Après le vote du Parlement de la loi organique relative à la pétition et son entrée en vigueur, les autorités concernées seront dans l'obligation juridique de réagir conformément aux dispositions de ladite loi. Les lois organiques des articles 14 et 15 seront déposées au Parlement au courant du mois d'octobre 2014. Donc, l'entrée en vigueur peut être envisagée au 1er ou au 2ème trimestre de 2015. Le monopole de l'initiative législative par le gouvernement et les parlementaires va bientôt appartenir au passé. Les détails avec Lahbib Choubani, ministre chargé des Relations avec le Parlement, et la société civile. Finances News Hebdo : Quelle place réserve la Constitution de 2011 à l'expression citoyenne, qu'elle soit individuelle ou exercée au sein de la société civile ? Lahbib Choubani : La Constitution de 2011 représente, par plus de 50 dispositions, une avancée historique en matière de démocratie participative, et ce selon une ingénierie des pouvoirs qui prône la complémentarité avec la démocratie représentative. En effet, l'article n°1 est édifiant dans ce sens, en précisant que le régime constitutionnel du Royaume est fondé, entre autres, sur la démocratie citoyenne et participative. F.N.H. : La signature des pétitions est devenue monnaie courante au Maroc. Justement, quelle serait la valeur de ces pétitions signées essentiellement sur Internet à la lumière de l'article 15 de la Constitution ? L. C. : La nouveauté c'est que la pétition est désormais reconnue comme étant un droit et un outil constitutionnel. Avec la loi organique qui entrera en vigueur après le vote du Parlement, les autorités concernées seront dans l'obligation juridique de réagir conformément aux dispositions de ladite loi. F.N.H. : En attendant la loi organique qui détermine les modalités de jouissance de ce droit, pouvez-vous nous éclairer sur les garde-fous à mettre en place pour que droit ne se transforme pas en abus ? L. C. : Le projet de loi, fruit d'un débat national, est dans la première phase du circuit législatif et n'est donc pas encore transmis au Parlement. Une bonne pratique pétitionnaire passe d'abord par un seuil logique de signatures (entre 25.000 et 50.000 par exemple) qui peut lui donner tout le sens de la responsabilité citoyenne collective qu'elle mérite. Quant aux pétitions, c'est une démarche envisageable, et le benchmark ne peut qu'être un enrichissement positif pour notre système normatif en pleine évolution. F.N.H. : Dans un stade plus développé de l'implication citoyenne dans la vie publique, l'article 14 permet de la jouissance du droit de présenter des propositions en matière législative. Là encore, quelle serait, à votre avis, la démarche la plus pratique à mettre en oeuvre pour faciliter l'accès à ce droit ? L. C. : Avec la mise en application des dispositions de l'article 14, le champ de l'action législative verra arriver de nouveaux acteurs : les citoyennes et les citoyens, via les motions de législation. Le monopole de l'initiative législative par le gouvernement et les parlementaires appartiendra au passé. Une procédure légale va permettre aux citoyennes et citoyens de proposer ou amender des lois. Toutefois, le champ d'initiative législative des citoyens et citoyennes sera moins vaste que celui des autres acteurs étatiques. C'est la logique de la complémentarité et non de la concurrence ou l'égalité qui prévaut dans cette réforme. F.N.H. : Le dialogue avec la société civile a abouti à l'élaboration de 250 recommandations sur lesquelles planchent des experts constitutionnels pour aboutir in fine à des lois organiques. Quel calendrier vous êtes-vous fixé pour que ces lois voient le jour et entrent en vigueur ? L. C. : Je pense, si les choses se déroulent comme prévu, que les deux lois organiques seront déposées au Parlement au courant du mois d'octobre 2014. Donc, l'entrée en vigueur peut être envisagée au 1er ou au 2ème trimestre de 2015. F.N.H. : Comment définissez-vous la démocratie participative ? Et comment ces deux articles peuvent-ils y contribuer, faut-il encore que leurs lois organiques puissent voir le jour ? L. C. : Je pense que, sur le plan politique, la démocratie participative est d'abord un besoin vital pour consolider la paix sociale et la stabilité de l'Etat à travers la consolidation d'une large participation des citoyens et citoyennes dans la gestion des pouvoirs et des richesses. En effet, plus les citoyens sont moins inclus et responsabilisés par la participation, plus ils sont victimes des politiques publiques élitistes et intéressés, et plus aussi ils forment un terreau idéal de la contestation, de la déshabilité sociale et de tous les extrémismes. Par ailleurs, sur le plan opérationnel, la démocratie participative est un mécanisme de lois, de procédures, d'institutions, et de management de la chose publique qui font du citoyen un acteur réel, maître de son sort, un acteur incontournable dans le processus décisionnel lié à l'élaboration, l'exécution et l'évaluation des politiques publiques. Je suis convaincu que la réforme en cours va produire un environnement juridique très pertinent et entraîner un effet d'évaluation pour consolider les acquis démocratiques de notre texte vers plus d'harmonie avec le texte de la loi suprême.