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Finances publiques: «Notre pays continue de bénéficier d'une grande crédibilité auprès de ses partenaires financiers»
Publié dans Finances news le 02 - 01 - 2021

► Dette publique, coulisses du Budget 2021, Fonds Mohammed VI pour l'investissement ou encore grand emprunt national, le ministre de l'Economie, des Finances et de la Réforme de l'Administration, Mohamed Benchaâboun, analyse avec lucidité les contraintes budgétaires que nous a imposées la pandémie et livre sa lecture des réformes engagées.


Finances News Hebdo : A date d'aujourd'hui, que pouvons-nous dire sur les fondamentaux de l'économie marocaine suite à la pandémie ? Comment évoluent nos agrégats ?
Mohamed Benchaâboun : A l'instar de la quasi-totalité des pays dans le monde, le Maroc a subi, en 2020, un choc inédit lié aux mesures et aux restrictions prises pour contenir la propagation du virus de la Covid-19. L'arrêt brutal des activités économiques suite aux mesures de confinement sanitaire, à la fois au Maroc et chez nos partenaires, a impacté de manière sévère nos équilibres macroéconomiques. Ainsi, sur le plan de la croissance, l'économie marocaine devrait boucler l'année 2020 sur une récession de 5,8%, et ce pour la première fois depuis la fin des années quatre-vingt-dix. En fait, notre croissance a subi le double effet de la sécheresse, qui a affecté la production agricole, et de la récession chez nos partenaires économiques de la zone Euro. Les pertes de croissance les plus importantes ont été enregis-trées, à des degrés différenciés, au niveau du tourisme et des acti-vités qui lui sont corrélées, étant donné la fermeture des frontières, et au niveau des industries manufacturières, en particulier les industries mécaniques et le textile.
Inversement, d'autres secteurs se sont avérés plus résilients et ont maintenu une croissance positive, à l'instar de la pêche, l'agroalimentaire, l'industrie d'extraction et chimique, l'éducation et la santé, l'administration publique et les activités financières. Et enfin, le secteur des télécommunications a affiché une meilleure performance en comparaison avec les prévisions initiales en raison de l'utilisation plus importante des technologies de télécommunication favorisées par le télétravail et le développement du commerce électronique et de l'enseignement à distance durant la période de confinement. Les finances publiques ont également été sévèrement impactées en raison, d'une part, d'un recul important de nos recettes fiscales évalué à près de 2,4% du PIB, du fait de l'arrêt brutal de l'activité et, d'autre part, de la contraction de -5,8% du PIB. C'est pour cette raison que nous avons dû procéder à l'adoption d'une Loi de Finances rectificative (LFR) qui a porté le déficit budgétaire à 7,5% du PIB contre 3,5% initialement prévu.
Bien entendu, la conséquence logique de ce déficit est l'augmentation du ratio de la dette du Trésor qui devrait se situer autour de 77% du PIB en 2020, en hausse de 12 points du PIB par rapport à 2019. Sur le plan extérieur, par contre, je dirais que le choc a été relativement moins important par rapport à ce que nous craignions au début de la crise. En effet, le compte courant de la balance des paiements devrait se situer quasiment au même niveau de l'année 2019, soit près de 4,1% du PIB. Compte tenu des mobilisations des financements extérieurs par le Trésor et au tirage sur la LPL du FMI, les avoirs officiels de réserves (AOR) devraient clôturer l'année 2020 avec une augmentation de 68 milliards de DH, pour s'établir à 322 milliards de DH, soit l'équivalent de plus de 9 mois d'importations de biens et services contre l'équivalent de 7,2 mois d'importations prévus initialement.

F. N. H. : Est-ce mieux ou pire que ce que vous attendiez cet été à l'occasion de l'élaboration de la Loi de Finances rectificative ?
M . B. : Au regard des données conjoncturelles dont nous disposons, nous observons certes des signes de reprise dans plusieurs secteurs par rapport à la situation du deuxième trimestre. Nous avons ainsi noté un comportement positif au niveau de l'industrie par exemple. Ainsi, les exportations des métiers mondiaux du Maroc (MMM), à l'exception de l'aéronautique qui fonctionne sur des cycles longs, ont affiché de bonnes évolutions au cours des derniers mois. Les exportations de l'industrie automobile ont affiché une hausse de 8,7% (GA) en moyenne sur la période juin-octobre contre -60,5% en moyenne sur mars-mai. Il en est de même pour le textile qui a enregistré une progression de +2,6% contre -64,5% entre les deux périodes. Les exportations agroalimentaires ont également marqué une performance positive de +6,9% contre -14,6%. Toutefois, et compte tenu de l'accélération de la propagation de la pandémie, en particulier depuis le mois d'août à l'instar de ce qui se passe un peu partout dans le monde, et des mesures restrictives qui l'accompagnent, le taux de croissance a été révisé à la baisse de 0,8 point par rapport aux prévisions de la LFR, pour se situer à -5,8%.
Cette révision à la baisse est liée en particulier au secteur touristique, en rapport avec une saison estivale compromise dans plusieurs villes du Royaume et avec le report de la décision de l'ouverture totale des frontières. Elle est liée également au secteur du transport, en particulier sur le segment aérien qui est étroitement corrélé au secteur touristique. Elle découle aussi du secteur du commerce, suite au retour à certaines mesures de restrictions locales et le maintien des décisions du gouvernement en termes de distanciation physique et de limitation de la capacité d'offre pour certaines activités. Sur le plan des finances publiques, les derniers résultats disponibles au titre de l'exécution de la LFR font ressortir un comportement des recettes et des dépenses globalement en ligne avec les prévisions. En effet, les recettes ordinaires ont enregistré un taux de réalisation de 87,9%, attribuable principalement au bon comportement des recettes fiscales qui se sont réalisées à hauteur de 93,3%, ce qui a permis de compenser partiellement le retard accusé par le recouvrement des recettes non fiscales. Parallèlement, les prévisions au titre des dépenses courantes et d'investissement se sont réalisées à près de 86,1%. Valeur aujourd'hui, le déficit budgétaire pour l'année 2020 reste en ligne avec les prévisions de la LFR et devrait s'établir à 7,5%. Au niveau de la balance des paiements, les prévisions du secteur extérieur, au titre de l'année 2020, se sont améliorées par rapport à celles ayant prévalu lors de l'élaboration du projet de la Loi de Finances rectificative pour l'année 2020. En effet, le déficit du compte courant devrait se situer à près de 4,1% contre une prévision initiale de -7,5%, en raison notamment de (i) l'atténuation du rythme baissier des exportations, portant le taux de -19,5% prévu en juin 2020 à seulement -11,8% actuellement, et (ii) la résilience certaine des transferts MRE qui se sont situés, contre toute attente, au même niveau de 2019 (contre une baisse de 14% prévue dans le cadre du projet de Loi de Finances rectificative).

F. N. H. : Les conditions de l'élaboration de la Loi de Finances 2021 ont été particulières. Etiez-vous contraint de faire des arbitrages pour privilégier des secteurs d'activité au détriment d'autres ?
M . B. : En fait, pour la préparation de la LF 2021, nous avons été soumis à une double contrainte. Premièrement, il fallait maintenir le soutien de l'activité et préparer la relance post-Covid. Deuxièmement, il fallait en même temps veiller à ne pas aggraver outre mesure le déficit budgétaire et le taux d'endettement. Et bien évidemment, le tout dans un climat d'incertitude totale quant à la fin de la pandémie. A ce niveau, je me permets d'ouvrir une parenthèse pour apporter un éclairage par rapport à nos fondamentaux macroéconomiques. En effet, il est admis dans le monde entier, dans le cadre de cette crise, que la priorité doit être accordée au soutien et à la protection des citoyens et au soutien à la relance économique. Mais cette importance ne doit pas occulter le fait que le retour aux équilibres macroéconomiques doit absolument se faire dans un certain délai bien évidemment. Ce que nous avons fait pour répondre à cette équation difficile, c'est d'inscrire cette Loi de Finances 2021 dans une perspective globale pour la période post-Covid, en lançant trois grands chantiers d'envergure :
• L'accélération de la mise en œuvre du plan de relance de l'économie nationale à travers la mobilisation d'un montant de 120 milliards de dirhams, dont 75 milliards de dirhams sous forme de crédits garantis par l'Etat au profit de tous les segments d'entreprises, et 45 milliards de dirhams affectés au «Fonds Mohammed VI pour l'Investissement». Au-delà de son rôle conjoncturel pour le soutien à l'économie, ce plan revêt un rôle structurel visant à soutenir les secteurs productifs, notamment le tissu des petites et moyennes entreprises en rehaussant leur capacité à investir, à créer des emplois et à préserver les sources de revenus.
• La généralisation progressive de la couverture sociale universelle, dont la mise en œuvre requiert des mutations profondes de la gouvernance du système de protection sociale. Cette réforme, qui constitue ainsi un levier essentiel d'insertion du secteur informel dans le tissu économique national, consacre une couverture sociale au profit de l'ensemble des citoyens à travers la généralisation progressive de l'AMO d'ici la fin de l'année 2022, des allocations familiales, en plus de la retraite en faveur de la population active et de l'indemnité pour perte d'emploi au profit des personnes ayant un emploi régulier.
• La réforme du secteur public, à travers la conduite d'opérations volontaristes de restructuration et de redimensionnement de ce secteur, et la création de l'Agence nationale chargée d'assurer la gestion stratégique des participations de l'Etat et du suivi de la performance des EEP. Ce sont donc des réformes profondes et structurelles qui visent la protection des citoyens, la réforme du secteur public et l'adoption d'un nouveau mode de financement de la relance qui se base sur l'effet de levier et sur la mobilisation des secteurs public et privé. Cette vision ne vise pas seulement à préserver les fonds publics, mais aussi et surtout à introduire plus d'efficacité et d'efficience dans les projets de développement. Enfin, je dirai aussi que nous avons donné le signal d'une réduction à terme du déficit budgétaire, en le réduisant pour 2021 de 1 point de PIB, pour le ramener à 6,5%.

F. N. H. : Nous avons pu suivre, à ce titre, vos journées marathon à l'occasion de la préparation de cette Loi de Finances. Dans vos interventions, vous avez beaucoup dû rassurer sur l'endettement public post-Covid. Quels ont été vos messages clés pour convaincre ?
M . B. : Le contexte inédit de la crise actuelle a pesé sur les finances publiques, provoquant ainsi une augmentation du besoin de financement, lié principalement à une baisse significative des recettes de l'Etat, et ce malgré la rationalisation et le redéploiement de certaines charges de fonctionnement. Face à l'importance des besoins et devant la nécessité d'agir en urgence, nous avons fait le choix, comme d'ailleurs c'était le cas d'un grand nombre de pays dans le monde, de recourir à l'endettement comme moyen de mobiliser rapidement les ressources nécessaires. Je sais que la question de l'endettement a toujours été une question sensible au vu des expériences passées de notre pays. Le gouvernement est souvent interpellé sur cette question, que ça soit au niveau du Parlement ou par la presse et le public de manière générale. Par rapport à cette question, je voudrais apporter les clarifications suivantes pour expliquer le pourquoi de cette démarche et en même temps rassurer sur le niveau de notre endettement et sur sa soutenabilité.
Premièrement, il faut dire que nous n'avions pas d'autres choix que de recourir à l'endettement pour mobiliser les ressources nécessaires afin de lutter contre les effets négatifs de la pandémie sur le tissu économique et social, soutenir l'activité économique et préparer la relance; d'autant plus que nous n'avions pas de visibilité par rapport à la trajectoire que la pandémie allait prendre et par rapport au temps qu'elle allait durer. Deuxièmement, nous avons fait ce choix car notre pays continue de bénéficier d'une grande crédibilité auprès de ses partenaires financiers et auprès du marché financier international. En effet, la plupart de nos bailleurs de fonds se sont mobilisés pour soutenir les actions engagées par notre pays pour lutter contre les effets de la pandémie en augmentant de façon conséquente les enveloppes de financements programmées initialement. Sur le marché financier international, nous avons pu sortir à deux reprises pour lever respectivement 1 milliard d'euros et 3 milliards de dollars.
Ces deux sorties ont connu, de l'avis de tous les observateurs, un grand succès reflété à la fois par la taille des soumissions, la diversité des investisseurs et le niveau très intéressant des taux d'intérêt. Troisièmement, en plus des financements d'origine extérieure, le Trésor a mobilisé à ce jour sur le marché intérieur plus de 152 milliards de dirhams, soit plus de 72% du financement brut total. L'essentiel des mobilisations est effectué donc sur le marché domestique, ce qui montre que l'endettement extérieur reste maîtrisé et que le Trésor s'appuie majoritairement sur le marché intérieur pour son financement. Je dois souligner à ce niveau que malgré l'importance des montants que nous avons dû mobiliser cette année, nous avons tiré profit de conditions de financement très favorables en raison des politiques monétaires accommandantes des Banques centrales, que ce soit au niveau national ou international. La politique monétaire a été l'un des principaux leviers actionnés un peu partout dans le monde pour soutenir une activité économique mise à mal par les mesures restrictives prises par les gouvernements pour limiter la propagation du virus. Quatrièmement, certes, la dette du Trésor a augmenté suite à ces mobilisations, le taux d'endettement devrait passer à la fin de l'exercice budgétaire en cours à près de 77%. Néanmoins, elle reste soutenable et maîtrisée en raison de la structure saine de son portefeuille qui se caractérise par un coût moyen de financement faible et une exposition limitée aux risques financiers. En effet, la dette du Trésor présente :
- un faible risque de refinancement avec une part du court terme qui ne dépasse pas 13,2% et une durée de vie moyenne de près de 7 ans à fin juin 2020;
- un coût moyen relativement bas et qui s'est inscrit dans une baisse continue ces dernières années, atteignant à fin 2019 un taux de 4,2%. Concernant le portefeuille des emprunts extérieurs qui est essentiellement concessionnel et détenu à hauteur de 63% par les créanciers officiels (multilatéraux et bilatéraux), son coût moyen devrait se maintenir vers la fin de l'année 2020 à 2,7%;
- un risque de taux maîtrisé à la faveur d'une prépondérance de la dette à taux fixe qui compte pour 92% du portefeuille totale de la dette du Trésor. Alors que la dette intérieure est totalement à taux fixes, la dette extérieure est composée à hauteur de 69% d'emprunts à taux fixes et 31% d'emprunts à taux variables, dont 24% indexés sur l'Euribor, lequel est négatif depuis plusieurs années déjà;
- un risque de change sous contrôle : la dette extérieure du Trésor est libellée à hauteur de 60% en Euro et 34% en Dollar et devises liées; une structure par devises très proche donc de celle recommandée par notre portefeuille benchmark, qui n'est autre que la structure du panier du Dirham, ce qui permet d'immuniser dans une large mesure ledit portefeuille contre les risques de fluctuations des cours de change.
Cinquièmement : l'autorisation du Parlement de supprimer le plafond des financements extérieurs est ponctuelle et limitée à l'exercice 2020. De ce fait, nous n'envisageons pas de poursuivre cette politique de recours intensif à l'endettement durant les années à venir. Il y aura d'abord le rebond de la croissance que nous anticipons dès l'année prochaine et qui devrait freiner la hausse du ratio d'endettement. Ensuite, nous devrions nous inscrire dans une trajectoire de redressement de nos équilibres macroéconomiques qui devrait se traduire par des besoins de financements de moins en moins importants. D'après nos projections à moyen terme, nous devrions stabiliser notre ratio d'endettement avant d'entamer une trajectoire baissière au bout de la quatrième année.
Enfin, il convient de souligner que les référentiels d'avant crise utilisés dans les approches des institutions internationales pour évaluer et juger de la soutenabilité de la dette des pays ne sont plus d'actualité aujourd'hui. En effet, ces derniers ont évolué, ponctuellement, afin de prendre en compte le caractère inédit et exceptionnel de la crise sanitaire et ses répercussions économiques, notamment sur les déficits publics et les ratios de la dette publique. Ainsi, la priorité du moment pour l'ensemble des pays est de lutter efficacement contre la pandémie et de préparer intelligemment la relance économique par l'appui et le soutien de la dépense publique. La stabilisation du niveau d'endettement et le retour à la trajectoire positive pré-Covid sera à envisager dès lors que la crise actuelle sera terminée.

F. N. H. : Les opérateurs financiers s'attendent à l'émission d'un grand emprunt national en 2021. Si cette option est retenue, quels en seraient les contours, les objectifs et la population cible ?
M . B. : Comme vous le savez, l'ampleur inégalée de la crise sanitaire du «COVID-19», qui a provoqué l'arrêt total ou partiel de plusieurs secteurs économiques, s'est traduite par une récession économique sans précédent exerçant ainsi une pression importante sur les marges de manœuvre macroéconomiques de notre pays et induisant un élargissement du déficit budgétaire et, par conséquent, une augmentation du besoin de financement de l'Etat. Il faut dire aussi que cet impact aurait été beaucoup plus important s'il n'y avait pas eu la décision clairvoyante de Sa Majesté le Roi pour la création du Fonds spécial COVID-19 afin de contrer les effets de cette pandémie, tout en limitant l'impact sur les finances de l'Etat. Cette initiative royale a connu un élan de solidarité sans précédent et de nombreux acteurs institutionnels, entreprises privées et citoyens ont participé à cet effort collectif qui a permis de collecter plus de 34,5 milliards DH.
C'est dans ce contexte où l'opinion publique marocaine est portée par un élan de solidarité pour participer à l'effort de lutte contre la pandémie et ses effets sur la société et sur l'économie que s'inscrit la réflexion lancée par le ministère autour de l'émission d'un emprunt national. Certes, et il est important de le rappeler, le Trésor dispose de moyens de financement diversifiés et suffisants auprès des investisseurs institutionnels nationaux, des bailleurs de fonds étrangers et du marché financier international lui permettant de couvrir largement son besoin de financement. Mais, ce qui est recherché, avant tout, à travers cet emprunt, est de renforcer l'appartenance nationale et la solidarité patriote en donnant la possibilité aux citoyens de participer à l'effort de financement des grands chantiers initiés par Sa Majesté le Roi, dont notamment le chantier de la généralisation de la couverture sociale à tous les Marocains et le chantier de la relance économique post Covid-19.
Ces deux chantiers importants à connotations sociales et économiques visent, d'une part, à mettre à niveau l'infrastructure de santé et développer une offre de soins à la hauteur des attentes de la population et à garantir une vie décente à tous les citoyens et, d'autre part, à créer les conditions pour remettre notre économie sur un sentier vertueux de croissance favorisant la création et la sauvegarde d'emplois. Outre ce premier objectif entrant dans le cadre de la solidarité nationale, le ministère cherche, à travers le lancement de cet emprunt national, à renforcer l'inclusion financière à travers la promotion de l'éducation financière de la population cible, l'objectif étant de stimuler la mobilisation de l'épargne nationale pour qu'elle contribue de manière plus importante au financement de l'économie et réduire ainsi les déséquilibres macroéconomiques. Ce projet ciblera exclusivement les personnes physiques résidentes et nonrésidentes, y compris donc les Marocains résidant à l'étranger, leur donnant ainsi la possibilité de contribuer, à travers un mécanisme autre que le don, à l'effort de financement des grands chantiers en cours, avec en contrepartie la possibilité de bénéficier d'un produit intéressant en termes de rémunération, de sécurité et de liquidité.
Au stade actuel, la réflexion sur la structuration de ce produit est toujours en cours et elle est menée de manière concertée avec les principaux acteurs du marché, notamment les banques, les sociétés de gestion, les sociétés de Bourse et la Bourse de Casablanca. Cette réflexion porte sur plusieurs aspects, dont notamment les caractéristiques du produit en termes de choix de la ou des maturités tenant compte de la préférence de la population cible, de la valeur unitaire qui doit être assez faible pour attirer différentes catégories de la population, du taux de rendement qui doit être attractif et d'incitations fiscales appropriées, sachant que la Loi de Finances 2021 a introduit une disposition défiscalisant les produits financiers perçus par les individus sur les emprunts d'Etat. D'autres aspects sont également examinés, tels que les canaux de distribution qui doivent être aussi diversifiés que possible pour assurer la plus grande accessibilité à ce nouveau produit, la négociabilité et la liquidité des titres pour permettre à leurs détenteurs de vendre ou d'acheter des positions auprès de n'importe quel réseau de distribution convenu, que ce soit au Maroc ou à l'étranger, et au prix qui sera affiché sur divers supports de diffusion. Une fois les caractéristiques du produit fixées et la période de souscription arrêtée, une grande campagne de communication et de sensibilisation sera organisée pour augmenter la notoriété du produit et inciter les citoyens à souscrire à travers les différents canaux de distribution.

F. N. H. : Enfin, un mot sur le Fonds Mohammed VI pour l'investissement. Le gouvernement et votre ministère ont-ils démarré la prospection d'investisseurs étrangers ou locaux intéressés par les projets ?
M . B. : Avant de répondre à la question, je voudrais rappeler tout d'abord que le Fonds Mohammed VI d'Investissement occupe une place centrale dans le plan de relance post-Covid. Ce Fonds devra en effet jouer un rôle de premier plan dans la promotion de l'investissement et le relèvement des capacités de l'économie nationale. Il interviendra particulièrement pour doter les secteurs productifs des financements en fonds propres et quasi fonds propres nécessaires pour financer et soutenir leur relance et développement. Comme vous pouvez l'imaginer, l'atteinte de cet objectif avec un impact significatif sur notre économie ne pourra être réalisée uniquement sur la base des ressources budgétaires apportées au fonds. Aussi, un objectif prioritaire du Fonds Mohammed VI d'investissement porte sur la mobilisation des ressources privées auprès de différents acteurs : banques de développement, investisseurs institutionnels, fonds internationaux, etc. L'objectif à ce titre est de mobiliser au moins un multiple de deux fois la contribution de l'Etat, qui s'élève à 15 milliards de DH. C'est dans ce sens que Sa Majesté le Roi avait donné ses hautes orientations pour que le fonds soit doté de la personnalité morale et des structures managériales adéquates, de manière à ce que, in fine, il s'impose comme un modèle de bonne gouvernance, d'efficience et de transparence.
En outre, lors de la structuration et le montage du fonds, nous avons eu plusieurs discussions avec nos principaux partenaires pour nous assurer notamment de l'alignement de la conception et la structuration proposées avec les meilleures pratiques à l'international en matière de fonds d'investissement. En effet, le choix du mode d'intervention et de gestion, ainsi que le respect des principes garants d'une bonne gouvernance et d'une transparence dans la conduite des opérations, sont déterminants pour assurer la crédibilité de l'instrument et le rendre attractif aux yeux des investisseurs privés et parvenir à les mobiliser durablement. C'est ainsi que le projet de loi portant création du fonds a introduit une série de dispositions pour répondre à ces enjeux, notamment cooptation d'administrateurs indépendants, la mise en place d'un comité d'audit, la sélection des sociétés de gestion des fonds thématiques sur la base d'un appel à la concurrence transparent, etc. Pour revenir à votre question, à date d'aujourd'hui, plusieurs acteurs ont démontré un fort appétit pour participer au financement des projets ou des fonds thématiques à mettre en place. Les échanges devront se poursuivre avec les différents investisseurs potentiels au cours des prochaines semaines et mois afin de concrétiser ces opérations.


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