Au lendemain de la cérémonie d'ouverture marquée par le message royal aux participants, Driss El Yazami, président du Conseil national des droits de l'Homme (CNDH), s'est présenté en conférence de presse pour évoquer les enjeux de ce Forum mondial et sa satisfaction de voir le Maroc organiser un tel évènement. Mais l'essentiel des questions posées a trait au boycott du Forum par diverses associations, dont l'AMDH, à son grand désarroi. Récit. Difficile pour Driss El Yazami, personnage central et hôte de ce 2ème Forum mondial des droits de l'Homme (FMDH), d'échapper aux questions des journalistes relatives au boycott du Forum par certaines associations marocaines et particulièrement celui retentissant de l'Association marocaine des droits de l'Homme (AMDH). En effet, une fois sa déclaration sur les enjeux du FMDH achevée, l'attention des journalistes s'est focalisée sur cette polémique, au grand regret du président du CNDH. Dans une déclaration qui laissait transparaître par moment un brin d'agacement, El Yazami exprime son point de vue sur la question. Tout d'abord, le CNDH et l'AMDH n'ont jamais coupé les ponts, bien au contraire, semble dire El Yazami qui multiplie les signes de bonne volonté ainsi que les preuves de bienveillance de son institution à l'égard de l'association dirigée par Ahmed Elhaij. Pour lui, et en toute bonne foi, le CNDH a associé l'AMDH à la plupart des travaux pour préparer ce forum : «Ils ont pris part avec nous à des activités avec d'autres associations marocaines. Ils étaient partie prenante d'un séminaire sur l'accès à la justice avec une quinzaine d'autres associations. Ils ont tenu des réunions, y compris au siège du CNDH où j'ai vu moi-même et même salué Ahmed Elhaij qui préparait un séminaire. Ils s'occupaient des préparatifs pour le forum sur la justice transitionnelle qui doit se tenir ici même avec différentes associations. Il y eut sept réunions au moins de préparation de ce forum. Nous avons eu en tant que comité d'organisation plus de cinq réunions bilatérales pour préciser les conditions de travail. Je leur dis : bienvenue à eux». Un forum de toutes les souffrances Ceci étant dit, El Yazami ne souhaite pas que le FMDH se transforme en une tribune de revendications exclusivement marocaines, même s'il ne cache pas que tout n'est pas parfait au Maroc : «Il peut y avoir des victimes au Maroc, et nous le savons». Néanmoins, poursuit-il, «ce forum n'est pas un forum maroco-marocain. Peut-être d'ailleurs que nous avons besoin d'un forum ad hoc ou d'université sur les droits de l'Homme. Mais en l'occurrence, le FMDH est un forum international. Il y a toutes les souffrances du monde qui sont présentes ici. Vous avez été témoin lors de la cérémonie d'ouverture de l'intervention du Biélorusse Ales Bialiatski, vice-président de la fédération internationale des droits de l'Homme. Ce militant vient de sortir de prison. La lettre du président Mahmoud Abbas a aussi exprimé la souffrance du peuple palestinien. Ce forum mondial est celui de toutes les victimes». Il aurait par ailleurs préféré que les revendications ainsi que les doléances de l'AMDH s'expriment à l'intérieur du Forum et non par le boycott. «L'ADN des droits de l'Homme est de contester, de demander plus. On n'organise pas un forum mondial des droits de l'Homme pour dire que tout va bien, au Maroc comme ailleurs !» clame-t-il. «Pendant la séance d'ouverture, des dizaines d'enfants palestiniens ont souffert, des Syriens ont été tués, des bombes sont tombées sur les villes syriennes, et on peut multiplier à l'envie la liste des souffrances du monde. Ce forum est fait pour discuter des problématiques mondiales, chacun à partir de sa réalité. Les préoccupations de ces associations (L'AMDH ndlr) aurait pu s'exprimer sans aucun problème», conclut-il. Le Maroc est légitime Sur l'opportunité pour le Maroc d'organiser un tel évènement alors même que subsistent au Maroc de nombreux manquements aux droits de l'Homme, El Yazami répond du tac au tac : «S'il fallait attendre que tout aille bien dans le meilleur des mondes pour organiser une réunion internationale ou régionale, il n'y aurait jamais de réunion». Visiblement remonté, il affirme «qu'il n'y a pas un pays sur terre ou tout va bien en matière de droits de l'Homme. Les droits de l'Homme et l'Etat de droit s'inscrivent dans un processus infini». Au sujet de la situation des droits de l'Homme au Maroc, El Yazami évoque la présentation du rapport du CNDH devant le Parlement, le 16 juin dernier. «Ce rapport de 48 pages constitue, de mon point de vue, un diagnostic modeste de la situation des droits de l'Homme au Maroc. Nous avons identifié une quinzaine de dysfonctionnements auxquels il faut répondre. Nous avons à cette occasion présenté des recommandations immédiates et progressives». Une réussite El Yazami n'en démord pas : ce forum est une réussite. Le meilleur indicateur à ses yeux est le nombre de participants qui a atteint près de 7.000 personnes, soit 2.000 de plus qu'à Brasilia un an plus tôt. «Nous tentons de faire face au défi logistique qui est d'accueillir 2.000 nouveaux Marocains qui veulent participer à ce forum», explique-t-il. Avant cet exercice de clarifications face à la presse, le président du CNDH a tenu un discours lors duquel il a souligné que le 2ème FMDH est un grand moment pour le Maroc et pour la réflexion internationale. Il a rappelé que les droits de l'Homme exigent la convergence entre 3 types d'acteurs pour les faire avancer : les gouvernements et les Etats, la société civile, les experts et les juristes. Selon lui, c'est grâce à l'action combinée de ces 3 acteurs que des avancées notables en matière de droits de l'Homme ont pu être enregistrées comme en 1948 ou encore en 1984. Depuis 15 ans, un nouvel acteur s'est ajouté : il s'agit des entreprises. Il s'est ainsi félicité de la présence du monde de l'entreprise dans le FMDH, notamment de la CGEM, concluant sa déclaration en affirmant que le message du Roi Mohammed IV aux participants esquisse «une véritable carte et une vision pour les réformes à venir, avec au centre la question de la parité». Il explique que les protocoles auxquels le Maroc a décidé d'adhérer, permettront d'instaurer dans les 12 mois un mécanisme qui lutte contre la torture, et de transmission de plaintes des enfants.