Lévaluation de la position concurrentielle du Maroc face au libre-échange demeure relativement floue. Intitulée «Regards croisés sur léconomie marocaine», la conférence de presse organisée par le Centre Marocain de Conjoncture sur les perspectives de léconomie marocaine, et à laquelle avaient pris part de nombreux spécialistes nationaux et étrangers, a permis daccentuer lidée dun nécessaire examen approfondi du chemin parcouru par le Maroc jusquà maintenant. Les efforts dévaluation de léconomie marocaine se poursuivent dans le cadre des cycles de conférences organisés dans le cadre du forum Euro-Méditerranéen des Instituts Economiques. Outre linsuffisance des ressources permettant de procéder aux ajustements quimpose louverture, la situation actuelle de léconomie marocaine est largement imprégnée par une importante fragilité de la croissance. Comme lont souligné les professeurs Alejandro Lorca et Gonzalo Escribano lors de cette conférence, léconomie de notre pays narrive pas encore à «changer de régime de croissance, et ce en dépit des progrès enregistrés en matière de stabilisation macro-économique». Cette première contrainte est doublée par une autre. «Il sagit du retard pris dans la mise en uvre des réformes et plus particulièrement les difficultés à les traduire en comportements institutionnels». En effet, lanalyse de lévolution de léconomie marocaine démontre quelle a du mal à renverser la tendance dans de multiples dimensions, identifiées comme des handicaps. A travers des champs comme le marché du travail, les échanges extérieurs, la politique budgétaire ou monétaire ou encore le système de gouvernance, de grands efforts restent à fournir. Les divers ajustements entrepris sur le plan économique nont pas encore réussi à relancer la dynamique de croissance et à concrétiser les ajustements entrepris jusquà maintenant. La formulation des politiques économiques à conduire paraît être actuellement une question «secondaire» du moment que les effets du processus de la réforme tardent encore à devenir des réalités palpables. Ceci est de nature, selon un autre professeur, Mohamed Tahraoui, «à limiter non seulement la vitalité économique et sociale des acteurs mais aussi lattractivité du Maroc pour les investissements étrangers». «Le profil pays Maroc», tel que cette rencontre avait lambition de dégager, révèle, dun autre point de vue, quau plan externe, lintégration du jeu économique mondial et la participation au libre-échange, particulièrement dans les zones de proximité, relèvent de moins en moins du libre-arbitre des acteurs. Lafflux des investissements étrangers est perçu dans cette optique comme une arme à double tranchant dans la mesure où le tissu productif national est sérieusement menacé. Cest dire que, plus que jamais, la question de la pertinence des options retenues et lefficacité de leur mise en uvre sont actuellement objet de refonte considérable et irréversible. A ce titre, un rapport établi par lInstitut de la Méditerranée sur 4 pays de la zone que sont le Maroc, la Tunisie, lEgypte et la Jordanie révèle que léconomie marocaine devrait faire face à cinq handicaps majeurs : lemploi et le développement des ressources humaines, les échanges extérieurs, le développement du système financier, lévolution du système de la gouvernance, sans oublier la gestion des finances publiques dans le contexte de rareté des ressources. Ce même rapport note surtout que «le Maroc entame la phase la plus délicate de sa politique douverture». La preuve serait lampleur des difficultés de la situation actuelle de léconomie marocaine. Engagé par une série daccords allant de celui dAssociation avec lUnion européenne en passant par celui de libre-échange avec les Etats-Unis, le rapport note que «le Maroc a encore la structure déchanges dun pays en développement. Cette situation le rend particulièrement fragile vis-à-vis des concurrences futures qui sannoncent à lextérieur mais également sur son propre marché». Ceci sans oublier que «les possibilités qui soffrent au Maroc se trouvent par ailleurs limitées compte tenu des perspectives de ralentissement des rapatriements des revenus des travailleurs immigrés, de la concurrence des pays dans la phase dadhésion au marché européen et du développement encore insuffisant des investissements étrangers». Il faut remarquer que tout au long de ce rapport émanant de lInstitut de la Méditerranée, il na été nulle part question de remettre en cause la stratégie dinsertion du Maroc dans léconomie mondiale. Cette stratégie demeure par contre «pleinement justifiée car la raison à cela est quun potentiel de croissance important est mobilisable au profit de léconomie nationale si un programme de politique économique adapté et bien séquencé est mis en uvre». Le rapport fait allusion notamment à la reprise attendue du secteur privé qui perd de gros espaces en matière de compétitivité. La démarche sociale est aussi un levier de croissance pour les concepteurs de ce rapport puisque «les options politiques arrêtées devront produire des résultats convaincants sur lamélioration du bien-être collectif tout en veillant à en limiter les coûts pour les catégories de la population les plus vulnérables». Ce nest quà ce moment que létape destinée à «assouplir les rigidités à caractère institutionnel et comportemental» pourra produire ses effets.