La recherche scientifique était, jusque-là, en marge de l'ordre du jour des rencontres du dialogue «5+5». L'initiative du Maroc de rendre ses lettres de noblesse à cette discipline, en l'intégrant comme pilier dans la coopération «5+5», est une première. Elle jette un nouveau pont liant les deux rives. Le dialogue «5+5», lancé à Rome en 1990, regroupe dix pays de la Méditerranée. Il est composé de cinq pays de la rive Sud (Algérie, Libye, Tunisie, Maroc, Mauritanie) et cinq pays de la rive Nord (Espagne, France, Italie, Malte, Portugal). Cette coopération a pour objectif d'ériger la Méditerranée en un espace de paix et de prospérité. Cela dit, pour la première fois, une conférence des ministres en charge de la recherche scientifique se tenait à Rabat, les 19 et 20 septembre 2013. D'ailleurs, les Etats ont été dithyrambiques à l'égard du Royaume du Maroc pour cette initiative avant-gardiste. Ce rendez-vous était d'autant plus important que l'innovation et la recherche sont devenues les principaux piliers de la compétitivité et d'une croissance durable. A ce titre, Lahcen Daoudi, ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, a d'emblée rappelé que «tout développement économique doit avoir comme point d'ancrage, l'économie du savoir». Aussitôt, s'empressa-t-il d'ajouter que l'essor économique des pays développés est la résultante d'investissements massifs dans la recherche et l'innovation. Dans ces pays le taux d'investissement dans ces domaines, dépasse 3% du PIB. Tandis que dans les Etats en développement, celui-ci ne franchit guère 1% du PIB. A ce titre, le ministre de l'Enseignement supérieur du Portugal, Nonu Crato, a estimé que «la proximité géographique des deux rives est un élément clef, devant inciter à plus de coopération en matière de recherche scientifique et à mutualiser les moyens». Dans la foulée, il a estimé que les 18 accords signés entre le Maroc et le Portugal en la matière, peuvent servir de référence dans un cadre plus large avec les autres Etats du Dialogue «5+5». La rencontre a aussi permis de mettre en exergue les défis communs que devront relever les pays de la Méditerranée. Défis communs Le ministre algérien de la Recherche scientifique, Mohamed Mebarki, a mis l'accent sur la similarité des défis pour l'ensemble des pays de cet espace. Il convient de citer ceux afférents au changement climatique, à la sécurité alimentaire, à la crue des cours d'eau, à l'apparition de nouvelles pandémies, à la modernisation de l'agriculture, à la production d'énergies propres, etc. Dans le même temps, le ministre algérien a souligné que les chercheurs sont les plus habilités à trouver des solutions à ces problèmes qui se posent de plus en plus avec acuité. D'où l'urgence de renforcer la coopération, selon lui. Geneviève Fioroso, ministre française de la Recherche scientifique, lui a emboîté le pas, en affirmant : «ensemble, nous serons plus à même de relever ces défis et nous serons plus compétitifs sur le plan économique». Elle a aussi souligné l'importance de soutenir la recherche au plus haut niveau dans les deux espaces. D'après elle, les entreprises expriment de nouveaux besoins, auxquels ne peuvent répondre qu'une technologie de pointe et la recherche. Consciente de cela, la France, depuis la suppression de la fameuse circulaire Guéant en 2012, a renforcé la coopération, en facilitant l'accès à son territoire pour les étudiants et chercheurs issus du Maghreb. Par ailleurs, la Secrétaire d'Etat espagnole à la recherche, Maria Carrozza, a axé son intervention sur le soutien primordial à l'instrument d'identification des activités transversales. Elle prône une déclinaison des engagements en actes concrets dans le cadre de la signature de la «Déclaration de Rabat». Celle-ci consiste, entre autres, à faciliter la mobilité des chercheurs par l'attribution de visas d'enseignants-chercheurs, à promouvoir la formation des chercheurs et à favoriser le transfert de technologie. L'engagement de l'UE Rupert Joy, Chef de la délégation de l'Union européenne à Rabat, considère que la recherche et l'innovation sont des axes prioritaires pour l'UE, eu égard à leur caractère structurant pour l'ensemble des activités des pays. Il a clamé que : «Le développement économique ne peut être efficient que s'il est intelligent, durable et inclusif». A ce titre, l'UE a mis en place au sein de la zone euro-méditerranée, un cadre financier triannuel pour la recherche doté de 93 millions d'euros. Ce programme inclut l'extension des pays bénéficiaires, notamment ceux de la rive Sud. A en croire l'ambassadeur de l'UE, la politique européenne de voisinage (PEV) amorce un nouveau tournant, fondé sur la création d'espace commun et la mobilité des chercheurs. A ce titre, l'année 2012 a été marquée par la rencontre de 350 chercheurs issus des deux rives de la Méditerranée pour établir des programmes conjoints de recherche. La production d'énergie issue de sources propres sera, sans doute dans les années à venir, une préoccupation majeure pour les pays du Sud. D'où l'importance de poser les jalons des modalités de transfert de technologie dans ce domaine. L'UE a financé près de 296 projets de recherche, estimés à 700 millions d'euros. En définitive, la déclaration de Rabat offre une fenêtre d'opportunités pour renforcer la coopération dans le domaine de la recherche. Mais le plus important pour les pays du Sud est que celle-ci se traduise en actes concrets. Cela suppose le soutien financier des Etats du sud par ceux du nord. Dans un contexte de crise économique, cela ne se fera pas sans peine. Les questions de mobilité seront aussi des défis qui se poseront avec vigueur.