Il s'agit de deux grands géants du secteur. Deux dettes obligataires sur des montants quasi similaires. Officiellement, les deux prétendent vouloir augmenter leurs capacités d'investissement. Mais le contexte est difficile, la demande croît lentement et le foncier se fait cher. La trésorerie accuse le coup, les actionnaires réagissent avec prudence à ces annonces et les analystes ont des avis très partagés. De quoi alimenter encore plus l'état végétatif des bailleurs de fonds. «Nous n'analysons pas la dette des entreprises cotées de la même manière que les banquiers», explique un gérant de fonds. «Pour nous, une augmentation rapide de l'endettement ne provoque pas toujours d'effet de levier, il arrive qu'elle ampute considérablement la rentabilité financière des émetteurs et c'est ce point qui focalise l'intention des investisseurs actuellement». Depuis une semaine, l'évolution du titre du groupe Addoha témoigne d'une certaine retenue de la part du marché en se stabilisant loin de ses derniers sommets, après qu'il ait pris 2,33% la semaine précédente. Rien de grave donc mais cet arrêt est «légitime», explique notre gérant. Le management souhaite soumettre à l'assemblée générale des actionnaires un projet d'émission obligataire de 2 Mds de dirhams. Jusqu'à présent, aucun détail sur l'opération n'a filtré. On ne connaît ni les modalités, ni les raisons de cette émission obligataire. Mais ce que nous connaissons très bien et qui permet de faire des projections, c'est l'endettement actuel de la société ainsi que la situation de son haut de bilan qui représente sa réelle force de frappe. A fin 2013, elle disposait de 3,7 Mds de dirhams de dettes consolidées courantes et de 6,2 Mds de dirhams de dettes non courantes. En y ajoutant des dettes fournisseurs de 5,6 Mds de dirhams, l'endettement, toutes échéances et toutes catégories confondues, est supérieur à 15 Mds de dirhams pour des fonds propres de 11 Mds de dirhams. En excluant les dettes fournisseurs, le ratio dettes long terme rapportées aux fonds propres est de 90%. En y ajoutant les potentiels 2 Mds de dirhams de dettes obligataires, le ratio dépassera les 100%, sauf si l'ingénierie financière fait passer une partie de cette dette en fonds propres à travers des obligations hybrides à impact immédiat. Autre point de préoccupation dans l'activité de la société, c'est sa charge financière de 660 MDH en 2013 et de 543 MDH en 2012 qui représente 30% du résultat courant. Là aussi, en fonction de l'ingénierie financière, ce ratio risque d'augmenter, surtout si les ventes n'explosent pas. Mais nous sommes déjà dans une équation à plusieurs variables qui rend difficile les projections sur le compte de résultat. Seul le bilan offre une réelle visibilité. Plus de visibilité pour CGI Si pour Addoha l'emprunt obligataire est un projet, pour CGI tout est ficelé. Les souscriptions débuteront le 23 juin et se prolongeront jusqu'au 27 inclus. Cet emprunt de 1,5 Md de dirhams a pour objectif «le financement d'une partie de son programme d'investissement sur la période 2014-2016, l'accompagnement de la croissance de ses activités et la gestion proactive de son passif». Pour la période 2014-2016, il s'agit de finaliser le lancement de plusieurs chantiers, essentiellement du projet Coeur de Vie de Casa Green Town, des nouvelles tranches résidentielles et de nouveaux projets à Rabat (Les Oris à Hay Ryad, les Résidences Bleues au Val d'Or...), ainsi que d'autres projets dans différentes zones du Royaume. Le promoteur s'engage à réaliser 17 Mds de dirhams de ventes sur cette période. Parallèlement, le budget d'investissement serait de 5 Mds de dirhams en 2014. C'est le budget le plus important sur la période de projection qui totalisera 14,6 Mds de dirhams, dont une grande partie sera consacrée au social à travers la filiale Dyar Al Mansour. A noter que son ratio d'endettement (Gearing) net devrait atteindre un niveau de 125% en 2014, selon les propres calculs du promoteur. Consécutivement à ces investissements, le résultat d'exploitation consolidé devrait évoluer de 32% pour atteindre 748 MDH, soit une marge d'exploitation consolidée de 16,7%, en amélioration de 1,6 point par rapport à 2013. Le résultat net part du groupe devrait s'établir à 548 MDH, soit une hausse de 49% par rapport à 2013. La marge nette part du Groupe devrait atteindre 12,2%, en amélioration de 2,4 points par rapport à 2013. «L'évolution du résultat net consolidé est principalement expliquée par la hausse de la contribution des filiales et leur montée en charge» précis-t-on. Un point en commun (prévisionnel) Si l'imposante note d'informations de CGI qui compte 302 pages passe en revue l'ensemble des activités, des prévisions et des risques de l'entreprise, «la gestion proactive de la dette» n'est que très peu évoquée. C'est peut-être le point commun avec son concurrent Addoha. CGI dispose dans son bilan de 4 Mds de dirhams de dettes réparties entre emprunts obligataires et dettes bancaires à long terme, parallèlement à des fonds propres de la même envergure (4,4 Mds de dirhams). Avec ce nouvel endettement, le ratio dettes / fonds propres dépassera les 100%. Une situation similaire à celle de Addoha. Mais ce que nous savons déjà avec CGI, en attendant les détails de l'opération de Addoha, est que le remboursement de cette dette se fera in fine. A court terme, l'endettement deviendra conséquent, mais la trésorerie sera nettement soulagée. Cette dernière affichait un solde négatif de près de 1,3 Md de dirhams en 2013.