Comparativement à l'exercice 2012, les recouvrements des cotisations du RCAR à fin septembre 2013 se sont établis à 1.844 millions de DH, soit une hausse de presque 12%. Au Maroc, les régimes de retraite se caractérisent par leur diversité et leur incohérence qui touchent aussi bien aux aspects institutionnels et de gouvernance qu'à ceux liés à leurs paramètres techniques. Le RCAR bénéficie d'une assise financière et actuarielle solide, se traduisant par un portefeuille financier de plus de 85 milliards de dirhams. Moulay Ahmed Cherkaoui, Directeur du pôle prévoyance à la Caisse de dépôt et de gestion, brosse le bilan du régime RCAR au terme de 2013. Finances News Hebdo : L'année 2013 tire à sa fin. Les réalisations de cet exercice seront-elles conformes aux objectifs escomptés ? My Ahmed Cherkaoui : En se référant aux indicateurs clefs du RCAR, arrêtés à fin septembre 2013, nous pouvons affirmer que les réalisations de ce régime, géré par la Caisse de dépôt et de gestion, seront conformes sinon dépasseront les objectifs escomptés. Comparativement à l'exercice 2012, les recouvrements des cotisations du régime au 30/09/2013, de l'ordre de 1.844 millions de DH, ont évolué de presque 12%. Quant au portefeuille de placements du régime, il a augmenté de 1,2% durant les neuf premiers mois de l'exercice 2013, s'élevant ainsi à plus de 85 milliards de DH et générant des produits financiers de l'ordre de 2,6 milliards de DH. Sur le plan opérationnel, le taux d'avancement du plan d'actions et du portefeuille projets 2013, dont une large partie est consacrée à l'amélioration de la satisfaction de nos clients et à la mise en œuvre d'une nouvelle plateforme de gestion agile et performante, a dépassé à fin septembre les 62%. Sur le plan organisationnel, nous avons procédé, dernièrement, à un réajustement au sein du Pôle prévoyance de la CDG, opéré suite à la mise en production, à partir du 1er juillet 2013, de «Usine retraite CDG» dans le but de mieux adosser l'organisation sur les nouveaux processus des métiers de la retraite et de la prévoyance. Sur le plan social, le RCAR a mis en place une pension minimum garantie qui va profiter à près de 12.000 bénéficiaires. F. N. H. : Comment se décline la politique de placement des fonds de réserves du RCAR ? Quel a été l'impact de l'atonie du marché financier sur vos résultats ? M. A. C. : En vertu des textes le régissant, le RCAR est habilité à investir, entre autres, dans les valeurs de l'Etat ou jouissant de sa garantie, les valeurs cotées et non cotées, les actions SICAV et l'immobilier. Toutefois, la politique de placement adoptée par la CDG pour le compte du RCAR s'appuie sur un dispositif de gouvernance efficient et aligné aux standards internationaux. Ce mode de gouvernance est assuré à travers un comité de pilotage qui examine, annuellement, le degré d'adéquation de la stratégie d'investissement avec ses orientations. Un comité d'investissement, organe central des décisions d'investissement, fixe les allocations stratégiques sur la base des orientations émises par le Comité de pilotage et décline le budget de risque «Actif-passif» sur les différentes classes d'actif. Pour mener à bien ses missions, le Comité d'investissement s'appuie sur les travaux des Comités ALM et de suivi. Par rapport à la situation du marché financier, et à l'instar de tous nos pairs, notre portefeuille s'est trouvé, effectivement, atteint par le reflux de l'activité de la Bourse des valeurs de Casablanca. En effet, le marché a reculé de 15% en 2012, et cela avait été aussi le cas en 2011. Mais à en juger par l'amélioration de la performance financière constatée durant les deux derniers exercices, plusieurs indices montrent un regain progressif de confiance. F. N. H. : Parmi les principales caractéristiques du système de retraite actuel, il y a l'hétérogénéité des dispositions le régissant (paramètres techniques) et l'absence d'équité entre les régimes. Quels sont les éléments sous-jacents à cette situation ? M. A. C. : Chaque régime a été institué à un moment donnée pour une population déterminée, dans des circonstances particulières et avec un cadre juridique distinct. De ce fait, les régimes de retraite, au Maroc, se caractérisent par leur diversité et leur incohérence qui touchent aussi bien aux aspects institutionnels et de gouvernance qu'à ceux liés à leurs paramètres techniques. Ces derniers concernent notamment le mode de financement, les taux de cotisation, la tarification, la base de liquidation et l'annuité de calcul des droits. Ce qui pose évidemment des problèmes d'équité de traitement entre les affiliés et pensionnés des différents régimes. F. N. H. : Le RCAR est classé au premier rang des caisses de retraite, sur les plans actuariel et financier. Quelles sont les hypothèses qui sous-tendent un tel classement ? M. A. C. : En effet, le RCAR bénéficie d'une assise financière et actuarielle solide, se traduisant par un portefeuille financier de plus de 85 milliards de dirhams, soit près de 40% du total des réserves de l'ensemble des régimes de retraite, un taux de couverture des engagements actuariels de 68,5% et un horizon de viabilité à 2041. Ce qui lui confère la sérénité nécessaire pour mieux appréhender l'avenir au profit de ses affiliés et pensionnés. Le RCAR est aussi le seul régime au Maroc qui dispose d'une double compétence en matière de financement des retraites, fondé sur une technique mixte capitalisation (2/3) – répartition (1/3). Originale, cette architecture hybride est préconisée aujourd'hui par les Organisations internationales, notamment la Banque mondiale, le BIT et l'Association internationale de sécurité sociale. A ce mode de financement, s'ajoutent le bon dosage de ses paramètres techniques (taux d'annuité, assiette liquidation,...) et la gouvernance financière efficiente appliquée par la CDG, premier établissement financier de la place, assurant au portefeuille financier à la fois sécurité et rentabilité. Aux volets actuariel et financier, il y a lieu aussi d'évoquer la performance de la gestion administrative. En effet, le Pôle prévoyance de la CDG, qui gère les deux organismes de prévoyance, la CNRA et le RCAR, vit depuis plusieurs années au rythme d'un important chantier de transformation et de modernisation matérialisé par des projets de grande envergure. Nous pouvons citer, entre autres : La poursuite du processus d'intégration des caisses internes de retraite, dont les dernières concernent certaines caisses internes des Régies d'eau et d'électricité; Le lancement par la CDG d'un réseau de succursales offrant un service de proximité aux clients et partenaires du RCAR dans les différentes régions du Royaume; La mise en place d'une nouvelle plateforme de gestion, agile et ultra moderne, «Usine retraite CDG»; La mise en place de téléservices dits de 3ème génération, permettant de faciliter davantage les démarches administratives au profit des retraités et affiliés. Ces efforts de modernisation ont porté leurs fruits puisque le RCAR a remporté en 2012 le 2ème prix d'excellence des services des Nations-Unies - catégorie «Améliorer la prestation de service» - et en 2013 le 1er prix des Nations-Unies au service public pour la région Afrique - catégorie «Prévention et lutte contre la corruption» -, pour ne citer que ces deux dernières reconnaissances. F. N. H. : Le schéma de réforme adopté par la Commission nationale se caractérise dans un premier temps par l'adoption d'un système de deux pôles pour tendre par la suite vers un régime de base unique. En tant que directeur d'une caisse publique, quelle est votre appréciation de ce scénario ? M. A. C. : Il convient, tout d'abord, de souligner que la mise en place d'un système de retraite en deux pôles, public et privé, suppose avant tout l'harmonisation des paramètres techniques des régimes et la cristallisation des droits acquis. Une réforme paramétrique est donc nécessaire comme préalable à toute réforme systémique. L'âge de départ à la retraite, le taux de cotisation et l'assiette de liquidation des pensions sont autant de paramètres pouvant être réajustés. La réforme systémique devrait déboucher sur un cadre législatif et réglementaire uniforme. A terme, le système est appelé à évoluer vers un régime unique pour tous les travailleurs (public et privé, y compris les professions libérales et travailleurs indépendants). A ce titre, nous estimons que la convergence vers le système cible devrait s'inscrire, d'emblée, dans une perspective de régime de base unique, appliquant la répartition, mais ouvert à tous les travailleurs marocains. En effet, il est important de rappeler qu'un régime par répartition ne serait viable que dans un régime ouvert incluant une large proportion de la population active, afin de bénéficier du levier démographique. Or, la logique par répartition appliquée au pôle public, qui est un régime quasi-fermé, serait difficilement soutenable en raison d'une démographie moins favorable. Enfin, il serait utile, dans le cadre de la réforme systémique, d'examiner l'adoption d'autres architectures techniques, notamment celle fondée sur des comptes notionnels qui est un système par répartition considéré comme l'un des modèles les plus pertinents sur le plan international, au regard de sa capacité à concilier des objectifs d'équité et de soutenabilité financière. F. N. H. : En dépit de l'urgence de la situation, la réforme du système des retraites n'arrive pas encore à voir le jour. Qu'est-ce qui empêche le gouvernement, depuis la dernière réunion de la Commission nationale, présidée par le Chef du gouvernement, de passer à l'ultime étape ? M. A. C. : Bien que nous ayons tous une certaine conviction que le statu quo aura des retombées négatives très lourdes sur le Maroc et les générations futures, la réforme des retraites tarde à voir le jour. Le temps presse et, malheureusement, la marge de manœuvre se rétrécit d'année en année. Toutefois, il est important de rappeler que la réforme des retraites n'est pas seulement une question technique, mais aussi une problématique politique à impacts social, économique et financier. En substance, c'est un choix sociétal qui requiert un niveau d'adhésion suffisant de tous les acteurs intervenant dans le secteur. C'est pour cette raison que les pouvoirs publics optent pour une approche participative, associant les partenaires économiques et sociaux et essayant d'obtenir le consensus le plus large possible sur ce dossier. Tâche difficile, certes, mais tout à fait faisable. En attendant, chaque Caisse, disposant de ses propres mécanismes de réajustement, peut entamer à son niveau la réforme des paramètres les concernant tout en s'inscrivant dans l'exigence d'harmonisation visée par les principes de la réforme. On peut aussi admettre le principe de réformes périodiques, chaque 10 à 15 ans, à l'instar de ce qui se fait ailleurs dans le monde. Enfin, à notre sens, il est fondamental d'assurer certaines conditions de réussite. D'abord, la réforme doit s'inscrire dans l'optique de l'extension de la couverture, notamment en faveur des travailleurs non-salariés. Deuxièmement, la réforme est subordonnée à un cadre macroéconomique stable qui tient compte de la préservation des équilibres, tant internes qu'externes. Troisièmement, la réforme doit porter sur la gouvernance des systèmes de retraite qui joue un rôle important dans leur fonctionnement et ce, à travers les instances mises en place, les mécanismes de contrôle,...etc. Enfin, l'adoption d'une loi-cadre constituant un cadre favorable à la réussite de la mise en œuvre de cette réforme.