Le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire (CSPJ) a déploré, lundi, la déformation de données relatives à des procès en cours devant la justice et le lancement de campagnes médiatiques visant à véhiculer des données incorrectes ou tronquées auprès de l'opinion publique. Il déplore aussi l'exploitation avec mauvaise foi de la confidentialité des enquêtes judiciaires en présentant des informations contraires à la vérité des dossiers devant la justice. En réaction à un communiqué d'Amnesty International sous le titre «Action urgente pour la libération du journaliste Omar Radi», le CSPJ indique que cela affecterait la réputation de la justice et affaiblirait la confiance en ses décisions, appelant "Amnesty international" à s'abstenir de s'ingérer dans ses décisions et ses verdicts. Le Conseil réaffirme, dans un communiqué, qu'il restera déterminé à s'acquitter de son devoir constitutionnel consistant à protéger l'indépendance de la justice et la préserver contre toute ingérence dans ses décisions, exhortant les magistrats à s'attacher à leur indépendance et à ne pas céder aux influences qu'ils pourraient subir, quelle qu'en soit la source, à ne se référer dans leurs verdicts qu'à la loi et aux principes de justice et d'équité et à respecter les droits des parties et leur favoriser toutes les conditions d'un procès équitable. Le Conseil souligne que le communiqué publié par l'ONG, à travers lequel elle lance un appel international pour faire pression sur les autorités marocaines pour obtenir la libération de ce journaliste contient plusieurs allégations attentant à l'indépendance de la justice, prêtant à l'ingérence du gouvernement et incitant à l'influence sur ses décisions. Dans son communiqué, Amnesty a également présenté d'une manière exagérée certaines procédures judiciaires somme toute normales et évoqué certains événements d'une manière caricaturale, tout en liant la poursuite de l'intéressé en justice à sa profession de journaliste, contrairement aux réalités contenues dans les dossiers judiciaires, relève le CSPJ. Concernant la tentative d'influence sur la justice et atteinte à son indépendance, le CSPJ indique que le communiqué d'Amnesty est entaché d'une atteinte flagrante à l'indépendance de la justice, en incitant à adresser des appels intensifs pour faire pression sur le chef du gouvernement marocain afin d'obtenir la libération de Omar Radi. Et ce, en omettant que par cet acte, elle ignore que la justice au Maroc est indépendante du gouvernement en vertu de l'article 107 de la Constitution, que personne n'est autorisé à interférer dans les verdicts des magistrats et que le CSPJ est garant, en vertu de l'article 109 de la Constitution et de l'article 2 de la loi organique du Conseil, de la préservation de l'indépendance de la justice et d'interdire toute influence sur les magistrats dans leurs verdicts. Le communiqué, à travers lequel l'ONG incite à faire pression sur le chef du gouvernement, présente une version des faits contraire à la réalité, en imaginant le déroulement du procès de l'intéressé hors de la loi et ce, en vue de susciter la sympathie des gens dans le dessin de réunir le plus grand nombre d'appels à utiliser dans sa pression médiatique sur la justice. Cela, en faisant fi des mesures et procédures juridiques régissant l'action de la justice et des dispositions des Conventions internationales relatives à une justice équitable qui encadrent la procédure de justice au Maroc et qui demeurent, seules, le cadre légitime dans les procès des justiciables et sur lesquels se basent les tribunaux pour les acquitter ou les inculper, précise le CSPJ. De ce fait, ajoute-t-il, un tel comportement est indigne d'une association des droits de l'Homme qui prétend la défense des droits et des libertés légitimes des personnes et des groupes, puisqu'il incite les autorités exécutives, d'une part, et les individus, d'autre part, à faire pression sur la justice pour libérer un individu placé en détention préventive dans le cadre de son procès devant un tribunal indépendant du gouvernement, neutre et qui n'a aucune relation avec les appartenances politiques ou idéologiques des parties, gouvernements, parlements ou autres institutions ou organisations. Ainsi, le Conseil rappelle que la défense des droits de l'Homme ne peut se faire en influençant la justice et en tentant de l'affaiblir, mais plutôt en soutenant son indépendance et en lui faisant confiance. Et contrairement à ce qui a été véhiculé par le communiqué d'Amnesty, poursuit le CSPJ, le procès en cours à l'encontre de Omar Radi n'a aucun rapport avec ses écrits journalistiques, mais plutôt avec son accusation de viol et d'attentat à la pudeur avec violence sur la base d'une plainte déposée par une femme, d'une part, et d'atteinte à la sécurité extérieure de l'Etat à travers des contacts directs avec des agents d'une autorité étrangère en vue de nuire au statut diplomatique du Maroc, d'autre part. Il s'agit là, déplore-t-il, de crimes de droit public stipulés dans le Code pénal marocain et qui font l'objet d'enquête en toute indépendance de la part d'un juge d'instruction de la Cour d'appel à Casablanca, conformément à la loi qui garantit à la personne concernée toutes les conditions d'un procès équitable, ajoutant que la loi stipule aussi la confidentialité de l'enquête durant cette période. "Par conséquent, et dans le respect de la présomption d'innocence garantie à l'accusé, le Conseil souligne qu'il s'abstient de clarifier les faits de cette affaire à ce stade". Omar Radi, fait savoir le CSPJ, a auparavant été déféré devant la justice à deux reprises. La première fois en raison d'un tweet sur son compte personnel dans lequel il a menacé un magistrat et incité à son agression à cause d'un jugement qu'il a rendu, et la seconde à cause d'une altercation dans laquelle il avait été impliqué, en état d'ébriété, avec un de ses amis d'une part, et une autre personne, de l'autre, au cours de laquelle a eu lieu un échange de violence. Dans tous ces affaires, ni la qualité de l'individu concerné en tant que journaliste, ni ses écrits et les enquêtes journalistiques qu'il avait publiées n'ont aucun lien avec ses poursuites en justice, ni les précédentes ni celles en cours. "C'est pourquoi le Conseil s'étonne de la persistance du communiqué d'Amnesty à focaliser sur le travail journalistique de l'accusé sans justification aucune". Le Conseil fait observer, par ailleurs, que le communiqué "d'Amnesty" s'est largement attardé sur la mention de certains détails ordinaires dans les procédures judiciaires, les considérant comme des dépassements en matière des droits de l'Homme, notamment lorsqu'elle parle de la convocation de Omar Radi à plusieurs reprises par les services de la police judiciaire pour enquête, alors qu'il s'agit de procédures normales dans divers systèmes judiciaires, où les suspects peuvent être convoqués plusieurs fois pour enquête au sujet de divers faits. Quant à Omar Radi, toutes les enquêtes auxquelles il a été soumis ont été consignées dans les procès-verbaux contenus dans le dossier, et qui feront l'objet d'un contrôle judiciaire lors des prochaines étapes, conclut le communiqué du CSPJ.