La Loi de Finances 2015 consacre bon nombre de dispositions destinées à renforcer le stock des entreprises marocaines et à promouvoir la création d'emplois. Pour autant, s'il est indéniable que l'Etat déploie des efforts pour venir en aide aux entreprises, certains experts sont perplexes quant à l'efficacité de certaines exonérations fiscales consacrées par la LF 2015. La Loi de Finances est incontestablement un baromètre de taille reflétant les efforts consentis par l'Etat pour soutenir un secteur. De ce point de vue, les mesures fiscales destinées à promouvoir l'emploi et l'élargissement du tissu des entreprises du pays sont édifiantes. Si pour certains, les dispositifs fiscaux de la LF 2015 (exonérations, incitations) sont à saluer, pour d'autres, ceux-ci sont dépourvus d'efficacité et n'incitent guère à la création d'entreprises et d'emplois. Le professeur Najib Akesbi avait d'ailleurs déclaré récemment sur nos colonnes qu'il faut considérer ces mesures incitatives comme de vieilles recettes néo-libérales utilisées partout en Europe et ailleurs, et qui n'ont jamais produit les effets escomptés. Au-delà de cette joute portant sur les effets positifs de telles mesures, il est important de rappeler que, dans l'optique de promouvoir la compétitivité de l'entreprise et l'intégration du secteur informel, il est prévu dans la LF 2015 l'exonération du salaire mensuel brut plafonné à 10.000 dirhams versé par une entreprise créée entre le 1er janvier 2015 et le 31 décembre 2019, et ce dans la limite de 5 salariés. Cette exonération est valable pour 24 mois et le salarié doit être recruté dans le cadre d'un contrat à durée déterminée. La principale critique adressée à cette mesure est qu'elle ne favorise pas l'emploi, puisque toutes les entreprises nouvellement créées doivent de toute façon recruter. Toutefois, la vertu d'une telle mesure est qu'elle constitue tout de même un ballon d'oxygène, réduisant ainsi les charges qui pèsent sur les entreprises dès le démarrage de leurs activités. L'autre disposition majeure de la LF 2015 en faveur des entreprises marocaines, est la prise en charge par l'Etat des coûts relatifs à la part de l'employeur au titre des contributions dues à la Caisse nationale de la sécurité sociale (CNSS) pour une durée de 24 mois. L'Etat prend par ailleurs en charge la taxe de formation professionnelle. Ces exonérations concernent aussi les entreprises et les associations créées entre le 1er janvier 2015 et le 1er décembre 2019. Tout compte fait, force est de constater que ces dispositions n'aident pas substantiellement les TPE et les petites entreprises, vu le nombre restreint de salariés bénéficiant de ces exonérations. D'où leurs limites, sachant que l'effectif des PME marocaines même nouvellement créées dépassent largement le nombre de cinq. Compte tenu de cela, certains experts estiment que ces mesures relèvent de l'ordre de la symbolique, avec de faibles implications sur la compétitivité des entreprises. Une chose est par contre certaine : ces allègements fiscaux montrent que l'Etat a un tant soit peu prêté une oreille attentive aux doléances fiscales des entreprises, car certaines d'entre elles estiment être surtaxées. Infos pratiques Soutien au démarrage Si pour certains, d'un point de vue fiscal l'Etat affiche une trop grande largesse envers les entreprises, pour d'autres, il devrait encore aller plus loin en matière d'incitation et d'allégement fiscal. Pour autant, il convient de rappeler que l'exonération en matière d'impôt sur les sociétés (IS), constitue un réel coup de pouce pour les entreprises. Ainsi, à la lecture du Code général des impôts 2014 (CGI), on s'aperçoit que les entreprises exportatrices de produits ou de services, à l'exclusion des sociétés exportatrices des métaux de récupération, qui réalisent dans l'année un chiffre d'affaires à l'exportation, bénéficient pour le montant dudit chiffre d'affaires de l'exonération totale de l'IS pendant une période de cinq ans consécutifs. Elles bénéficient aussi de l'imposition au taux réduit à l'article 19-C du CGI au-delà de cette période. Concernant la TVA, les entreprises ont droit à l'exonération à l'importation et à l'intérieur pendant 24 mois à compter du début d'activité de la société. Il s'agit entre autres des biens d'investissement à inscrire dans un compte d'immobilisation. Cela dit, il est important de rappeler que l'IS représentait pas moins de 20% (plus de 7 Mds de DH) des dépenses fiscales. Pour leur part, la TVA et l'IR se sont arrogés respectivement 41,1% et 12% desdites dépenses. Ces chiffres montrent que les entreprises occupent une place de choix dans le dispositif des dépenses fiscales destinées à promouvoir la création d'entreprises au Maroc. Outre cela, le rapport sur les dépenses fiscales de 2013 montre que les secteurs du transport, de l'automobile, de la chimie et du tourisme bénéficient d'un important allégement fiscal dans l'optique de les accompagner. Toutefois, force est de constater que les activités immobilières continuent de se tailler la part du lion au niveau des dépenses fiscales. Ce qui suscite une levée de boucliers de certains experts qui estiment que les autres activités créatrices de plus de valeur ajoutée pour ne citer que l'industrie, devraient davantage bénéficier d'exonérations et d'incitations fiscales. Paroles de pro Zakaria Faham Expert-comptable et managing partner à Bdo «J'estime que la fiscalité d'entreprise et les cotisations sociales ne sont pas trop handicapantes pour les entreprises marocaines, même si certains entrepreneurs s'en plaignent. Pour vous convaincre de cela, il y a lieu de rappeler qu'il existe au Maroc une cotisation minimale pour la fiscalité directe. Ce qui est très intéressant pour les entreprises, surtout lors de leur phase de démarrage, période pendant laquelle la rentabilité est moindre en raison des coûts d'investissement très élevés. Du reste, les thématiques qui devraient être au coeur des priorités des entreprises marocaines sont les délais de paiement, la bureaucratie, leur mise en réseau et l'accompagnement. Pour ce qui est des marchés publics, les pouvoirs publics devraient encore redoubler d'efforts pour faciliter davantage l'accès des PME à la commande publique. Certaines entités publiques jouent le jeu, mais pour d'autres, le chemin est encore long. L'amélioration du climat des affaires est aussi un paramètre-clef pour l'essor du tissu des PME»