La finance solidaire s'est érigée dans certains pays européens comme un véritable rempart contre les déficits sociaux. Tout l'enjeu pour le Maroc est de développer des produits financiers sociaux appropriés à son contexte local. La rencontre organisée, mardi 10 décembre 2013 à Casablanca, sous la férule du Conseil du développement et de la solidarité (CDS) sur la thématique : «La finance solidaire, levier du développement», était l'occasion de mettre sous le feu des projeteurs, une finance au relent vertueux dans le sens où son premier objectif est de lever des capitaux nécessaires pour les drainer vers les entreprises à forte utilité sociale (embauches d'handicapés ou de chômeurs de longue durée), voire environnementale. La grappe de personnalités présentes, aussi bien étrangères que nationales est un marqueur fort qui démontre l'importance du rôle de la finance sociale au Maroc. A titre d'exemple, il convient de citer l'ambassadeur de la Grande-Bretagne au Maroc, Clive Alderton, et une pléiade d'experts européens (France, Grande-Bretagne) dans les obligations financières sociales. A cela s'ajoutent les présences de Brahim Benjelloun-Touimi, Administreur Directeur général de BMCE Bank, et d'Ahmed Rahhou, PDG du CIH. Devant ce parterre de personnes averties, le président du CDS a martelé que le profit peut et doit faire bon ménage avec la solidarité. Aussitôt, il s'empressa d'ajouter que le Maroc doit consolider le positionnement de son économie solidaire au niveau régional. A ce titre, il est clair que l'Initiative nationale pour le développement humain ou la Fondation Mohammed V pour la solidarité constituent des exemples concluants et édifiants pour la résorption des déficits sociaux et sont érigés comme des modèles à suivre dans des pays en développement. Toujours est-il que pour Karim Hajji, Directeur de la Bourse de Casablanca, le Maroc pourrait aussi s'inspirer d'autres expériences européennes novatrices en matière de finances sociales. Cela est d'autant plus opportun si l'on sait qu'au Maroc plus de 50% du budget de l'Etat sont déjà dédiés au social. A cela, s'ajoute un contexte économique difficile combiné à la baisse des ressources de l'Etat. D'où la nécessité pour le Maroc de voir l'émergence d'une finance alternative qui aurait une visée autre que celle du profit exclusivement. Vers quels produits financiers à caractère social ? L'ambassadeur de la Grande-Bretagne au Maroc a rappelé la longue tradition du Royaume dans le domaine de la finance sociale à travers la Zakat. En revanche, il estime que les inégalités qu'induisent les économies modernes devraient aiguiller les Etats vers plus d'innovation dans le domaine des finances sociales. A ce titre, la Grande-Bretagne, leader du marché financier mondial, a aussi été le premier Etat à créer des obligations sociales pour le financement des entreprises solidaires. Tout l'enjeu de cette finance alternative est de trouver le bon filon permettant de promouvoir des projets à fort impact social, tout en étant rentable. Cela dit, en Grande-Bretagne, le développement des bons et des obligations sociales a permis aux organisations caritatives de lever des fonds substantiels leur permettant de financer leurs activités (création d'emplois pour les jeunes, énergies renouvelables). Pour Peter Nicholas, expert britannique en finances sociales, le caractère original de cette finance alternative réside dans le fait que les investisseurs ne seront payés qu'à condition que le projet à fort impact social réussisse. Sous cet angle, les capitaux des investisseurs sont exposés à un grand risque. Ce modèle est-il transposable au Maroc avec la frilosité qui caractérise les banques ? Par contre, le modèle français de la finance solidaire semble receler moins de risques et plus proche de la culture marocaine. Il se base sur les valeurs de partage. Ainsi, les épargnants font preuve de générosité en acceptant un taux de rémunération moindre. Ils allouent ainsi des financements à des entreprises solidaires qui doivent obligatoirement remplir certaines conditions liées au nombre d'employés handicapés, aux écarts de salaires et à l'élection démocratique des organes dirigeants. De plus, l'Etat français a mis en place des mesures fiscales alléchantes pour les investissements solidaires. L'accès au Fonds de partage (estimé à 2 Mds d'euros) en France permet à ces sociétés de bénéficier des taux d'emprunt de 2% au lieu de 8%. Au final, les défis sociaux qui se posent au Maroc appellent à se pencher sur ce qui se fait sous d'autres cieux afin de dresser des pare-feux contre la pauvreté et le sous-emploi des jeunes.