Le modèle proposé par le CESE repose sur une enveloppe budgétaire de 140 milliards de DH, sur 10 ans, portée par l'investissement public et privé, et des conventions à même d'amorcer un décollage économique et social des provinces du Sud. Le Conseil a, par ailleurs, établi un diagnostic sans langue de bois de la situation actuelle. Des journalistes en ébullition, des responsables excités, le tout au siège du Conseil économique, social et environnemental, à Hay Riad à Rabat. Et pour cause, la présentation par Nizar Baraka, le Président du Conseil du nouveau modèle de développement pour les provinces du Sud, intervient dans un contexte politique très tendu avec le voisin algérien, mais aussi au lendemain de la commémoration du 38ème anniversaire de la Marche verte. Il faut rappeler que la première séquence de préparation de ce modèle a débuté fin décembre 2012 pour aboutir, en ce mois de novembre, à cette nouvelle conception du développement pour cette partie du Maroc. Il a ainsi fallu 12 mois d'activité, 200 séances d'auditions et de travail avec 1.500 représentants et acteurs de la région pour aboutir à un modèle qui se veut réformateur, destiné et géré par la population, selon les termes de Nizar Baraka. Avec pour objectif d'investir, en 10 ans, 140 milliards de DH entre public et privé, doubler le PIB de ces régions, y créer plus de 120.000 nouveaux emplois et réduire, au moins, de moitié le taux de chômage. Un diagnostic sans détour Le CESE a adopté une démarche scientifique en établissant un diagnostic qui a été partagé avec la presse, sans langue de bois. Il a, en effet, souligné l'inefficacité et la non soutenabilité des dispositifs d'inclusion et de solidarité, les faiblesses du système et des structures de l'Education, de la Formation et de la Santé, la sous-utilisation du potentiel culturel, le manque de moyens et de célérité en matière de gestion environnementale, l'absence d'une politique intégrée d'aménagement du territoire, la gouvernance inappropriée et le déficit de confiance... Une réalité sociale assez délicate à laquelle s'ajoute un contexte économique empreint de plusieurs disfonctionnements puisque le rapport du CESE souligne un climat des affaires dans ces régions peu attractif et un tissu économique peu diversifié. Ceci se traduit par un niveau de chômage élevé, en particulier des jeunes et des femmes. En effet, le CESE évoque un taux de chômage de 15% contre 9% en moyenne nationale. Les diplômés du supérieur sont les plus touchés (41%), mais également les jeunes (28%). Par ailleurs souligne le rapport, les femmes sont, davantage, confrontées aux difficultés d'accès à l'emploi (35%). Rompre avec l'économie de rente Pour relever les défis de la région, le modèle de développement pour les provinces du Sud se positionne comme un modèle de dernière génération, conçu par et pour la population du Sud. Il identifie les dysfonctionnements, préserve les acquis et propose des alternatives réalistes et viables pour la population locale des provinces du Sud. Pour y parvenir, il faut instaurer une nouvelle dynamique de développement, à travers notamment, la localisation des politiques sectorielles, le soutien aux petites et moyennes entreprises (PME) et aux institutions œuvrant dans l'économie sociale et solidaire, et l'élargissement de la participation des acteurs socioéconomiques. L'enclenchement d'une réelle croissance rend nécessaire de passer d'une économie de rente, axée sur les activités primaires, à un cadre qui favorise l'investissement privé producteur de richesses et d'emplois et qui garantit la transparence et le respect des règles de saine concurrence. Pour améliorer le climat des affaires, le CESE note qu'il convient d'offrir à l'initiative privée un système fiscal basé sur des textes clairs et stables sur une longue durée. Notamment diversifier l'économie nécessite d'y intégrer de nouveaux acteurs, et encourager l'esprit d'entreprise impose de lever les freins aux financements pour les acteurs de taille modeste, y compris ceux de l'économie sociale et solidaire. A cette fin, un fonds interrégional d'impulsion économique destiné à soutenir le financement de l'économie régionale sera créé. Le modèle ambitionne à travers ces mesures de parvenir, dans un horizon de 10 ans, à investir 140 milliards DH entre public et privé. Il compte doubler le PIB de ces régions, y créer plus de 120.000 nouveaux emplois et réduire d'au moins de 50% le taux de chômage des jeunes et des femmes et améliorer la connectivité des régions du Sud. Le but étant de favoriser leur intégration réussie dans le vaste bassin économique maritime allant de la côte Nord du pays à celle de l'Afrique de l'Ouest et des Iles Canaries. Le CESE recommande, également, de substituer aux politiques sociales actuelles une stratégie intégrée de développement humain, de rompre avec la stratégie de court terme et rétablir les impératifs de durabilité. Autrement dit, fini l'assistanat généralisé mais une aide ciblée. La logique des aides actuelles doit laisser place à un système de transferts conditionnels ciblés sur les plus vulnérables, visant à renforcer les capacités des individus et à accompagner leur insertion ainsi que celle des populations récemment intégrées au territoire. Dans ce cadre, le système des filets sociaux doit être revu et rénové sur la base de la responsabilisation des acteurs pour mieux cibler les plus pauvres et les plus vulnérables. Il doit permettre d'orienter les personnes qui le peuvent vers les programmes d'insertion professionnelle. Afin de mettre en place cette politique de filets sociaux et d'accompagner l'insertion des populations de retour de Tindouf, un fonds interrégional dédié au soutien social et à l'intégration des populations de retour des camps de Lahmada sera créé. D'autres fonds sont également prévus, qu'ils soient d'investissements économiques que sociaux, dans le cadre de ce modèle qui appelle également à la création de pôles régionaux de compétitivité et intègre la dimension de développement durable dans tout processus de développement économique. Pour Oued-Eddahab-Lagouira, région qui dispose des atouts nécessaires, elle pourra devenir le premier pôle halieutique du Maroc. Concernant la région de Guelmim-Es-Smara, le modèle prévoit sa transformation en pôle tiré par la valorisation du cadre naturel et culturel et par l'économie sociale et solidaire. Tandis que Laâyoune-Boujdour se voit érigée en pôle économique diversifié. Aussi, la crédibilité de l'Etat et de son action dans les provinces du Sud dépendent-elles de sa gestion efficace des affaires publiques dans un cadre transparent et clair qui garantit l'accès à l'information aux citoyens. En attendant le projet de régionalisation avancée, le CESE préconise le principe de contractualisation qui sera la base de la gestion de la relation Etat/région. Il devra être étendu à tous les acteurs économiques et sociaux, avec la mise en place de mécanismes transparents d'évaluation et de suivi des droits et obligations de chaque partie.