Le baril de Brent de la mer du Nord, référence européenne cotée à Londres, a été beaucoup moins affecté puisqu'il n'a cédé que 9%, pour terminer à 25,57 dollars. L'information a fait le tour du monde, provoquant stupeur et incrédulité : Le prix du baril américain de pétrole brut coté à New York pour livraison en mai s'est effondré lundi, terminant à -37,63 dollars ! Une chute spectaculaire qu'il faut néanmoins nuancer. En effet, cette chute s'explique, en partie, par l'expiration imminente d'un contrat à terme qui a poussé les investisseurs à s'en délester à tout prix. S'il a également baissé, le même baril pour livraison en juin s'est établi à 20,43 dollars. Une différence aussi monumentale entre ces deux contrats à terme s'explique par les paris des acteurs du marché et des spéculateurs. Quand ils achètent un des ces contrats, ils s'engagent à le livrer physiquement à un prix et à une date déterminés à l'avance. Le contrat de mai du West Texas Intermediate (WTI) expirant mardi à la clôture, les investisseurs possédant des barils sont confrontés à un dilemme : les vendre physiquement ou les stocker afin de les livrer plus tard. Or les réserves américaines de pétrole ont énormément augmenté au cours des dernières semaines, rendant le stockage plus difficile et plus onéreux. Dans son dernier rapport hebdomadaire, l'Agence américaine d'information sur l'Energie (EIA) a fait état d'une hausse de 19,2 millions de barils de brut sur une seule semaine, la plus forte hausse hebdomadaire depuis que ces statistiques sont publiées. Face à cette situation inédite, causée par un effondrement de la demande résultant de l'arrêt des transports et de l'activité économique, du fait de la pandémie de coronavirus, les barils pour livraison le mois prochain ont perdu toute leur valeur et les investisseurs souhaitant s'en délester n'ont d'autre choix que de mettre la main à la poche pour trouver preneur. "Des acteurs de taille moyenne payent les 'acheteurs' pour écouler leurs volumes de pétrole, la limite physique de stockage étant sur le point d'être atteinte. Et ils payent cher!", explique Louis Dickson de Rystad Energy. Pour la spécialiste, cela signifie que "des fermetures" de puits, "voire des faillites, pourraient désormais revenir moins cher à certains producteurs que de payer des dizaines de millions de dollars pour se débarrasser de ce qu'ils produisent." En revanche, ceux qui préfèrent ou qui ont les moyens de vendre plus tard en stockant leur or noir misent sur le fait que les cours auront remonté d'ici là. Ils estiment notamment que la consommation mondiale de brut et de produits raffinés redémarrera en même temps que l'activité économique. Cette situation se traduit par un phénomène de "contango", ou report, où le prix d'un contrat à terme augmente à mesure que l'échéance est éloignée dans le temps.
Ne pas surestimer la baisse Ainsi, le contrat de WTI pour livraison en juillet a fini à 26,28 dollars et celui pour livraison en août à 28,51 dollars. Autre indicateur qui a conduit certains analystes à ne pas surestimer l'effondrement du WTI mardi : Le baril de Brent de la mer du Nord, référence européenne cotée à Londres, a été beaucoup moins affecté puisqu'il n'a cédé que 9%, pour terminer à 25,57 dollars. Reste que le marché du pétrole s'effondre depuis plusieurs semaines alors que les restrictions de déplacements dans de nombreux pays et la paralysie de nombreuses économies à cause de la crise du coronavirus ont fait fondre la demande. Et les investisseurs s'attendent à pire encore puisqu'une profonde récession s'annonce dans le monde. Côté offre, le marché a été inondé de pétrole à bas coût après que l'Arabie Saoudite, membre éminent de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep), a lancé une guerre des prix avec la Russie pour obtenir un maximum de parts de marché. Les deux pays ont mis un terme à leur différend au début du mois en acceptant, avec d'autres pays, de réduire leur production de près de 10 millions de barils par jour pour stimuler les marchés touchés par le virus. Donald Trump --qui a joué un rôle dans les négociations-- a même évoqué une baisse de 20 millions de barils par jour. Mais les prix ont continué à dégringoler quand il est devenu clair que les réductions promises ne suffiraient pas à compenser l'effondrement de la demande.