Le 5ème symposium international sur les infrastructures financières et la gestion du risque crédit s'est tenu à Rabat en présence de plus de 150 participants représentant une cinquantaine de pays et près de 35 banques centrales. Au menu de ces trois jours de travaux : un débat et des workshops autour de la question du crédit reporting comme outil moderne et efficace permettant le développement de l'accès au crédit en Afrique, notamment pour les petites structures. Etudes à l'appui, les experts de la Banque mondiale démontrent la forte corrélation entre l'existence du crédit bureau et du registre des sûretés fiables et efficaces, et l'inclusion financière. Comment faciliter l'accès au financement des petites structures tout en assurant un niveau de garanties acceptable aux établissements prêteurs ? Voilà une équation complexe pour les banques et les gestionnaires de risques, notamment dans les pays émergents, qui s'apparente à la quadrature du cercle. Pour les gouvernements aussi, c'est une préoccupation majeure. La multiplication des mécanismes de financement et de garanties pour permettre l'accès des TPME au crédit en témoigne. Pourtant, à en croire la Banque mondiale qui a fait de l'inclusion financière dans les marchés émergents l'une de ses priorités, une solution simple existe : le partage de l'information par le biais du crédit reporting. C'est en tout cas l'idée que défend la Société financière internationale (SFI) qui a organisé à Rabat, conjointement avec Bank Al-Maghrib, le cinquième séminaire international sur les infrastructures financières et la gestion du risque crédit. Selon l'institution membre de la Banque mondiale, «renforcer le partage des informations est l'un des moyens les plus sûrs et les plus rapides pour assurer l'accès au crédit des individus et des entreprises qui en sont aujourd'hui écartés». Si cette problématique se pose aujourd'hui avec autant d'acuité, c'est que pendant longtemps inclusion financière et gestion des risques semblaient antinomiques, et ne faisaient pas bon ménage, excluant de fait des pans entiers de la population à l'accès au crédit et au financement de leurs projets. Les chiffres sont édifiants : dans les marchés émergents, on estime à 58% la part des TPME qui n'ont pas accès au réseau bancaire. Ce sont près de 500 millions de petites structures qui expriment un besoin de solutions de crédit. Pour les banques, cela équivaut à une opportunité (un manque à gagner) de 3.800 milliards de dollars. Les causes de ce non-accès au crédit sont bien connues: opacité des PME, absence de garanties, inexistence de systèmes efficaces de partage des données, etc... Pour la SFI, deux outils modernes de la gestion des risques sont de nature à éliminer ces appréhensions et ont fait leur preuve dans les pays qui en sont dotés : il s'agit du crédit bureau et du registre des sûretés. «De nombreuses recherches effectuées ces dernières années ont confirmé le rôle prépondérant du crédit bureau et du registre des sûretés dans le développement de l'industrie du crédit et de l'inclusion financière», souligne Joumana Cobein, chef du bureau Maghreb de la SFI. Toutes ces études tendent à démontrer qu'il y a une corrélation «incontestable» entre, d'une part, le niveau d'inclusion financière d'un pays et le développement de son industrie du crédit et, d'autre part, l'existence d'un dispositif d'un crédit bureau complet et fiable. Adapter la réglementation Le crédit bureau met à disposition des professionnels des informations nombreuses et fiables sur la solvabilité des emprunteurs. Il compile toutes les données de crédit réalisé (positives et négatives), partagées par toutes les institutions de crédit. Ces informations, qui sont distribuées aux banques sous forme de rapport de solvabilité, contribuent à améliorer la qualité et l'efficacité des décisions, et à réduire le nombre d'incidents comme la fraude ou le défaut de paiement. Quant au registre des sûretés, il permet aux biens meubles (équipement, récolte, stock, créance, etc...) d'être considérés comme garantie et jouer un rôle important dans l'obtention d'un crédit. Plus besoin d'apporter en garantie des biens immeubles dont les petites structures sont généralement dépourvues. Pour que cela soit possible, il faut néanmoins adapter la réglementation en vigueur pour autoriser des actifs circulant à servir de garantie pour un prêt. Ce qui fait la force du crédit reporting, c'est que tout le monde est gagnant, semble dire Abdellatif Jouahri, wali de Bank Al-Maghrib, lors de son allocution d'ouverture : «Ces dispositifs revêtent une importance particulière pour l'ensemble des acteurs dans le processus de gestion du risque crédit. D'abord, les emprunteurs qui peuvent tirer profit de la qualité de leurs rapports de crédit pour réduire leurs coûts de financement. Ensuite pour les prêteurs qui peuvent disposer d'une mine d'informations en temps réel facilitant l'évaluation de la solvabilité de ces emprunteurs. Et enfin, pour le régulateur pour qui le dispositif constitue l'un des piliers de la stabilité du système financier». L'automatisation du processus décisionnel d'octroi du crédit pour financer de petits projets portant sur des sommes peu élevées appelle une réflexion plus large sur le métier de banquier. Car, comme l'explique Oscar Madeddu, expert en crédit reporting, la mise en place d'un crédit reporting fiable libère «de la matière grise». Le fait que la décision d'octroi de crédit à une TPME soit automatisée et repose sur un scoring fait que l'analyste crédit peut se consacrer à des projets et des financements autrement plus importants. Le coût en temps et en argent lié aux opérations de crédit s'en trouve considérablement diminué. L'exemple de la Wells Fargo, banque américaine de renom, qui a lancé dès les années 90 un outil exclusivement réservé au Small business, est édifiant: 70% des décisions de crédit sont totalement automatisées, le coût opérationnel de chaque crédit est de 30 dollars (pour des prêts moyens de 15.000 dollars), le délai de décision ne dépasse pas 15 minutes, 94% des prêts se font sans garanties. Tout cela sans hausse des impayés. De quoi faire rêver plus d'un banquier.