroc. Un fait que partage Jawad Kerdoudi, président de l'IMRI : «Ce qui m'a frappé dans l'accord Union européenne-Canada, c'est le fait qu'un Chef de gouvernement régional de la Belgique a pu bloquer la signature entre le Canada et l'Union européenne et a pu obtenir des amendements concernant la question de l'arbitrage et la préservation des services publics. Ceci doit encourager le Maroc à défendre sa position concernant l'intégration des provinces sahariennes quant à l'application des accords signés par le Maroc avec l'UE et notamment l'accord agricole». S. Es-siari Les tribunaux d'arbitrage en question La question des tribunaux d'arbitrage est l'une des plus sensibles, le Ceta offrant la possibilité à une multinationale qui investirait à l'étranger de porter plainte contre un Etat adoptant une politique publique contraire à ses intérêts. Sur ce point, les Belges semblent avoir obtenu des avancées, via une déclaration, qui émane cette fois du Conseil et de la Commission. Elle «précise les modalités et (...) les garanties pour cette question d'arbitrage», se félicite le Premier ministre belge Charles Michel. Selon cette déclaration, les juges européens de ces tribunaux - il y aura aussi des canadiens - devront être nommés par les Etats membres, afin de s'assurer qu'ils ne sont «pas issus des milieux d'affaires», a expliqué le ministre-président de la région francophone de la Wallonie (Sud), le socialiste Paul Magnette, chef de file des opposants au Ceta. Mieux encore, pour éviter toute ambiguïté, ils seront rémunérés par le Canada et l'Union européenne et les affaires leur seront attribuées de manière aléatoire. Tout l'enjeu est de rapprocher le système de règlement des différends entre Etat et entreprise de celui des tribunaux publics, dans un souci de transparence.