* Bien que les prix du pétrole restent volatils, le Maroc n'a pas de raison objective de prévoir des scénarios catastrophiques, parce que le prix du baril est calculé sur la base de l'offre. * Les pays producteurs ont intérêt à maintenir le pétrole compétitif face au nucléaire. * En cas de nouvelle hausse, le Maroc, qui n'a guère développé d'autres alternatives, en subira les effets de plein fouet. On n'en a pas encore fini avec la crise pétrolière. A peine la situation commençait-elle à revenir à la normale avec l'annonce par l'Organisation des pays exportateurs de pétrole de ne pas réduire sa production, qu'une nouvelle menace pointe à l'horizon. Et pour cause, la reprise par l'Iran de ses travaux sur l'enrichissement de l'uranium et sa décision d'interdire les inspections inopinées de ses sites nucléaires par l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), pourrait tirer les prix vers le haut. Cette crise pourrait déboucher ou bien sur une réduction des livraisons de pétrole de ce pays, quatrième exportateur mondial, ou, au pire, se solder par une frappe militaire contre l'Iran. Au Maroc, la situation ne semble pas inquiéter outre mesure, bien que le gouvernement se penche sur l'examen de plusieurs mesures pouvant atténuer la pression sur les secteurs agricole et du transport. Pour Moulay Abdallah Alaoui, président de la Fédération de l'Energie, «aujourd'hui, nous n'avons pas de raison objective de faire des scénarios catastrophiques parce que le prix du baril sera calculé en fonction de l'offre du marché. Or, aujourd'hui, l'offre dépasse largement la demande. Deuxièmement, il ne faut pas oublier que pour que les prix puissent se maintenir, il faut que le pétrole reste compétitif, puisqu'il y a l'alternative du nucléaire qui est le produit concurrent du pétrole. Les pays producteurs n'ont pas intérêt à revoir constamment à la hausse les prix du baril, parce qu'il y a des produits de substitution qui sont disponibles ». Ceci étant, M. Alaoui n'exclut pas une nouvelle hausse du prix du pétrole qui mettrait sérieusement le Maroc dans une situation économique pénible. « On n'est pas à l'abri d'une hausse renouvelée du prix du baril à cause d'une conjoncture géopolitique délicate. Le Maroc, malheureusement, subira de plein fouet cette hausse. Cela va paralyser son économie et son agriculture, et je vous le dis, on n'a pas suffisamment développé d'énergies alternatives », explique-t-il. Bien que l'OPEP approvisionne le marché au risque de voir la demande baisser au deuxième trimestre 2006, il n'en demeure pas moins que les évènements en Iran, au Nigeria et les actes de sabotage au Moyen-Orient restent des données qui maintiennent les prix au-dessus de la barre des 60 dollars le baril, voire le tirernt à la hausse. Au Nigeria, la production de brut reste amputée de près de 20 % alors que les militants du Delta menacent encore de mener des actions de sabotage contre les installations pétrolières. Les menaces qui continuent de planer sur l'Arabie Saoudite, surtout après l'attaque à la voiture piégée déjouée le 24 février contre le plus grand complexe pétrolier au monde sur le site d'Abqaiq, maintenant aussi les hauts cours du pétrole. Au-delà de la conjoncture géopolitique, et malgré un bon approvisionnement du marché, celui-ci reste marqué par la faiblesse des capacités additionnelles face à une demande croissante des Etats-Unis et de la Chine qui continue de confirmer son statut de nouveau grand consommateur de pétrole. Ce qui n'exclut pas que le marché pourrait encore aller plus haut au niveau des cours du brut. Mais My Abdellah Alaoui reste confiant en l'intérêt de l'OPEP à approvisionner le marché de manière à éviter de bousculer de nouveau le marché. Et puis, il faut dire qu'il y a aussi les biocarburants que certains pays comme le Brésil développent. Enfin, le besoin pourrait amener les gens à faire preuve de plus d'imagination, d'innovation et de créativité pour ne pas dépendre uniquement de la seule ressource qu'est le pétrole, argue-t-il. Deux solutions : faire valoir son statut et développer le nucléaire Pour le Maroc, la situation est un peu plus compliquée que cela. Non seulement ce n'est pas un pays producteur, mais il dépend d'autres pays comme l'Algérie ou l'Arabie Saoudite pour s'approvisionner en pétrole et gaz naturel. Pire, il n'a pas forcément bien développé d'autres alternatives à l'énergie fossile. « Bien évidemment, les énergies renouvelables ne sont pas une panacée. Il faut avoir une production de vent pour assurer une production électrique, et puis c'est cher et pas très compétitif si l'on prend l'exemple de l'énergie éolienne par rapport au pétrole. Les énergies renouvelables ne peuvent être qu'un appoint dans le bouquet énergétique au Maroc », affirme Alaoui. Ce qui n'est pas le cas du nucléaire qui peut nous faire économiser, pour la production de l'électricité, environ 2,5 millions de tonnes de pétrole. Ensuite, avec le nucléaire, on pourra dessaler l'eau de mer... « Il n'y a que le nucléaire qui peut être une solution de sortie », affirme My Abdellah Alaoui. Or, même s'il existe un centre à Rabat qui fait des essais, ces recherches restent justement au stade d'essais. Le gouvernement a eu des entretiens avec les Chinois à propos d'une coopération au niveau du nucléaire, il y a cinq ans de cela, mais ces négociations se sont arrêtées sans qu'on sache pourquoi. « Aujourd'hui, il y a une association marocaine des ingénieurs atomiques qui réfléchissent et qui veulent pousser l'option nucléaire, mais il semble qu'ils n'ont pas le feu vert des pouvoirs publics pour réfléchir sur le nucléaire. Cependant, j'ai été agréablement surpris lors d'une intervention du Premier ministre qui, in fine, disait que le gouvernement pourrait éventuellement étudier l'option nucléaire. Donc, il ne l'a pas exclue », souligne Alaoui. En attendant, le Maroc devrait militer pour tirer un avantage des différents accords de libre-échange qu'il a signés avec des puissances comme les USA ou l'UE. « Nous n'avons pas de pétrole, mais nous avons des idées. Le Maroc devrait militer pour être accepté non pas comme membre de l'Agence internationale de l'énergie atomique, mais être associé d'une façon ou d'une autre, par exemple comme membre associé, pour participer à la réflexion sur l'avenir du pétrole et sur la vision énergétique », conclut Moulay Abdallah Alaoui. Une façon de se mettre à l'abri en s'associant à des rassemblements de pays non producteurs mais qui font le poids face à l'OPEP.