Les répercussions de la crise sanitaire que nous vivons soulèvent plusieurs questionnements quant à l'avenir des relations économiques internationales. Le Policy Center for the New South s'est penché sur cette question à l'occasion de sa conférence annuelle «Atlantic Dialogues», tenue sous le thème de «La crise Covid-19 vue depuis l'Atlantique Sud».
En présence de l'ancien Premier ministre du Sénégal, Aminata Touré, et l'ancien ministre français des Affaires étrangères, Hubert Védrine, sous la modération de Mvemba Dizolele, professeurs d'études africaines à l'Université John Hopkins, il a été question lors de ce débat de passer en revue l'écart entre le «Nord» et le «Sud», entre l'Occident et le reste du monde, dans la gestion de cette triple crise à la fois sanitaire, économique et sociale.
Lançant le débat, Mvemba Dizolele a relevé les différents changements géopolitiques induits par cette crise. Pour lui, «la crise de la Covid-19 a dévoilé les transformations à l'oeuvre sur la scène internationale et son ordre établi. Le monde occidental semble perdre son monopole de la puissance, au moment où la Chine assoit davantage sa position tant économique qu'au niveau des institutions internationales».
Il a également été question lors de ce débat de revenir sur l'intégration économique en Afrique qui, selon les intervenants, demeure très faible par rapport à ce qui est observé ailleurs. Ce constat, selon Aminata Touré, ralentirait davantage le retour à la croissance pour les pays du continent.
Elle explique que «le plus important est que l'Afrique aille vers une unité économique, je pense à la Zlecaf, pour passer à un niveau d'échange intra-africain plus élevé pour une meilleure intégration régionale. Les autres continents sont à 60% d'échanges en moyenne, au moment ou les échanges au sein de l'Afrique n'atteignent que 20%. Si les relations intra-africains se renforcent, le continent pourra aller vers de nouveaux concepts de relations nord-sud, et envisager un nouveau rapport gagnant-gagnant avec le reste du monde».
Hubert Védrine a de son côté insisté sur la nécessité pour l'Afrique de diversifier ses partenaires économiques dans un contexte mondial marqué par une rivalité sino-américaine qui ne cessera de s'intensifier, et ce peu importe l'issue des élections américaines.
«La tension entre la Chine et les Etats-Unis va dominer les prochaines décennies. Des pays au sein de l'Europe seront dans une position difficile, car ils ne pourront ni se passer des matières premières chinoises, ni de la technologie américaine. Si certains vont aller dans un camp, d'autres vont essayer de concilier entre les deux parties. Dans cette configuration, il faut que les pays africains coopèrent avec l'ensemble des économies sans parti pris. Plus ils diversifieront leurs partenaires, plus ça leur sera bénéfique afin d'éviter toute dépendance», a-t-il indiqué.
Il rappelle également que la Chine élargit de plus en plus sa présence suite aux offres de financements préférentiels qu'elle continue d'offrir aux pays d'Afrique, comparativement à ce qui leur est proposé dans les marchés classiques.
«Si ces dettes permettent la construction d'infrastructures en Afrique, elles augmentent la dépendance économique et financière sur la Chine, ce qui n'est pas bon sur le long terme pour des économies sensées se diversifier et qui aspirent à plus d'autonomie», explique Hubert Védrine.