Le Programme pour le développement des infrastructures en Afrique (PIDA) est un projet concret qui consiste à améliorer les infrastructures de tous genres en Afrique avec pour leitmotiv l'interconnexion, l'intégration et la transformation d'un continent. Le Maroc fait partie de ce programme, et s'il est méconnu d'un grand nombre de personnes, c'est sans doute parce que le pays n'est actuellement pas concerné par les projets prioritaires. L'Union africaine a placé l'intégration, le développement et la coopération socio-économiques dans le second pilier de son plan stratégique 2009–2012. La réalisation effective du contenu de ce pilier exigera une bonne infrastructure régionale. Ainsi, la Commission de l'Union africaine, en partenariat avec la Commission économique pour l'Afrique, la Banque africaine de développement et l'Agence de planification et de coordination du NEPAD sont les instigateurs de ce projet qui repose sur des programmes régionaux et qui contribuera à remédier au déficit d'infrastructures handicapant gravement la compétitivité de l'Afrique sur le marché mondial. Concrètement, le PIDA fournit aux parties prenantes africaines un cadre commun pour édifier les infrastructures qui permettront de mieux intégrer les réseaux de transport, d'énergie, de TIC et de voies d'eau internationales, afin de stimuler les échanges, entraîner la croissance et créer des emplois. Sur le papier, ce programme paraît parfait, mais sur le terrain des problèmes se posent quant à l'implication du privé dans l'orientation des projets. En effet, les opérateurs du secteur privé, et principalement l'industrie minière qui nécessite une infrastructure importante et partagée entre plusieurs pays, se plaignent d'un coût de transport important et consommateur de temps, car il n'existe pas d'infrastructures identiques entre les pays qu'emprunte le circuit de distribution. A titre d'exemple, il y a quelques années seulement, des camions pouvaient mettre jusqu'à deux semaines pour le transport de matières premières entre le Sierra Leone et l'Afrique du Sud. Il a fallu que les opérateurs du privé payent des redevances afin d'instaurer des postes de douanes électroniques gérés par le secteur privé dans le but de réduire cette période à quelques jours. Un autre exemple est encore plus frappant. Quelque sept pays d'Afrique centrale et de l'Est s'accaparent l'une des plus grandes réserves de fer dans le monde et pas une tonne n'est sortie de terre jusqu'à présent. Là aussi, les opérateurs du privé pointent un manque de volonté politique pour mettre en place une infrastructure terrestre pour l'exploitation de ces terres. Le secteur public répond que c'est au privé de mettre en place les infrastructures nécessaires car les gouvernements de cette zone d'Afrique ont plus important à faire en termes d'investissements. Cette question de priorités différentes entre le privé et le public revient à chaque fois et l'une des solutions les plus simples serait de convier le secteur privé lors de l'élaboration des plans stratégiques du PIDA et non après. Et le Maroc dans tout cela ? Dans le cadre des projets prioritaires du PIDA, le Royaume est prévu dans trois projets. Le premier est le grand corridor de transmission énergétique d'Afrique du Nord qui devra relier le Maroc à l'Egypte et l'Algérie à l'Afrique Centrale et de l'Ouest à travers le gazoduc Algérie-Nigeria. L'objectif est d'optimiser le coût de transport de l'énergie en Afrique et faire face à la hausse de la demande. Le deuxième projet est un corridor de transport reliant le Maroc et l'Egypte à l'horizon 2020. Et le troisième projet consiste à améliorer la connectivité entre les pays à travers un réseau télécoms ou de fibres optiques qui passeront par le Maroc. D'un point de vue politique, ces projets paraissent complètement hypothétiques. Imaginez-vous un camion de babouches marocain traverser l'Algérie, la Tunisie et la Lybie sur une même autoroute pour livrer des détaillants en Egypte le lendemain ? Possible. Mais pas dans les délais prévus dans le PIDA. Par contre, le Maroc peut profiter de ce programme de manière un peu plus réaliste: en soumissionnant aux appels d'offres des grands projets d'Afrique Centrale et d'Afrique de l'Ouest. Ces projets demandent une grande expertise en construction de barrages, d'autoroutes, de logements sociaux et autres infrastructures portuaires, ou encore la mise en place de réseaux télécoms de grande ampleur. La BAD joue un grand rôle dans ce mécanisme, car c'est l'un des plus grands donneurs d'ordres. Dans ce cadre, les acteurs du privé ont demandé à la BAD d'introduire des conditions préférentielles pour les entreprises africaines. Cette dernière, à travers plusieurs de ses directeurs opérationnels, s'est dite favorable à une telle pratique. Actuellement, elle permet aux entreprises de taille moyenne de se regrouper pour soumissionner aux appels d'offres. Pour les entreprises marocaines, ces regroupements permettront de s'associer à des entreprises locales afin d'optimiser les démarches administratives et de réduire les contraintes culturelles au delà du soucis d'accroître leurs tailles et le poids de leurs dossiers. Le marché est énorme et les opportunités sont là. Les pionniers l'ont déjà compris et sont partis prospecter chez nos voisins du Sud. Ce programme est un marché de 68 Mds de dollars jusqu'en 2020 et pourrait atteindre 360 Mds de dollars en 2040. L'objectif sous-jacent est d'améliorer les échanges entre les pays et permettre au continent de gagner jusqu'à deux points de croissance par an.