La recommandation de l'avocat général de la Cour européenne de justice d'annuler l'arrêt du Tribunal européen concernant l'accord agricole conclu entre le Maroc et l'UE cache de bien mauvaises surprises pour le Royaume. De son côté, l'UE est en attente du jugement final de la Cour de justice de l'UE sur la question, qui peut survenir dans un délai de deux mois. Aucune réaction officielle n'a, à ce jour, émané de la partie marocaine en réaction aux conclusions rendues publiques le 13 septembre. L'heure est grave ! C'est le moins qu'on puisse dire à la suite de la publication des conclusions de l'avocat général de la Cour de justice de l'Union européenne, rendues publiques le 13 septembre, dans lesquelles Melchior Wathlet n'y va pas avec le dos de la cuillère. Il souligne que ni l'accord d'association UE-Maroc, ni l'accord UE-Maroc sur la libéralisation des échanges des produits agricoles et de la pêche ne s'appliquent au Sahara. Si l'avocat général, poste qu'il occupe depuis le 8 octobre 2012, propose à la Cour d'annuler l'arrêt du Tribunal saisi par le polisario, il remet en cause la souveraineté du Maroc sur ses provinces du Sud. Ces conclusions sont émises suite à l'examen de la Cour de justice de l'Union européenne du pourvoi en appel formulé par le Conseil de l'UE contre l'arrêt du tribunal sur l'accord agricole avec le Maroc, pour demander l'annulation dudit arrêt. Il s'agit d'un grave précédent qui menace tout le processus dans lequel s'inscrivent les deux partenaires que sont le Maroc et l'UE. Il risque également d'anéantir tous les acquis accumulés durant ces dernières années, notamment le Statut avancé et l'Accord de libreéchange complet et approfondi (ALECA), issus d'un long processus qui couronne la politique de voisinage initiée par l'UE, elle-même, envers ses voisins. Si l'on se réfère à ce qui est paru dans la presse nationale, on est bien évidemment loin de penser qu'il y a péril en la demeure, puisque la plupart des médias marocains adhèrent à une infime partie de ces conclusions. Dans ces conclusions, l'avocat général propose à la Cour d'annuler l'arrêt du 10 décembre 2015 du Tribunal de l'Union européenne, et de rejeter le recours du front polisario comme irrecevable car ce dernier n'a plus d'intérêt à faire annuler la décision contestée... «Le front polisario n'est pas directement et individuellement concerné par la décision litigieuse et que, partant, son recours devrait également être rejeté à ce titre». Mais ces dernières lignes suffisent-elles à nous faire sauter de joie face à la zone de turbulence (dont on se serait volontiers passé en ces temps de crise) qui guette les relations Maroc-UE. A l'heure actuelle, aucune réaction officielle n'a émané de la partie marocaine, si ce n'est un communiqué-dépêche du ministère des Affaires étrangères et de la Coopération, qui ne fait que reprendre quelques points des conclusions de Melchior Wathlet. Ce qui laisse perplexe face aux enjeux que représentent ces accords aussi bien pour l'économie marocaine qu'européenne et, surtout, vu que dans ses conclusions, l'avocat général, Melchior Wathelet, considère que «le Sahara occidental (NDLR : marocain) ne fait pas partie du territoire du Maroc et que, partant, contrairement à ce qui a été constaté par le Tribunal, ni l'accord d'association UE-Maroc ni l'accord de libéralisation ne lui sont applicables». «S'agissant de la question de savoir si la portée des traités ou accords internationaux conclus par les Etats administrant des territoires non autonomes s'étend également à ces territoires, la pratique de la majorité de ces Etats démontre qu'une telle extension est subordonnée à sa prévision expresse lors de la ratification des traités ou accords. Or, les deux accords précités ne comportent aucune disposition visant à étendre leur champ d'application au Sahara occidental et une telle extension n'a pas été prévue non plus lors de la ratification de ces accords par le Maroc», note l'avocat général. La question reste donc posée et l'ignorer n'implique pas qu'elle n'existait pas, d'autant plus que du côté européen, l'on attend le jugement final de la Cour de justice de l'UE sur la question qui interviendra probablement dans deux mois, comme l'indiquent certaines sources. Et si l'UE s'abstient de faire des commentaires ou formuler des conjectures sur des questions hypothétiques, il n'en demeure pas moins qu'il est légitime d'appréhender les conséquences d'un jugement qui serait défavorable au Royaume ! I. Bouhrara On recule de 21 ans ! Ce nouvel incident, s'il influence de quelque manière que ce soit la décision de la Cour de justice de l'Union européenne, torpillera plus de 20 ans d'efforts et d'investissements engagés dès la mise en place en 1995 du processus de Barcelone. Processus qui s'est concrétisé par la conclusion d'un accord d'association avec le Maroc, entré en vigueur en 2000, et d'autres pays du pourtour sud-méditerranéen, et dont découlent tous les autres accords développés ultérieurement. Dix ans plus tard, en décembre 2010 précisément, le Conseil de l'Union européenne avait signé le document qui permettait de mettre en place une nouvelle vague de libéralisation des échanges entre les deux partenaires en matière de produits agricoles et de pêche, une fois le document ratifié par le Parlement européen. L'Union européenne et le Maroc ont conclu en 2012 un accord prévoyant des mesures de libéralisation réciproques en matière de produits agricoles, de produits agricoles transformés, de poissons et de produits de la pêche («Accord de libéralisation»). Sans oublier le Statut avancé, auquel le Maroc est le premier pays à accéder, et l'ALECA, toujours en cours de négociation.