Le mauvais état des infrastructures en général, associé à la saison des pluies dans un certain nombre de pays de la sous-région ont rendu l'accès aux dispensaires et hôpitaux plus difficile que d'habitude, ce qui a eu pour conséquence directe l'exacerbation du problème dû au virus Ebola. On dit qu'un Prophète n'est jamais le bienvenu dans son propre pays. Et la cote de popularité, historiquement basse, du Président du Ghana, John Dramani Mahama, vient illustrer cet adage. Les Ghanéens lui reprochent son incapacité à redynamiser une économie chancelante et de répondre positivement à leurs revendications sociales. Pourtant, au niveau régional et plus précisément de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) dont Mahama est le président actuel, la position du président ghanéen sur la crise de l'Ebola a été décisive ; à la fois ralliant et unificateur. S'exprimant lors de la réunion extraordinaire de l'Assemblée des ministres de la Santé de la CEDEAO sur le virus Ebola à Accra le 28 août dernier, Mahama était sensible à la situation de ses voisins de la région qui ont été touchés par le virus Ebola. En revanche, il était critique de ceux de la sous-région qui ont adopté une approche plus isolationniste face à la situation. Allant même jusqu'à évoquer l'esprit «ubuntu» ou unité, censé représenter l'état d'esprit en Afrique, rappelant également le proverbe africain «d'aider à éteindre le feu dans la maison de son voisin». La situation actuelle L'Organisation mondiale de la santé (OMS) a noté que dans les quatre pays (Sierra Leone, Guinée, Liberia et Nigeria) concernés de la sous-région d'Afrique de l'Ouest, il y a eu 3.069 cas enregistrés depuis décembre où le premier cas a été annoncé. Il a coûté la vie à 1.552 personnes. Le virus est tellement virulent qu'il provoque une forte fièvre et perfore les vaisseaux sanguins provoquant une hémorragie interne. Dans son rapport sur la façon de réagir à la maladie, les recommandations de l'OMS attirent l'attention sur les écarts dans les capacités actuelles de réactivité - l'absence d'un nombre important de professionnels de la santé et de l'infrastructure nécessaire est flagrante. Le rapport note également que la question de la sous-déclaration pourrait également être une réalité étant donné que le nombre réel de décès liés à Ebola pourrait être trois à quatre fois plus élevé que ce qui est effectivement déclaré. Afin de contenir la maladie de manière adéquate, l'OMS appelle à la mise en place en urgence de centres d'isolement et que pendant les enterrements des victimes, les experts de la santé soient présents. Difficultés à répondre à l'épidémie Alors que les gouvernements sur le terrain ont eu une attitude proactive, avec un fort soutien des acteurs étatiques locaux, internationaux et ONG, la capacité des pays à répondre de manière adéquate est contestée. En Sierra Leone, par exemple, le travail a été entravé par un manque extrême de ressources - personnel et équipement-, couplé par de fausses informations sur la maladie. Au Nigeria, bien mieux doté que ses voisins, le risque est de ne pas pouvoir adopter une réponse coordonnée à l'échelle de chaque région du pays et de voir se propager la maladie dans d'autres parties du pays au-delà de Lagos. Au Liberia, un résident de Monrovia donne un point de vue qui force à réfléchir : «Il semble que chacun a perdu soit un parent, un ami ou une connaissance à cause de ce virus ou de causes associées. Beaucoup d'autres personnes sont en train de mourir de causes différentes, juste parce que les centres de santé sont fermés et les travailleurs de la santé, par crainte pour leur propre vie, ne vont pas travailler. Un de mes amis est mort il y a deux jours en raison de douleurs à l'estomac aigues et il n'y avait pas d'hôpital où aller». Un environnement des affaires en détresse Mahama, le Président du Ghana, a émis de vives critiques à l'encontre des nations voisines qui ont fermé leurs frontières. Il s'agit du Sénégal, du Cameroun, de la Côte d'Ivoire, du Kenya et de l'Afrique du Sud, ces derniers sont sous le feu des projecteurs, car ils ont tous mis un certain niveau de restrictions de voyage vers et à partir des pays affectés par le virus. Les grandes compagnies desservant l'Afrique telles que British Airways, Emirates et Air France ont maintenant toutes imposé des restrictions sur les vols vers les pays les plus touchés à l'exception de Royal Air Maroc dont les dirigeants ont maintenu les vols à destination des pays touchés par le virus par solidarité africaine. Pour Brice de la Vigne, directeur des opérations de Médecins Sans Frontières (MSF), la position prise par ces compagnies aériennes est en fait une entrave au travail des organismes de secours comme le sien, ce qui rend plus difficile d'obtenir de l'aide et des fournitures. L'environnement des affaires des pays touchés par le virus sera bien entendu affecté. La Banque africaine de développement estime que le PIB des pays touchés devrait se réduire de 1,5%. En Sierra Leone, par exemple, le FMI prévoyait environ 15% de croissance pour 2014, mais les perspectives sont considérablement revues à la baisse à cause de la crise actuelle. L'interdiction des rassemblements publics empêche le bon fonctionnement des marchés de négoces, il en est de même pour l'agriculture qui fonctionne encore en mode traditionnel qu'est l'agriculture de groupe. Le café et le cacao sont produits au Kailahun, une des régions les plus touchées au Sierra Leone, on imagine déjà les répercussions sur les cours mondiaux. Quant à la croissance du Liberia, les prévisions tablaient sur une croissance supérieure à la moyenne régionale cette année grâce notamment à la production de fer et des investissements directs étrangers associés. Pourtant, ce ne sera plus le cas, des entreprises comme Arcelor Mittal, le plus grand sidérurgiste mondial, a mis ses plans d'expansion en attente et a fait évacuer son personnel hors du pays en raison de l'épidémie. Dangote, le plus grand producteur de ciment en Afrique, a évacué certains membres du personnel du Libéria et les estimations des niveaux de croissance seront réduites d'un point de base en raison du virus Ebola. En Guinée, la production de deux de ses minerais les plus importants en termes d'exportations, le fer et la bauxite, sera affectée par la situation sur le terrain. Pour ce qui est du Nigeria, le pays devrait connaître un taux de croissance d'environ 7% cette année, tirée par une expansion continue des services et de l'agriculture. Jusqu'à présent, le virus Ebola a fait moins de victime que dans les trois autres pays voisins mais néanmoins, la perception négative que la maladie a engendrée aura sans aucun doute des répercussions négatives sur la toute récente plus grande économie de l'Afrique. Conclusion L'impact de l'épidémie ne peut être facilement quantifiable. Cette maladie qui a débuté il y a neuf mois ne montre aucun signe de recul pour l'instant. Fait inquiétant, l'OMS a annoncé que le virus pourrait encore affecter sept fois plus le nombre actuel de cas signalés - jusqu'à 20.000 personnes- avant que nous commencions à percevoir son déclin. Si c'est le cas, l'impact sur les systèmes de soins de santé, des économies - nationales et internationales – sera inéluctablement important. Plus l'épidémie dure et se propage et plus les économies de certains pays africains seraient lourdement affectées. Plus généralement, les différents conflits à travers le monde- Irak, Syrie, Gaza, Ukraine, etc.- en plus d'Ebola- imposent aux entreprises de rester en veille sur ces pays et de prendre en compte le risque-pays dans l'élaboration de leur stratégie. Hicham EL AADNANI Consultant en intelligence d'affaires et stratégie d'influence - Directeur-associé Accentis Group