Changement radical de méthode. On ne se fait plus la guerre à coups de mitraillettes et de missiles. On n'envoie plus les soldats dans les tranchées pour servir de chair à canon. Même les drones, ces redoutables engins et aux vertus dévastatrices ne sont plus mis à contribution. Non, désormais, on se fait la guerre autrement : c'est l'asphyxie économique qui a la faveur des pronostics. Elle est autrement plus redoutable et elle fait encore davantage de dégâts. Ceux qui se livrent actuellement à une guerre des prix du pétrole en savent quelque chose. L'or noir, convenons-en, dans le contexte actuel, n'usurpe guère son nom. Pour régler ses différends avec ses meilleurs ennemis, l'Amérique ne bande plus les muscles et ne se donne plus vulgairement en spectacle comme elle avait l'habitude de le faire. Face à ses détracteurs, les Etats-Unis brandissent simplement leur pétrole de schiste, encore appelé pétrole non conventionnel, dont ils inondent le marché. Et pendant qu'ils se gaussent de voir les cours du baril de pétrole chuter vertigineusement, aidés en cela par les spéculateurs imprudents qui se débarrassent de leurs stocks pour minimiser leurs pertes et les pays hors-Opep (Organisation des pays exportateurs de pétrole) qui ont augmenté leur production, ses ennemis, eux, rient jaune. Particulièrement l'Opep qui, traditionnellement, ajuste sa production pour faire remonter les prix. Pourtant, cette fois-ci, pour s'opposer à la stratégie agressive, voire impertinente des Américains, le cartel a décidé d'engager le bras de fer. Combien de temps cela va-t-il durer et, surtout, qui va en sortir vainqueur ? On ne saurait le dire pour l'instant. Quoique, avec le recul, nous serions tentés de soutenir que le pays de l'Oncle Sam a d'ores et déjà marqué un point. Non, deux plutôt. Premièrement, les Etats-Unis ont réussi à foutre un sacré «merdier» sur le marché du pétrole en attisant les tensions géopolitiques, et au sein de l'Opep en alimentant les dissensions internes. En effet, face au plongeon des prix du pétrole, deux fronts sont apparus au sein de l'Organisation : l'un, mené par l'Arabie Saoudite, qui reste serein et prône le statu quo, et l'autre, plus agité, au sein duquel s'active bruyamment le Venezuela. Secundo, les Etats-Unis chicotent subtilement les économies de ses frères ennemis que sont la Russie, le Venezuela et l'Iran en réduisant drastiquement leurs revenus pétroliers. Le pays de Poutine est aux abois, confronté à une inflation galopante, le Venezuela au bord de l'implosion économique, tandis que l'Iran est asphyxié tant par la baisse des prix de l'or noir que par l'embargo. Le tout, sur fond de risques accrus de tensions sociales. Dans cette guéguerre d'un nouveau genre où chacun bombe le torse, des spectateurs comme le Maroc jubilent intérieurement. Car l'effondrement des cours du pétrole est forcément une bonne nouvelle pour l'économie nationale : les finances publiques devraient reprendre du poil de la bête et le déficit budgétaire s'alléger. Les prix à la production et à la consommation vont-ils pour autant baisser ? Ça, c'est à voir.