◆ Les confinements en Europe suite aux nouveaux variants du coronavirus freinent le rebond économique. ◆ Le Royaume en subira fortement l'impact, selon les experts. ◆ La campagne de vaccination, un facteur déterminant pour la réouverture des économies.
Par B. Chaou
Au moment où plusieurs nouvelles annonces sont faites sur le front des vaccins contre le Coronavirus, l'apparition de nouveaux variants, entre autres britannique, viennent souffler un vent de panique et d'inquiétude au sein de l'opinion publique internationale. Le Directeur général de l'OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus, a d'ailleurs récemment indiqué que l'agence «a été informée par le Japon au cours des dernières semaines d'un nouveau variant du virus». «Plus la Covid-19 se répand, plus il y a de chance qu'elle évolue encore. La transmissibilité de certains variants du virus semble augmenter», a-t-il ajouté. De son côté, Selin Ozyurt, économiste senior, responsable de la région Afrique au sein de Euler-Hermes, nous confie que «la deuxième vague de l'épidémie est loin d'être maîtrisée dans plusieurs pays européens. Les taux de contamination augmentent en janvier 2021 après les vacances de fin d'année et suite à l'apparition du nouveau variant anglais du virus qui s'avère bien plus contagieux que le précédent». La découverte de ces nouveaux variants du virus dans certains pays européens et leur propagation rapide compliquent la donne et poussent certains pays à prendre des mesures restrictives drastiques, pouvant aller jusqu'au confinement général, comme observé d'ailleurs en Angleterre, en Autriche ou encore au Portugal. Chose qui n'est guère en faveur de la reprise économique et pose plusieurs questionnements sur le «quand» et le «comment» de la sortie de cette crise. «Le durcissement des mesures sanitaires pourrait freiner le rebond économique au premier trimestre 2021, voire causer une récession dans les pays les plus touchés. L'impact économique final dépendra de la longueur de ces mesures sanitaires et des soutiens budgétaires des Etats aux secteurs durablement affectés par la crise de la Covid-19. Dans la zone Euro, après un recul du PIB historique de -7,5% en 2020, nous attendons une reprise économique de l'ordre de 4,6% en 2021 et de 3,8% en 2022», nous explique Selin Ozyurt. Et malgré l'accélération de la campagne de vaccination en Europe en 2021, l'immunité collective ne sera sûrement pas atteinte avant 2022 si l'on se réfère aux déclarations des experts, ce qui retarderait davantage la reprise de l'économie. Quid du Maroc ? Le recul de l'activité de l'Europe, qui demeure le principal partenaire économique du Maroc, ne restera pas sans impact sur ce dernier. L'économie marocaine continuera, en effet, à être affectée par le ralentissement chez ses principaux partenaires commerciaux à cause du durcissement des mesures sanitaires en 2021. Seront impactés en particulier les secteurs qui sont déjà fragilisés depuis le début de cette double crise. «Le secteur du tourisme continuera d'accuser les plus grosses pertes d'exploitation liées aux nouvelles restrictions et contrôles aux frontières. Par ailleurs, les secteurs de l'automobile, de l'aéronautique ainsi que du textile vont continuer de souffrir de la faiblesse de la demande européenne», explique Selin Ozyurt. Et d'ajouter qu'«au Maroc, nous projetons un recul historique du PIB de -7,2% en 2020, qui sera suivi d'un rebond économique de 4,3% en 2021. En revanche, il faudrait patienter jusqu'en 2022 pour retrouver le niveau d'activité économique d'avant la crise. La reprise d'activité à la première moitié de 2021 sera certainement plus modérée que prévu initialement tant que les restrictions sanitaires liées à la deuxième vague de l'épidémie continueront de peser sur l'économie».
La vaccination, un facteur déterminant Sur la base des données fournies par Euler-Hermes, un rebond d'activité au Maroc ne serait atteint que durant la deuxième moitié de l'année 2021, et qui serait tiré par le redémarrage des projets d'infrastructures et la reprise graduelle de la demande mondiale et de l'activité du tourisme. Le succès des campagnes de vaccination au Maroc et dans le monde sera déterminant pour enclencher «l'effet confiance» sur l'économique et accélérer la reprise. Toutefois, cette campagne de vaccination accuse un grand retard. Le ministre marocain de la Santé, Khalid Ait Taleb, a d'ailleurs lui-même indiqué qu'il n'avait pas de visibilité sur la date de son démarrage. Un retard qui ne bénéficie pas à l'économie nationale, déjà très affaiblie. «La crise de la Covid-19 a mis les équilibres macroéconomiques internes et externes de l'économie marocaine à rude épreuve. En 2020, le déficit budgétaire du Maroc devrait plus que doubler pour atteindre environ 8% du PIB», rappelle Ozyurt. Le haut-commissariat au Plan souligne de son côté que les pertes d'emploi auraient atteint 531.000 postes en 2020, portant à 12,8% le taux de chômage au niveau national, soit une hausse de 3,6 points par rapport à son niveau enregistré en 2019. Ainsi, assurer une croissance soutenue en 2021 sera déterminant pour inverser la courbe du chômage et diminuer la pauvreté, chose qui semble toutefois compliquée avec le retard de la campagne de vaccination au Maroc et les mesures restrictives qui s'enchaînent en Europe.
Forte baisse de la croissance au Maroc en 2020 Le secteur primaire aurait dégagé une valeur ajoutée (VA) en repli de 7,1% en 2020, contribuant encore une fois négativement à la croissance du produit intérieur brut de -0,9 point, selon les derniers chiffres du HCP. Ainsi, la VA agricole se serait repliée de 8,1% et celle de la pêche se serait limitée à 4,4% au lieu de 8,3% l'année précédente. S'agissant du secteur secondaire, il aurait dégagé une VA en baisse de 6,3%, contribuant ainsi négativement à la croissance du PIB de -1,6 point, tandis que le secteur tertiaire aurait affiché un recul de 6,8% (-3,5 points à la croissance du PIB). La VA touristique aurait, en effet, connu un effondrement de près de 55,8% en 2020 et celle du transport une chute de 25,8%. In fine, la croissance au Maroc aurait connu un recul de 7% en 2020, selon le HCP.