Dans leur traditionnelle note sur la prime de risque du marché action, les analystes d'Attijari intermédiation (ATI) parlent d'un marché «immunisé contre la baisse» pour décrire l'état actuel de la Bourse de Casablanca. Selon eux, la place semble aujourd'hui digérer une multitude d'annonces négatives, ce qui est de nature à réduire son potentiel de baisse à l'avenir. C'est sur un ton ironique, fataliste et visiblement assumé que le courtier plante le décor : «Les récentes études démontrent que le système immunitaire se construit à travers les microbes environnants... Ce qui le rend plus résistant». C'est en ces termes que ses analystes ont choisi de décrire l'ambiance actuelle. Par extrapolation, cette citation veut dire que le marché a été tellement bombardé de mauvaises informations qu'il n'y prête plus attention. En effet, depuis le mois de mars, un news flow défavorable a constamment alimenté le marché. D'abord, la baisse de la capacité bénéficiaire des entreprises de plus de 9%. Ensuite, la dégradation du marché marocain de l'indice MSCI EM. Et tout cela a été accompagné, tout au long de l'année, par une dégradation de la situation économique, à l'image de la baisse des ventes de ciment et de la stagnation de la consommation des ménages. C'est dans ce contexte que les analystes d'ATI ont procédé au calcul de la prime de risque appliquée au marché. Pour rappel, cette dernière montre ce que les investisseurs demandent comme rendement additionnel par rapport au rendement des bons du Trésor pour se défaire de ces derniers et se placer sur les actions. Comme à l'accoutumée, trois méthodes sont utilisées, dont la fameuse méthode des sondages lancée en grande pompe par ATI il y a trois ans. De manière beaucoup plus concrète, nous dirons que la prime de risque permet aux opérateurs de valoriser les entreprises. Ainsi, une prime de risque en hausse fait automatiquement ressortir des cours cible à la baisse, et inversement. En janvier dernier, les rares concurrents d'ATI qui calculent et rendent publique leur prime de risque appliquée au marché avaient constaté une baisse de cette dernière et donc une hausse automatique des cours cibles (www.financesnews.press.ma). ATI vient de faire le même constat en ce mois de juillet. Il ne faudra donc pas s'étonner de voir une nouvelle vague de recommandations, à l'achat émanant de ce courtier à la rentrée. La prime passe de 8,1% à 6,9 % Dans les faits, la méthode historique, qui consiste à déterminer sur la base de données historiques la rentabilité moyenne brute de l'indice sur une période et à la considérer comme taux de rendement espéré, fait ressortir une baisse substantielle de la prime de risque de 1,7 point, passant de 11,2% en octobre 2012 à 9,5% à fin mai 2013. La méthode prospective, basée sur les prévisions économiques, affiche pour sa part une baisse de la prime de risque de 1,1 point passant de 6,8% en octobre 2012 à 5,7% à fin mai 2013. «Un recul justifié essentiellement par une révision à la baisse de nos prévisions de croissance sur la période 2013-2014», explique ATI. Enfin, la prime de risque par la méthode des sondages ressort à 6,9% à fin mai 2013, en baisse de 1,2 point par rapport à octobre 2012. De manière générale, cette étude démontre que la prime de risque appliquée au marché a fortement baissé sur la période octobre 2012-mai 2013. Les investisseurs exigent ainsi une rémunération moins élevée sur le marché des actions. Pour ATI : «Les cours du marché intègrent aujourd'hui une grande partie des anticipations négatives des investisseurs. Par conséquent, leur perception du potentiel de baisse supplémentaire du marché boursier s'avère très limitée à l'avenir». Limites de la méthode Dans leur rapport, les analystes d'Attijari intermédiation (ATI) donnent plus de crédit à la méthode dite des sondages : «A l'analyse des différents résultats, et sur la base de notre propre appréciation, nous estimons que celle-ci (méthode des sondages) reflète au mieux les attentes des acteurs du marché et demeure, par conséquent, la plus pertinente comparée aux deux autres méthodes». Les analystes de l'intermédiaire boursier ont sans doute raison de privilégier cette méthode. En effet, la méthode historique demande un nombre important de données pour être pertinente. L'historique du marché action dans sa structure actuelle étant faible, cela rend la méthode moins fiable. Quant à la méthode prospective, elle suppose une appréciation exacte ou du moins la plus proche possible des rendements futurs des actions. Toutefois, l'histoire est là pour nous rappeler la multitude d'évènements imprévisibles survenus pour défaire les pronostics les mieux établis. D'ailleurs, les analystes d'ATI l'expriment clairement dans leur analyse : «Afin d'être un bon indicateur, la prime de risque doit être calculée sur une période d'au moins trente ans. La Bourse de Casablanca est relativement jeune et ne rentre pas encore dans ce cas de figure». Dans une précédente édition, les analystes avaient déclaré que «le peu de recul que nous procure le marché marocain, le poids prépondérant de certaines grosses capitalisations et la forte volatilité des éléments de composition des bénéfices... réduisent davantage l'intérêt d'une telle approche pour le cas du Maroc». Voilà donc un constat qui reste d'actualité !