Le crowdfunding ou financement participatif connaît un véritable engouement dans le monde, surtout depuis la crise de 2008. Besoin de proximité, retour à une finance plus directe et plus humaine, émergence des nouvelles technologies et des réseaux sociaux, sont autant de facteurs qui expliquent cet intérêt pour ce nouveau mode de financement. Au Maroc, la loi est encore trop rigide pour permettre un réel décollage du crowdfunding. Pourtant, des initiatives innovantes, comme celle de INMAA et de Babyloan, ont le mérite d'exister et montrent le chemin. Financer son projet, aussi modeste soit-il, lorsqu'on est un jeune, une femme... relève du véritable parcours du combattant. Entre les banques peu enclines à octroyer des crédits tant elles ont été refroidies par la recrudescence des impayés, les capital-risqueurs qui ne risquent pas autant qu'ils ne le devraient, et les associations de microcrédits qui sont devenues plus regardantes sur les garantis, difficile en effet pour l'entrepreneur marocain de lever des fonds lors de la phase de lancement de son projet. Combien de micro-entrepreneurs porteurs d'idées et de projets innovants restent ainsi à quai faute de soutien et de financement ? Beaucoup probablement, qui viennent, hélas, s'ajouter au contingent des jeunes chômeurs. Pourtant, à l'ère du numérique et de l'Internet 2.0, des solutions pour contourner les chemins classiques du financement sont apparues ces dernières années, notamment après la crise de 2008. L'une de ces solutions connaît un véritable engouement à travers le monde : le crowdfunding, également appelé le financement participatif. De quoi s'agit-il exactement ? Tout simplement d'un mécanisme de financement qui fait participer, via une plateforme Internet, un grand nombre de particuliers à la levée des fonds nécessaires ou demandés pour la concrétisation d'un projet. Concrètement, la plateforme, qui est généralement un site Internet où les projets sont présentés aux Internautes, se charge de mettre en relation les bailleurs avec les demandeurs, et de collecter les fonds avant de les redistribuer. Une façon innovante de faire sauter les verrous de la désintermédiation classique, et qui confère aux épargnants un moyen plus social et plus direct de choisir ceux qui vont bénéficier de leur argent. D'après certaines études, ce mode de financement séduit de plus en plus, et est appelé à connaître dans les prochaines années un essor fulgurant. Ainsi, selon le centre d'études «crowdsourcing.org», les plateformes de financement collaboratives ont réussi à lever en 2012 près de 2,7 milliards de dollars, en hausse de 81%. Pour 2013, le centre d'études évoque le chiffre de 5,1 milliards de dollars. Les projections pour l'année 2020 parlent d'un montant de 1.000 milliards de dollars ! Autant dire que la croissance est exponentielle. Actuellement, le marché du crowfunding est dominé à près de 72% par les Etats-Unis. Les Européens suivent avec 26%, quand le reste du monde ne représente que 2%. Contourner les obstacles Au Maroc, c'est peu dire que le crowdfunding peine à décoller. En cause : les obstacles liés à la réglementation, notamment celle relative à l'appel public à l'épargne et aux dons. Les marges de manoeuvre sont donc encore très tenues pour arriver à développer ce mécanisme de financement. Pourtant, des initiatives existent et tentent habilement de contourner les difficultés, à travers des partenariats entre des plateformes basées à l'étranger et des associations locales de microcrédit. C'est le cas d'INMAA qui a développé un partenariat de crowdfunding avec Babyloan, l'un des leaders du financement participatif en France. Selon la direction d'INMAA, contactée par nos soins, «le financement participatif est très utile pour cibler plus de micro-entrepreneurs», précisant que «ce partenariat est exclusivement destiné à financer des activités génératrices de revenus». Elle estime par ailleurs que «le crowdfunding par le biais de plateformes marocaines pourrait connaître un grand développement s'il y a une législation qui l'autorise». Pour l'instant, ce n'est pas le cas, tant le crowdfunding a encore très peu d'échos au sein de nos gouvernants. Seuls quelques parlementaires semblent s'y intéresser. Toujours est-il que le partenariat entre INMAA et Babyloan commence à faire ses preuves. Un partenariat inauguré en décembre 2013 et qui selon, notre source, n'a pu être effectif «qu'après la réception de l'autorisation de l'Office des changes». Cette opération a été donnée suite à une série «d'entretiens avec les responsables de l'Office des changes afin de leur expliquer ce nouveau mode de financement». Un potentiel réel Une fois ce partenariat signé, la machine s'est mise en route, et aujourd'hui, après 5 mois de collaboration, les premiers chiffres tombent, communiqués par INMAA : 43 micro-entrepreneurs marocains financés, près de 34.600 euros prêtés, 6.643 euros remboursés, et un encours de près de 28.000 euros. Evidemment, ces sommes peuvent paraître dérisoires si on les compare à d'autres modes de financement, mais il faut garder à l'esprit qu'il s'agit ici de micro-entrepreneurs (éleveurs, carreleurs, épiciers, etc...) aux besoins bien spécifiques et peu gourmands. D'ailleurs, le montant moyen des prêts se limite à près de 900 euros. Le mécanisme est bien rodé. Selon notre source, «le processus de financement de nos clients à travers la plateforme Babyloan est réalisé en trois étapes : une étape de recherche des profils à financer, une autre de financement des projets par les Internautes (les babyloaniens), et enfin une étape de transfert des fonds collectés par Babyloan vers INMAA». Concrètement, les collaborateurs de terrain d'INMAA sélectionnent les clients à financer par Babyloan afin d'incorporer leurs profils et leurs activités sur le site de la plateforme. Ensuite, les prêteurs peuvent consulter ces profils et décider de prêter des sommes aux projets qu'ils jugent fiables. C'est à ce moment-là que Babyloan collecte ces prêts, avant de les transférer mensuellement par virement à destination de INMAA qui les redistribue aux emprunteurs. Notons que d'après INMAA, ces fonds transférés sont amputés «des remboursements des prêts en cours reçus de Babyloan, des frais de virements, ainsi que des commissions de gestion des dossiers prélevées chaque trimestre». Raison de plus pour inciter nos parlementaires à se pencher sérieusement sur la question pour permettre à des plateformes 100% marocaines de voir le jour.