Marrakech a abrité durant 3 jours la troisième édition des «Atlantic Dialogues», co-organisée par les deux think tanks, OCP Policy Center et German Marshall Fund US. Cette manifestation d'envergure a réuni plus de 450 personnalités influentes, dont 300 étrangers, représentant les secteurs publics et privés des pays des deux rives de l'Atlantique. Elle se présente comme une plateforme de coopération transatlantique qui ambitionne de tisser des relations élargies de confiance entre les différents pays riverains. Les mots d'ordre : plus de convergence, de partenariat et de coopération. ‘‘Est-il si difficile de bâtir des liens plutôt que des murs ? C'est une erreur fondamentale de bâtir des murs à moins de créer des portes et des fenêtres». Cette phrase prononcée par Jorge Castaneda, ancien ministre mexicain des Affaires étrangères, résume assez bien les enjeux de la troisième édition des «Atlantic Dialogues» qui s'est déroulée du 22 au 24 octobre à Marrakech. Bâtir des liens donc. Construire des ponts et des portes pour fluidifier les relations entre les pays riverains de cet immense espace et pour tenter de résoudre «la nouvelle équation atlantique» née d'un monde désormais multipolaire, interconnecté, où la séparation entre un Nord avancé et un Sud émergent ou en quête d'émergence apparaît de plus en plus comme une vision dépassée, voire un non-sens. Une hérésie. Réunir tout ce beau monde, représentant 4 continents et près de 60 pays à des niveaux de développement hétérogènes, pour discuter d'égal à égal des défis du monde d'aujourd'hui, n'est pas une mince affaire. Car les problèmes de confiance ainsi que les barrières psychologiques et politiques sont durs à surmonter. On réalise alors mieux le tour de force réalisé par OCP Policy Center et son président Karim El Aynaoui. Ce dernier, dans son allocution d'ouverture, appelle d'ailleurs à une «plus grande convergence entre les pays atlantiques pour une croissance durable» et surtout à «se faire confiance». Lors de ces trois journées d'échanges, aucune thématique n'a été éludée. Les panélistes ont en effet passé en revue l'ensemble des défis qui préoccupent les pays de la zone : le terrorisme, la sécurité sanitaire, le commerce, les investissements, la sécurité alimentaire, mais aussi la démographie, la politique de la ville, l'énergie, le changement climatique, etc... Et tous sont unanimes à dire qu'étant confrontés aux mêmes menaces, les solutions doivent être communes. Nord et Sud : des défis communs L'opportunité pour le Maroc d'organiser une telle manifestation mondiale n'est en soi pas une surprise. Le Royaume cherche en effet à se positionner comme un acteur incontournable de la coopération atlantique du fait de sa situation géographique exceptionnelle, et de sa vocation atlantique, africaine et méditerranéenne. Comme le rappelle Youssef Amrani, diplomate expérimenté et actuellement chargé de mission au sein du cabinet royal, «le Maroc croit fort en l'Atlantique de par son emplacement géostratégique». Il ajoute que cette zone recèle d'un potentiel important pour le progrès humain, la paix et la prospérité, et qu'à cet égard il est nécessaire de «bâtir des ponts sur la base de valeurs partagées». Il invite ainsi les pays du Nord à donner plus d'importance à l'Atlantique Sud pour apporter des réponses cohérentes aux défis que constituent le terrorisme, Ebola, le trafic de drogue ou la piraterie. Aujourd'hui, poursuit-il, les risques sont mutualisés. Il convient donc d'y apporter «des réponses concertées, cohérentes et globales». Miguel Angel Moratinos, ancien ministre espagnol des Affaires étrangères, abonde dans le même sens lorsqu'il explique «qu'on ne peut plus parler du Nord et du Sud séparément, le monde a changé, et ne doit plus se baser sur l'idée de l'OTAN, focalisée sur le Nord, et vieille de 65 ans». L'Afrique au centre des préoccupations Laura Chinchilla, ancienne présidente du Costa Rica affirme pour sa part que «le Nord et le Sud doivent travailler ensemble pour relever les défis de la lutte contre le trafic de drogue, le terrorisme et l'émission de gaz carbone, qui sont aujourd'hui des défis mondiaux». Et le plus tôt sera le mieux. L'Afrique a évidemment été au coeur des débats. Pour l'ancien Premier ministre du Sénégal, Aminata Touré, «l'Afrique est la dernière frontière de l'économie mondiale». Mais les protocoles de libre-échange ne sont pas la finalité de la croissance économique. «Le libre-échange n'est pas le commerce à tout prix», souligne-t-elle. Les gouvernements se méfient désormais des relations commerciales abusives. «Les peuples africains sont en mesure d'être plus conscients de l'importance de défendre leurs intérêts», affirme-t-elle. Selon Miguel Angel Moratinos, les priorités pour l'Afrique sont la lutte contre la corruption, le développement du commerce et de l'énergie. Il faut également créer de la connectivité, à travers notamment le développement de la logistique, des transports et des infrastructures. La présence de la Banque mondiale, de différents organismes de financements et de bailleurs de fonds lors de ces conférences témoigne de la dimension fortement économique de ces dialogues atlantiques. D'ailleurs, en Off, en coulisses ou lors des diners qui se déroulent loin des regards de la presse, les discussions sur les opportunités d'affaires vont bon train. «Les jeunes en Afrique se sentent en colère, amers, frustrés et ignorés par leurs leaders» déplore Olusegun Obasenjo, ancien président du Nigéria. «Nous avons besoin de création massive d'emplois, et de lutter contre la corruption et l'impunité» poursuit-il. Il voit le renforcement de la démocratie comme le prélude nécessaire au développement réel de l'Afrique. Il souligne par ailleurs l'importance de renforcer la coopération régionale : «Nous en Afrique, devons être plus forts chez nous et puis nous pourrons être ouverts à la gouvernance mondiale».