Driss Bennouna, Directeur général adjoint de CIH Bank en charge des services technologiques, organisation et qualité CIH Bank travaille sur plusieurs chantiers pour digitaliser encore davantage les services offerts à sa clientèle. La création du Groupement de paiement mobile marocain (GP2M) est actuellement lancée. La banque est «Cloud Ready», mais sur ce registre la réglementation est très stricte. Driss Bennouna, Directeur général adjoint de CIH Bank en charge des services technologiques, organisation et qualité, répond aux questions de Finances News Hebdo.
Propos receuillis par : David William
Finances News Hebdo : Vous avez globalement bouclé votre chantier de transformation digitale qui a permis de banaliser plusieurs opérations que les clients peuvent désormais effectuer via leurs téléphones portables. Comptez-vous aller encore beaucoup plus loin ? Driss Bennouna : Un chantier de transformation digitale est un chantier sans fin. Il s'inscrit dans une logique continue d'enrichissement des services et d'amélioration de l'expérience client. Au CIH Bank, nous avons été précurseurs dans ce domaine. Nous sommes suivis et parfois même rattrapés par nos concurrents. Donc, comme aux échecs, il faut toujours avoir un ou plusieurs coups d'avance afin de garder ce leadership. Il est vrai que sur le segment des particuliers, qui correspond à la majeure partie de notre clientèle, nous sommes allés très loin dans le processus de digitalisation des services, mais nous continuons à faire beaucoup de veille et de benchmark afin d'identifier ce que l'on peut transposer chez nous, et dans ce cadre, nous avons en ce moment plusieurs chantiers ouverts. Par contre, pour le segment des professionnels et des TPE, nous venons de lancer il y a quelques semaines une nouvelle offre, y compris ses outils digitaux. Il s'agit de gérer ce qu'on appelle la double relation : une TPE, c'est généralement un patron et sa société; et moyennant une seule application, il peut voir ses deux sphères (privée et professionnelle) au lieu d'avoir à gérer deux applications différentes.
F.N.H. : Le virement instantané, lancé avec CFG Bank, devait à ce titre être une mesure de place. Où en est ce chantier ? D. B. : Nous sommes toujours en production avec CFG Bank et l'objectif d'en faire une démarche de place est toujours maintenu. En effet, le GSIMT (Ndlr, Groupement pour un système interbancaire marocain de télécompensation) a pris le relais sur ce chantier. Le projet avance correctement, puisque les spécifications techniques sont bouclées et le planning de place est en cours de finalisation. Normalement, ce chantier devrait voir le jour en début d'année prochaine.
F.N.H. : CIH Bank avait aussi l'ambition de pouvoir permettre à ses clients de faire à distance certaines opérations, comme le traitement de chèque… D. B. : Effectivement, pour les opérations de chèque, nous avons mis en oeuvre deux solutions. La première, eCert ou certification à distance du chèque, est déjà en production chez un commerçant partenaire avec la start-up eCert qui a développé cette solution. Le principe est de permettre au commerçant qui est payé par chèque de pouvoir bloquer, via l'application, avec le consentement du client, la provision correspondante. Le chèque est ainsi certifié en temps réel. Nous pensons que cette solution ne connaitra un franc succès que si d'autres banques adhèrent à ce système. La seconde solution consiste à effectuer des remises de chèque via mobile. Cette solution est dans sa phase finale de qualification, avec un objectif de lancement avant la fin du premier semestre.
F.N.H. : Pour ce qui est du paiement mobile, où est-ce que vous en êtes ? D. B. : La création du Groupement de paiement mobile marocain (GP2M) est actuellement en cours. C'est un groupement d'intérêt économique (GIE) auquel ont adhéré l'ensemble des banques et des établissements de paiement. Ce groupement sera appelé à gérer le développement du paiement mobile national. Pratiquement, la majeure partie des établissements bancaires ou de paiement a déjà investi dans des solutions de paiement mobile et l'interopérabilité est déjà fonctionnelle. Aujourd'hui, de l'argent peut être envoyé d'une wallet vers une wallet d'un autre établissement sans problème; par contre, le paiement effectif chez les commerçants n'est pas encore déployé. Ce sera justement l'une des missions du GP2M, car l'objectif n'est pas seulement de lancer un moyen de paiement, mais de développer aussi l'acceptation de ce moyen de paiement.
F.N.H. : Et qui pilote ce Groupement ? D. B. : Pour l'instant, l'opération de création de ce Groupement est pilotée par la Banque centrale. Mais, in fine, ce sera un groupement indépendant.
F.N.H. : CIH Bank a lancé tout dernièrement le changement d'agence gestionnaire entièrement en ligne. Quels sont les premiers enseignements que vous tirez de cette initiative ? D. B. : Actuellement, nous sommes la seule banque à permettre une telle opération. Pour le client, il suffit de quelques clics pour changer l'agence gestionnaire de son compte et produits. Cela paraît simple a priori, mais il y a un travail colossal qui a été fait en amont sur le système d'information de la banque, lequel a intégré la possibilité d'une telle opération dès le début de sa refonte en 2013. Il s'agissait de «banaliser» le numéro de compte. Ce service est opérationnel depuis à peu près dix mois et les clients en sont très satisfaits. Nous avons enregistré à aujourd'hui plus de 20.000 changements d'agence, soit une moyenne de 2.000 changements d'agence par mois.
F.N.H. : Ces chiffres montrent qu'il y avait donc un réel besoin… D. B. : Parfaitement. Aujourd'hui, chez certains confrères, le transfert de compte se traduit par une opération de «clôture» et «ouverture» de compte. C'est fastidieux, et encore plus quand on a un prélèvement par exemple chez un opérateur. La force de notre système d'information est que même en changeant d'agence, le client garde le même RIB.
F.N.H. : CIH Bank est pionnier dans beaucoup d'opérations de ce genre. Tout cela vous coûte néanmoins en termes de PNB. D. B. : Oui et non. Il est vrai qu'en offrant plus de gratuité à notre clientèle et qu'en investissant dans de nouvelles solutions, cela nous coûte en termes de PNB direct. Mais, in fine, cela permet d'attirer plus de clients et grâce à l'effet volume, on finit par s'y retrouver l'un dans l'autre. Je voudrais juste confirmer cela en précisant qu'à fin 2019, les 2/3 des opérations quotidiennes effectuées par la clientèle de CIH Bank se font à distance (entre le digital et la monétique) contre 1/3 en agence. Il y a 3 ou 4 ans, nous étions dans des proportions totalement inverses. Le digital nous permet donc de nous massifier à faible coût.
F.N.H. : Vous avez l'ambition de conquérir les Marocains du monde. Comment l'outil digital va-t-il servir de levier pour réaliser cet objectif ? D. B. : Nous avons effectivement l'ambition d'adresser plus fortement le marché des Marocains du monde, et notre conviction sur ce sujet est que ce marché doit être adressé d'une manière différente de ce qui se fait aujourd'hui.
F.N.H. : L'actualité du moment concerne le financement des TPE et PME. Comment la stratégie digitale de CIH Bank va-t-elle s'insérer dans le programme national défini pour accompagner ces petites structures ? D. B. : Comme je l'ai dit plus haut, nous avons déjà commencé à travailler sur l'offre Pro (TPE et professionnels). Nous leur avons fait une offre dédiée de banque au quotidien qui est déjà digitale. En ce qui concerne le volet crédit, CIH Bank participe au programme national d'accompagnement et de financement des petites entreprises et porteurs de projet via la mise en place de l'offre «Intilak Al Moukawil». L'offre étant nouvelle, l'objectif est maintenant d'y adjoindre une touche digitale afin de l'insérer dans notre stratégie globale en la matière.
F.N.H. : Aujourd'hui, est-ce que CIH Bank est prêt pour le Cloud ? D. B. : Nous sommes déjà «Cloud Ready», c'est-à-dire que notre infrastructure est configurée pour aller vers le Cloud. Maintenant, aller vers un Cloud à l'extérieur, lorsqu'il s'agit de données sensibles, cela reste soumis à des contraintes réglementaires, dont notamment l'hébergement des données sur le territoire national. Par rapport à tout cela, il n'y a pas pour le moment au niveau national d'offre Cloud «Data Center» suffisamment puissante pour pouvoir nous accompagner vers l'externalisation. Toutefois, lorsqu'il s'agit de données non sensibles, nous pouvons franchir le pas vers le Cloud. Et actuellement, nous avons déjà déployé une première plateforme sur le Cloud, à savoir la plateforme de digitalisation des achats qui gère les process d'appel d'offres et de référencement des fournisseurs.
F.N.H. : Quelles nouveautés pour 2020 ? D. B. : CIH Bank est en perpétuelle réflexion; nous avons pas mal d'idées dans les tiroirs et de nombreux projets en cours. Et pour des raisons de confidentialité, nous ne pouvons pas vous en dire plus. Ce que je peux rajouter, c'est que ces idées sont développées aussi bien par les équipes internes de la banque que par des start-up que nous accompagnons. Lors de notre dernier hackathon, nous avons identifié trois idées qui sont aujourd'hui matures, dont la remise de chèque à distance. L'application concernée devrait sortir d'ici la fin du 1er semestre. Nous avons également développé un jeu sur mobile assez ludique appelé CIH City, déjà disponible dans les stores, et ce avec le concours d'une start-up évoluant dans le gaming.