Le retard des campagnes de vaccination au sein de l'Europe pèsera sur la reprise économique au Maroc, et particulièrement sur le secteur touristique. Au vu des derniers développements sanitaires, Euler-Hermes estime que le PIB marocain rebondira de l'ordre de 4,2% en 2021 et de 3,6% en 2022.
Par B. Chaou
La reprise économique dépend indubitablement de la course au vaccin. Si aujourd'hui des pays comme Israël ou l'Angleterre sont bien avancés dans leurs campagnes de vaccination et entament l'ouverture de leurs économies, d'autres sont à la traîne, ce qui risque de porter préjudice à la relance économique. «La course vers l'atteinte de l'immunité collective sera déterminante pour la reprise économique. Par exemple, le rythme de vaccination est plus avancé aux Etats-Unis ainsi qu'au Royaume-Uni comparé à l'Europe, ce qui devrait permettre aux deux pays de rebondir plus rapidement. Au rythme actuel, les Etats-Unis et le Royaume-Uni atteindront l'immunité collective dès le mois de mai», nous confie Selin Ozyurt, économiste senior, responsable de la région Afrique au sein de Euler-Hermes. Et d'ajouter : «L'Union européenne, en revanche, devrait être en mesure de vacciner sa population vulnérable d'ici l'été. L'immunité collective ne sera probablement donc pas atteinte avant l'automne, à moins qu'il y ait une accélération marquée du rythme actuel. Nous devrions certainement attendre une année supplémentaire pour rattraper l'activité perdue en Europe et retrouver notre trajectoire de croissance pré-Covid-19». Le Maroc impacté Le retard de vaccination en Europe, premier partenaire économique du Royaume, laisse envisager un impact sur l'économie nationale qui demeure fortement dépendante de la reprise européenne. Car ce ralentissement de la vaccination reste accompagné de mesures restrictives pesant sur plusieurs secteurs, à leur tête le tourisme. «Les restrictions sanitaires se sont endurcies en Europe depuis le début du deuxième trimestre 2021. L'économie marocaine continuera ainsi de subir les effets négatifs du ralentissement de la demande chez ses principaux partenaires commerciaux tels que l'Espagne, la France, l'Italie et l'Allemagne. La mise en place de nouvelles restrictions et de contrôles aux frontières risque de retarder le démarrage du secteur touristique et peser sur ses perspectives de croissance», analyse Selin Ozyurt. En outre, les secteurs de l'automobile, de l'aéronautique ainsi que du textile seront certainement les grands perdants du ralentissement de la demande européenne. À fin février, tous secteurs confondus, les recettes d'exportations avaient enregistré une baisse limitée à 2,5% (1,2 milliard de dirhams). Cependant, les pertes d'exportations étaient bien plus prononcées dans les secteurs plus exposés aux aléas de la pandémie, dont celui du textile et du cuir (-17%) et l'aéronautique (-22%). «Ces secteurs risquent d'enregistrer des pertes plus importantes avec la dégradation de la situation sanitaire en Europe», estime Selon Ozyurt.
Perspectives de l'économie marocaine : Ce qu'en dit Selin Ozyurt «Au vu des derniers développements sanitaires, nous estimons que le PIB marocain rebondira de l'ordre de 4,2% en 2021 et de 3,6% en 2022. La reprise économique en 2021 sera tirée par le redressement des exportations (+8.7%), mais aussi par la relance de la demande interne. La vigueur de la demande mondiale soutiendra particulièrement les exportations des secteurs du phosphate et ses dérivés ainsi que la fabrication de pièces automobiles. Par ailleurs, le plan de stimulus américain de l'administration Biden devrait générer une hausse des importations américaines depuis le Maroc de +360 Mds USD en 2021 et 2022. Ce stimulus augmentera la demande américaine adressée aux produits en provenance du Maroc d'environ 5 Mds d'euros (représentant 16% d'exportations de l'année 2019). Toutefois, cette hausse ne pourra compenser que partiellement les pertes attendues en 2021 dans le secteur du tourisme. À l'instar de l'été dernier, il va se tourner vers le tourisme domestique pour limiter les pertes du secteur mais sans pour autant générer des rentrées de devises, dont le pays dépend. Pour clore, il faudrait souligner que le succès de la campagne de vaccination est un atout majeur pour la reprise de l'activité du tourisme au Maroc. A la date du 15 avril 2021, le pourcentage de la population marocaine ayant reçu deux doses de vaccin contre la Covid-19 était estimé à 12%, deux fois plus élevé que dans les pays de l'UE (données OMS)».