Dans tous les pays, les gens se sont levés pour dire, d'une seule voix, «non au terrorisme», suite aux attaques terroristes perpétrées la semaine dernière en France et qui ont fait 17 morts. Cette mobilisation sans pareille, couronnée par la marche républicaine organisée dimanche dernier à Paris avec pas moins de 50 représentants de différentes nations, témoigne, tant s'en faut, de la nécessité de faire rempart contre ces fanatiques qui se drapent du manteau de l'Islam pour assassiner lâchement des innocents. Après l'émotion suscitée par ces actes barbares, et avec le recul nécessaire, il semble néanmoins utile de nuancer les réactions de part et d'autre. En France comme ailleurs, particulièrement dans le monde musulman, ce qui s'est notamment passé à Charlie Hebdo suscite des appréciations différentes. Si certains Français s'estiment en effet «Charlie», du fameux slogan «Je suis Charlie» né au lendemain de l'attaque dont a été victime ce journal satirique, d'autres, même s'ils condamnent cet attentat, n'adhèrent pas du tout à ce slogan, mettant en cause la ligne éditoriale du journal. D'ailleurs, aujourd'hui, dans l'Hexagone, les différents représentants des institutions et autres associations musulmanes sont dans une posture délicate, pour ne pas dire qu'ils versent dans une hypocrisie sociale de circonstance, tiraillés entre les valeurs républicaines prônées par la France et des convictions religieuses fortement chahutées par Charlie Hebdo, au nom de la liberté d'expression. Car, en caricaturant le Prophète Mohammed (PSL), c'est cette ligne rouge pour laquelle les Musulmans ne tolèrent aucun compromis que Charlie Hebdo franchit allègrement. Ainsi, dans son dernier numéro de mercredi tiré à 3 millions d'exemplaires et en rupture dans les kiosques dès sa parution (2 millions d'exemplaires supplémentaires vont être tirés), ce journal satirique surfe sur l'émotion encore vive du moment pour mettre à sa «Une» une nouvelle caricature du Prophète. Qui va s'en plaindre en France dans des circonstances pareilles ? Personne. Les porte-voix des Musulmans sont désormais obligés de faire profil bas, n'osant ni condamner ni exprimer ouvertement leur désapprobation face à cette démarche blasphématoire. Tout juste se contentent-ils de prôner l'apaisement. Dans les pays musulmans par contre, ces caricatures du Prophète suscitent l'indignation et sont perçues comme une ultime (certainement pas la dernière) provocation de la part du journal satirique. D'ailleurs, le ministre des Affaires étrangères et de la Coopération, Salaheddine Mezouar, qui était dimanche à Paris, n'a pas participé à la marche, d'autant que des caricatures du Prophète y étaient représentées. Alors, êtes-vous Charlie ?