Le danger de la rente par rapport à la corruption ou au détournement des deniers publics est qu'elle revêt un caractère «légal», étant donné que les dispositions la régissant sont traduites dans les textes de lois, décrets ou circulaires. Dans la Constitution de 2011, les textes sont clairs et le mot rente n'y est pas mentionné, mais cela n'empêche pas de dire qu'elle est ciblée. Sur le plan pratique, la problématique a été subtilement contournée. A une année de la fin du mandat de Abdelilah Benkirane et s'il y a un élément récurrent que les analystes et les faiseurs d'opinion reprochent à son équipe, c'est bel et bien la persistance de l'économie de rente. A ses débuts, le Chef de gouvernement a clamé haut et fort qu'il fera de la lutte contre la corruption et l'économie de rente son cheval de bataille. Dans un premier temps, il y a eu, une divulgation des noms qui profitent pleinement de l'économie de rente, mais sans aucun plus par la suite. Les Marocains sont restés sur leur faim et attendent de la part du gouvernement des actions à fort impact. Que nenni. Un échec qui se justifie toujours par l'existence de poches de résistance. Quatre ans après son investiture, ses paroles attendent encore une concrétisation sur le terrain. Et chaque fois que l'occasion se présente, la société civile monte au créneau pour l'apostropher sur ses engagements en la matière. A rappeler que l'arrivée du Parti de la justice et du développement est une suite logique du Printemps arabe et, du coup, l'équipe de Benkirane se trouve dans l'obligation de prendre les choses à bras-le-corps et répondre aux revendications des citoyens réclamant l'égalité des chances, mettre un terme aux dérapages liés à l'économie de rente et initier des sanctions à l'encontre des «prévaricateurs». Dans une économie où le système de rente bat son plein, les opérateurs ne lésinent pas sur les moyens à la recherche des situations de rente. Ils sont souvent prêts à faire fi des textes de lois et recourir à la corruption pour créer, maintenir ou bénéficier d'une rente. En cause, les activités soumises à la concurrence exigent des efforts de recherche et d'innovation continue. Quelles prérogatives pour le Conseil de la concurrence ? Des agréments de transport public... à ceux de l'exploitation des carrières de sable qui ont fait couler beaucoup d'encre, la rente prend plusieurs formes. Il s'agit-là des formes les plus visibles et qui sont moins problématiques et moins coûteuses pour la collectivité et l'économie que celles invisibles. A noter, par ailleurs, que le danger de la rente par rapport à la corruption ou au détournement des deniers publics est qu'elle revêt un caractère «légal», étant donné que les dispositions la régissant sont traduites dans les textes de lois, décrets ou circulaires. C'est là où le bât blesse et la question qui se pose d'emblée est la suivante : son caractère légal peut-il écarter toute éventualité ou tout soupçon de forme de concurrence déloyale ? Depuis son indépendance, le Maroc a opté pour une économie libérale, qui encourage l'initiative privée. Il s'est inscrit dans le schéma de la globalisation, de l'ouverture de ses marchés et la suppression des mesures de protection. Il l'a accompagné par la mise en place d'un cadre pour promouvoir la politique de la concurrence. Un cadre, qui au fil du temps, a montré ses limites et dont la réforme a été déjà entamée, en 2014. Aussi, la Constitution de 2011 stipule-t-elle dans son article 35 : «L'Etat garantit la liberté d'entreprendre et la libre concurrence... Les pouvoirs publics sont tenus de prévenir et réprimer conformément à la loi, toutes formes de délinquance liées à l'activité des administrations». La Constitution se réfère, par ailleurs, à la loi pour sanctionner le trafic d'influence et de privilèges, l'abus de position dominante et de monopole, soit toutes les autres pratiques contraires au principe de la concurrence libre et loyale dans les relations économiques, ainsi que toutes les infractions relatives aux conflits d'intérêt. Les textes sont clairs et le mot rente n'y est certes pas mentionné, mais cela n'empêche pas de dire qu'elle est aussi ciblée. Seule l'économie de marché, c'est-à-dire la concurrence, est susceptible de garantir et favoriser l'enrichissement d'un plus grand nombre de citoyens grâce à la liberté économique et à l'égalité dans l'action. Dans ce cas de figure, de quelles prérogatives dispose le Conseil de la concurrence (CC) pour endiguer les situations de rente? Interrogée sur la question, une source du CC, souhaitant garder l'anonymat explique: «Effectivement, en tant qu'institution constitutionnelle indépendante, le Conseil de la concurrence se présente comme l'un des outils pouvant contribuer grandement à réduire les domaines qui connaissent des pratiques de rentes indues». Et d'ajouter : «Sur le plan opérationnel, le Conseil est doté, en vertu du nouveau dispositif juridique relatif à la concurrence, de tous les outils nécessaires pour qu'il puisse bien mener sa mission. Il est doté de l'indépendance institutionnelle et de l'autonomie financière, du pouvoir d'enquête et d'investigation, du pouvoir décisionnaire et de la possibilité d'auto-saisine». Le Conseil pourra ainsi procéder de deux manières : soit par le bais de sanctions lorsque cela s'impose, soit par le biais de l'advocacy (plaidoyer) à travers les consultations et les avis qu'il pourra adresser aussi bien aux pouvoirs publics qu'au secteur privé. Le champ de compétence du Conseil englobe d'un côté, la lutte contre les pratiques anticoncurrentielles, à savoir les ententes anticoncurrentielles, et d'un autre côté les abus de position dominante. Mais sur le plan pratique, la problématique a été subtilement contournée. Pour des règles opérationnelles dédiées Une économie comme la nôtre, en quête de développement, ne peut se passer de mettre en place des règles opérationnelles dédiées au respect de la concurrence loyale et à l'éradication des situations de rente. Quelle que soit sa taille et quel que soit son domaine d'activité, une entreprise a besoin d'un environnement stable et prévisible. Il convient aussi de noter que les modalités d'accès aux marchés publics garantissent l'égalité des chances entre acteurs, et ce tout en servant l'emploi, l'investissement, la recherche et l'innovation sur le territoire national. Comme l'a si bien dit Jean-Marc Daniel, professeur d'économie à ESCP-Europe : «La concurrence, en chassant les rentes, est le seul moyen d'obtenir la croissance économique, le pouvoir d'achat et la réduction de la pauvreté».