Le soulèvement à Hong Kong qui dure depuis plusieurs jours ne semble pas faiblir malgré l'arrestation par les autorités chinoises de dizaines de protestants. En effet, des milliers de manifestants «pro-démocratie» continuent d'occuper Central et Admiralty, poumon financier de l'archipel et réclament le départ du chef exécutif hongkongais, Leung Chun-Ying. «La Révolution des parapluies» ou le printemps chinois en plein automne ? Les manifestants s'insurgent également de la décision prise, en août dernier, par Pékin d'accorder le suffrage universel pour l'élection du chef de l'exécutif en 2017, tout en gardant le contrôle des candidatures. Le gouvernement chinois, par l'intermédiaire, de la porte-parole de son ministère des Affaires étrangères, a apporté son soutien inconditionnel au gouvernement de la région autonome, tout en rappelant que les affaires d'Hong Kong étaient une affaire interne chinoise. Une fin de non-recevoir pour les Anglais qui ont convoqué l'ambassadeur chinois à Londres pour lui exprimer leur inquiétude sur la situation à Hong Kong et, surtout, aux Américains-engagés en Asie dans une guerre d'influence diplomatique et économique face à la Chine- qui ont enjoint les autorités de faire preuve de retenue. Les autorités chinoises, confrontées à une grande révolte politique depuis les manifestations de la place de Tien Anmen en 1989, sont face à une équation difficile à résoudre. La première option serait de réprimer violemment la révolte, avec un risque réel de plonger Hong Kong, deuxième place financière asiatique après Tokyo, dans le chaos ; ce qui aura pour conséquence de faire fuir les riches investisseurs pro-chinois et porterait un coup sévère à la nouvelle position mondiale de la Chine. La deuxième option serait de faire des concessions aux manifestants d'Occupy Central et prendre le risque de perdre petit à petit son influence sur la sixième place financière mondiale et, surtout, de voir se démultiplier des revendications plus ou moins importantes à travers toute la Chine, ce qui mettrait en péril le régime communiste chinois. Les manifestations d'étudiants chinois à Melbourne, en Australie, soutenant leurs confrères d'Occupy Central, accentuent cette peur d'un phénomène de contagion à l'intérieur de la Chine. Risque majeur pour la sixième place financière mondiale ? Les marchés sont extrêmement prudents et surveillent de très près ce qui se passe à Hong Kong. L'indice boursier de Hong Kong, le Hang Seng Index, a chuté de 1,9% au début des manifestations, le Nikkei à Tokyo, dans le sillage du Hang Seng, quant à lui, a perdu près de 1%. Tous les analystes s'accordent sur le fait que les marchés vont subir un choc à court terme ; la volatilité sur l'indice de Hong Kong en témoigne : ce dernier a, en effet, bondi de 24%, sa plus forte hausse en trois ans. Dans le contexte actuel de fragilité de l'économie mondiale (l'économie américaine connaît une timide reprise, l'économie de la zone Euro ne semble pas sortir de son marasme et inquiète de plus en plus), les investisseurs se sont repliés sur les valeurs asiatiques et celles des pays émergents. Il est évident que plus l'incertitude durera à Hong Kong et plus la tension sur les marchés financiers sera plus pressante. Christine Lagarde, Directeur général du FMI, a déclaré, lors d'une interview accordée jeudi à la BBC, être très préoccupée par ce qui se passe à Hong Kong, ajoutant que l'institution qu'elle dirige n'a, jusqu'à présent, émis aucune alerte sur les perspectives de croissance de Hong Kong ; mais si la situation tardait à revenir à la normale, les choses risqueraient d'évoluer rapidement. En effet, le FMI, les agences de notation et les grandes banques internationales pourraient rapidement émettre des alertes négatives sur le secteur financier de Hong Kong, réputé pour la libre circulation des capitaux à travers ses frontières et où on investit des milliards de dollars dans la Bourse. Des secteurs d'activités comme le tourisme (38 milliards de dollars de revenus en 2013), la vente de détail et le luxe commencent à être sérieusement touchés, et cela après une semaine à peine de manifestations. En effet, les Chinois représentent deux tiers des touristes qui fréquentent l'archipel et le gouvernement chinois a tout simplement arrêté de délivrer les autorisations d'accès à Hong Kong, et de nombreux pays (Etats-Unis, Grande-Bretagne, France, Canada, Italie et Australie) ont déconseillé à leurs ressortissants de se rendre dans l'archipel. ANZ Bank estime à plus de 260 millions de dollars le manque à gagner pour le seul secteur du «retail». Pire, de nombreuses multinationales installées à Hong Kong ont demandé à leurs salariés de rester chez eux, notamment les expatriés. Il est évident que plus les manifestations dureront et prendront de l'ampleur, plus les incertitudes sur la capacité de résistance de la place financière de l'archipel augmenteront. La clé est entre les mains de Pékin qui est rentrée de plain-pied dans le capitalisme, tout en gardant une gouvernance communiste rigide. Est-ce une crise passagère ou bien sommes-nous en train de voir les prémices des limites de ce grand écart chinois ? Tout porte à croire que les jours qui viennent vont être certainement décisifs et nous apporteront les premiers éléments de réponse à nos interrogations.