En 2007, la Cour des comptes a recensé pas moins de 82 établissements publics qui n'adhèrent pas au RCAR. L'entrée en action de l'ACAPS remettrait les pendules à l'heure en généralisant l'adhésion à ce régime, à l'ensemble des organismes publics. Salah-Eddine Benjelloun, économiste chercheur, spécialiste de la protection sociale, fait le point sur cette situation illégale. Finances News Hebdo : Quelques établissements publics se trouvent encore, aujourd'hui, sous le régime de base des Caisses du secteur privé (CNSS ou CIMR). Quelle appréciation faites-vous de cette situation, si l'on prend en considération que le texte de loi stipule que lesdits établissements doivent être sous le régime du RCAR ou de la CMR ? Salah-Eddine Benjelloun : En 2007, la Cour des comptes a recensé pas moins de 82 établissements publics qui n'adhèrent pas au RCAR et ce, malgré l'obligation légale de ces organismes d'adhérer au régime général du RCAR (le régime complémentaire étant facultatif). Cette situation a pour origine la création de la plupart de ces établissements antérieurement à l'institution du RCAR, en 1977. A titre d'exemple, on peut citer le cas de la RAM dont les salariés sont affiliés aux régimes CNSS (régime de base) et CIMR (régime complémentaire) et ceux de l'ONICL (Office national interprofessionnel des céréales et des légumineuses) et l'ONHYM (Office national des hydrocarbures et des mines), dont les salariés sont affiliés au régime CIMR (régime de base). La situation de ces deux derniers établissements n'a pas manqué de susciter interrogations et émois parmi un personnel légitimement inquiet du sort des retraites. Paradoxalement, la loi de création de l'ONHYM (Fusion BRPM – ONAREP) consacre l'affiliation du personnel au régime CIMR. La Cour des comptes souligne sans équivoque que «cette couverture reste inadaptée pour les organismes publics et sans encadrement légal approprié». Espérons que l'entrée en action de l'ACAPS (Autorité de contrôle des assurances et de la prévoyance sociale) remettrait les pendules à l'heure en généralisant l'adhésion au régime RCAR à l'ensemble des organismes publics, ce qui ne manquera pas de consolider le «pôle public» dans la perspective de la réforme structurelle projetée des systèmes de retraite. F.N.H. : D'après-vous, lesdits établissements ont-ils intérêt à rester dans la situation actuelle ou basculer vers le RCAR ? S. E. B. : De par la loi, tous les établissements publics doivent adhérer au régime général du RCAR, sachant pertinemment que la transition nécessiterait, dans certains cas, des évaluations actuarielles complexes. Au-delà de cette obligation légale, il est indéniable que les personnels des établissements publics ayant le régime CIMR comme régime de base, sont lésés quant à leurs droits à la retraite : le taux de remplacement moyen de la CIMR est très faible par rapport à ceux des autres régimes - CMR, RCAR et CNSS -(HCP, 2012). La revalorisation des pensions CIMR est plutôt inconsistante (0,4% en 2015 à comparer à celle du RCAR : 2,98% et 3% en 2016). Ce qui explique la perte vertigineuse du pouvoir d'achat des retraités CIMR. A cet égard, rappelons que durant une décennie, la CIMR a engagé des réformes paramétriques à l'origine d'une paupérisation rampante des retraités : à partir de 2010, année où le rendement technique du régime est à son plus bas niveau (8,87%), pour une durée de service de 10 années, les pensions seraient réduites pratiquement de moitié par rapport à ce qu'elles auraient été sans l'engagement des trois réformes. Par ailleurs, les perspectives d'équilibre financier du régime CIMR synthétisent une situation beaucoup plus contrastée dans le détail, particulièrement quand on analyse l'évolution future de certains indicateurs : une dégradation accrue du rapport démographique (qui a décru de 4,2 actifs pour un retraité en 2000 à 2,4 en 2014) et un déficit technique structurel du régime sur deux décennies (Cour des comptes, 2013). Autrement dit, la soutenabilité financière du régime CIMR serait à la merci des marchés financiers et dépendrait étroitement des rendements financiers du portefeuille. Situation d'autant plus inquiétante que la CIMR ne publie plus, depuis 2012, les résultats de la gestion financière, remettant en cause la transparence exemplaire qui a caractérisé la gestion financière du portefeuille CIMR depuis 1952 (Rapports annuels CIMR 1952 – 2011). F.N.H. : Comment se traduira concrétement la transformation de la CIMR en une société mutuelle sur les affiliés ? S. E. B. : La transformation en une société mutuelle de retraite permettra, certes, de mettre fin à la fragilité du statut juridique actuel de la CIMR, mais n'apportera pas de changements majeurs au mode de fonctionnement opérationnel de la CIMR. Sur un autre volet, et pas des moindres, contrairement aux autres régimes, la CIMR n'a pas instauré la «pension minimale» en faveur des affiliés des établissements publics dont elle constitue le régime de base. Solidarité qui s'impose en faveur des affiliés à bas salaires et/ou à carrières précaires.