A l'approche de la date limite de la publication annuelle des résultats des sociétés cotées, Leila El Andaloussi, fondatrice du Cabinet conseil ABS Consulting et vice-présidente de l'Ordre des experts-comptables, nous donne un aperçu sur les paramètres ayant guidé l'Ordre des experts-comptables pour l'appréciation des comptes clôturés au 31 décembre 2020. Le Conseil national de la comptabilité avait préconisé aux entreprises la possibilité d'appliquer des mesures dérogatoires en raison de cette situation inédite.
Propos recueillis par B. Chaou
Finances News Hebdo : Comment cette pandémie a-t-elle influencé les comptes clôturés au 31 décembre 2020 ? Leila El Andaloussi : La pandémie s'est accompagnée d'une baisse drastique du chiffre d'affaires dans certains secteurs d'activité, avec maintien des charges fixes incontournables. Les entreprises qui ont été le plus exposées vont enregistrer certainement des baisses importantes au niveau du résultat 2020, qui a dû connaitre un plongeon par rapport à l'exercice précédent. Aussi, le Conseil national de la comptabilité (CNC) avait préconisé aux entreprises, dès avril dernier, la possibilité d'appliquer des mesures dérogatoires en raison de cette situation inédite, ce qui permettrait d'améliorer la présentation des comptes 2020. En effet, les charges liées à la sous-activité que l'arrêt total ou partiel avait occasionnées pendant la pandémie, pourront être étalées sur plusieurs exercices. Cela pourra se faire jusqu'à 5 années. Mais il ne s'agit que d'un choix de gestion et d'une option, les dirigeants gardant la latitude de maintenir l'application des normes comptables classiques.
F.N.H. : Quelles sont les informations supplémentaires à fournir en annexe et dans les rapports de gestion ? L. E. A. : Les normes comptables imposent que les états de synthèse, formant un tout indissociable, donnent une image fidèle du patrimoine, de la situation financière et des résultats de l'entité. L'image fidèle est atteinte par le respect des principes comptables fondamentaux, notamment ceux de spécialisation des exercices, de prudence et de continuité́ d'exploitation, tels qu'édictés par la loi n° 9-88 relative aux obligations comptables des commerçants et le Code général de la normalisation comptable (CGNC) ou par des normes et plans comptables professionnels ou spécifiques. Si leur montant est significatif, les charges à repartir qui seront constatées cette année devront faire l'objet de mentions au niveau de l'Etat des informations complémentaires (ETIC) faisant partie des états financiers 2020. Aussi, les états A1 (méthodes d'évaluation), A2 (état des dérogations), A3 (état de changement de méthodes) et B1 (détail des non valeurs) sont concernées. Quant au rapport de gestion, c'est un document qui doit être préparé par le gérant ou le Conseil d'administration à l'attention des associés ou actionnaires. Il est établi pour informer ces derniers de la situation financière de l'exercice ainsi que des perspectives d'évolution. A ce titre, si la pandémie a impacté la performance de l'entreprise, il doit en être fait mention. Le rapport de gestion comprend également une présentation des comptes, et tout changement dans les méthodes comptables ayant un impact significatif sur le résultat de l'exercice doit y être porté.
F.N.H. : Quel a été le traitement comptable afférent aux dons Covid-19 ? L. E. A. : L'avis numéro 13 du CNC a permis également la possibilité d'étalement sur plusieurs exercices des cotisations au fonds spécial Covid-19, étant donné que l'impact positif de l'utilisation de ces dons se répercutera sur les exercices futurs. Ainsi, les entités concernées peuvent transférer le montant de cette contribution à l'actif du bilan dans la rubrique «Immobilisation, en non valeurs». Les dispositions de la Loi des Finances rectificative 2020 ont considéré comme charges déductibles, à répartir sur plusieurs exercices, les sommes versées par les entreprises sous forme de contributions, dons ou legs au profit de l'Etat.
F.N.H. : Comment apprécier comptablement la sous-activité liée à la Covid-19 ? L. E. A. : A titre exceptionnel, les entités ont la possibilité d'inscrire à l'actif du bilan, dans la rubrique «Immobilisations en non valeurs», la quote-part des charges fixes liées à la sous-activité par rapport à la capacité normale de production ou de fonctionnement prévue en 2020. Ces charges, de par leur importance et en raison de leur lien avec le maintien en activité des entités, peuvent être étalées sur les exercices futurs. Il s'agit des charges de structure supportées par les entités, pendant la période d'arrêt total ou partiel ou de ralentissement de leurs activités, causées par la pandémie de la Covid-19, notamment sous forme de dotations aux amortissements des actifs et de charges locatives ainsi que de charges financières, de redevances de crédit-bail et de charges de structure (charges de personnel liées à l'administration générale et aux fonctions supports). La sous-activité est définie comme étant le niveau d'activité de l'ensemble de l'entité ou d'un de ses départements, inférieur au niveau prévisionnellement considéré comme normal, compte tenu des facteurs techniques et économiques. Aussi, les charges fixes sont les charges de structure considérées comme étant relativement fixes lorsque le niveau d'activité évolue, baisse en l'occurrence, par rapport une capacité de production déterminée.