17 demandes d'agrément ont pour l'instant été reçues par la Banque centrale, à moins d'un mois de la date limite de dépôt des dossiers. Tout le monde ne sera pas servi, prévient Bank Al-Maghrib. Pour un grand nombre d'experts, notamment malaisiens, la voie choisie par le Maroc est la bonne. Reste à relever le défi de la fiscalité, de la formation et de l'équilibre du marché. ‘‘A ce jour, nous avons reçu 17 demandes d'agrément, et le dernier délai pour le dépôt des dossiers est fixé au 16 novembre. Nous aurons, à compter de cette date, 4 mois pour statuer. Durant cette période, nous irons à la rencontre des demandeurs d'agrément», déclare Lhassane Benhalima, directeur de la Supervision bancaire à Bank Al-Maghrib, et l'un des principaux artisans de la législation régissant la banque participative. Il s'exprimait à l'occasion du Forum international de la finance participative, qui s'est tenu à Casablanca. Pour L. Benhalima, trois préoccupations majeures taraudent le régulateur. Il y a en premier lieu le souci de garantir l'égalité des chances entre banques conventionnelles et banques participatives d'un point de vue fiscal. A ce titre, la Loi de Finances 2016 devra apporter des réponses à cet impératif. Deuxièmement, le régulateur veillera à ce qu'une concurrence loyale s'établisse entre les différents établissements, grâce au concours du Conseil de la concurrence. Enfin, Benhalima a, une fois de plus, fait part de la volonté du régulateur de préserver à tout prix l'équilibre du marché. Si certains observateurs rencontrés en coulisse y voient une manière à peine voilée de préserver les acquis des banques conventionnelles, la Banque centrale, elle, le conçoit surtout comme un gage de stabilité pour le système financier. «On ne peut pas délivrer d'agrément à tout le monde», insiste Benhalima. Plusieurs critères seront pris en compte avant de les octroyer : la gouvernance, le respect des dispositions règlementaires et, surtout, le financement de l'économie; le nombre de produits participatifs proposés, le nombre d'agences à ouvrir seront aussi déterminants. Pour réussir au mieux le démarrage de cette industrie nouvelle, la Banque centrale a pris son temps, pour réfléchir, se concerter, et adapter les meilleures pratiques internationales au contexte marocain. La Malaisie, qui a une expérience des plus réussies dans le domaine de la finance participative, est apparue comme un modèle dont le Maroc peut s'inspirer. «Nous avons reçu la Banque centrale marocaine et des membres du Conseil supérieur des Oulémas en Malaisie pour qu'ils s'imprègnent de notre expérience», indique Mohd Daud Bakar, fondateur du groupe malaisien Amanie, co-organisateur du Forum. La voie de la raison De l'avis de la majorité des experts internationaux présents à ce forum, la voie choisie par le Maroc pour le déploiement de la finance participative est judicieuse. «Pourquoi construire quelque chose qui est déjà bâti», souligne un expert malaisien, faisant référence au puissant et résilient système bancaire marocain sur lequel les activités participatives n'auront qu'à se greffer. La Malaisie a d'ailleurs, peu ou prou, suivi le même chemin au début des années 80, en se s'appuyant sur les banques conventionnelles pour assurer le démarrage de la finance participative. «Les fenêtres islamiques (Islamic Windows) ont joué un grand rôle dans l'essor de la finance participative en Malaisie», explique le même expert. La création de filiales ou de fenêtres islamiques s'avèrent moins coûteuse que la création d'une banque 100% participative qui, elle, nécessite un investissement lourd, notamment en infrastructures. «Quand le marché grandit, on sépare les deux activités et on fait évoluer la réglementation pour rendre l'industrie plus compétitive», poursuit-il. Avant de conclure : «la clé du succès, ce n'est pas la religion, c'est la compétitivité». La «boutade» de Daoudi Justement, le terrain religieux n'a que très peu été investi lors des différentes interventions. Seul Lahcen Daoudi, qui représentait le gouvernement, a remis au goût du jour les vieilles querelles idéologiques qui, selon lui, ont été à l'origine du retard pris par le Maroc en matière de finance islamique. «Dans les années 80, le Wali de Bank Al-Maghrib a arrêté le projet de banque islamique au Maroc», rappelle-t-il, avant de lancer une saillie dont lui seul a le secret : «Comparer les banques conventionnelles et les banques participatives, dire que l'une est moins chère que l'autre, est impossible, car l'une est haram et l'autre halal». Une phrase qui n'a pas forcément été du goût des représentants de la Banque centrale, qui déplorent cette sortie improductive. Toujours est-il qu'aujourd'hui, l'heure est à l'optimisme et à l'enthousiasme. L'ensemble des intervenants ont souligné les opportunités qu'offrira la finance islamique pour le Royaume, notamment en termes de financement de l'économie. Taib Aisse, président du cabinet AISSE, estime que la finance participative arrive à point nommé pour soutenir les différentes stratégie sectorielles du Maroc, notamment le Plan d'accélération industrielle, le Plan énergétique et le Plan Maroc Vert. A terme, la finance alternative contribuera à faire du Royaume un centre financier pour la région pour peu que les défis que sont la formation et le cadre fiscal soient relevés. Les facteurs-clés du succès Amat Taap Manshor, PDG de Finance Accreditation Agency, a identifié les clés pour réussir le décollage des activités de la finance participative : 1. Une infrastructure juridique complète et un cadre global de la Sharia. 2. Etanchéité totale entre les fonds d'origine participatifs et ceux d'origines conventionnels. 3. Un cadre réglementaire et prudentiel efficace. 4. Des initiatives globales de développement des talents. 5. Des leaders et parties prenantes forts et engagés. 6. Une exigence de capitalisation des banques. 7. La recherche et développement dans les produits. 8. Le développement des infratsructures des marchés financiers. 9. L'éducation et la sensibilisation des consommateurs.