Et voilà ! Après des mois d'attente, de supputations et de pronostics (parfois bien farfelus), les islamistes du Parti de la justice et du développement (PJD) ont remporté les élections législatives du 7 octobre. Pendant 5 ans encore, ils présideront aux affaires du Royaume, avec Abdelilah Benkirane, nommé lundi par le Souverain chef du gouvernement, aux commandes. Victoire surprise du PJD ? Pas vraiment. Les observateurs avertis du microcosme politique l'avaient prédit. Les campagnes de dénigrement, les nombreuses perles de Benkirane, le bilan assez critique dressé de la précédente législature ou encore les scandales auxquels ont été mêlés certains cadres du parti n'ont pas réussi à dissuader un électorat qui, à travers son vote, a renouvelé sa confiance en cette formation politique. C'est fort de cette légitimité que Benkirane va encore occuper le fauteuil douillet de la Primature pendant un quinquennat et tenter de former le nouveau gouvernement. Une tâche a priori autrement plus difficile que gagner les élections, dans un contexte caractérisé par la bipolarisation de la scène politique et où il faudra être habile dans le jeu des alliances. Les alliances pour avoir la majorité, c'est justement le casse-tête auquel sera confronté Benkirane. Avec qui s'allier ? Que concéder en échange ? Jusqu'où faut-il aller dans les compromis ? Autant de questions auxquelles il faudra trouver des réponses, en ne perdant pas de vue que l'histoire politique récente du Maroc nous a enseigné qu'une coalition hétéroclite est source de lenteur et de blocage. Aujourd‘hui en tout cas, la seule certitude qu'on a, est que le Parti authenticité et modernité (PAM), arrivé second aux législatives, ne formera pas d'alliance avec le PJD. Du moins, c'est ce qu'a laissé entendre, en des termes à peine voilés, le bureau politique de la deuxième formation politique du Royaume. Au lendemain de la publication des résultats du scrutin, il a notamment réaffirmé sa position constante et de principe que toute alliance, quelle qu'en soit la nature, ne peut être scellée qu'avec des partis ayant en partage avec le PAM le même référentiel idéologique et le même projet démocratique et moderniste. Des mots transparents pour qui sait lire. Où le PJD ira-t-il alors piocher de nouveaux «amis» ? Au Parti du progrès et du socialisme (PPS), son allié de toujours ? Au Mouvement populaire (MP) ? Au Parti de l'Istiqlal (PI) ? A l'Union constitutionnel (UC) ? Nul ne sait. On n'est cependant sûr que d'une chose : le jeu politique est fait d'amour et de désamour, d'idylle rompue et de réconciliations de circonstances, de compromis parfois douteux, et surtout de rapprochements surprenants mus par les promesses d'un fauteuil ministériel. Les prochains jours nous édifieront en tout cas sur la composition du nouveau gouvernement, avec ses rescapés, les recasés et les nouveaux venus. Les femmes y occuperont-elles une place de choix ? Quand Benkirane les compare à des... lustres, difficile de répondre par l'affirmative.