Il permettra de mobiliser des fonds et de financer des actions caritatives. L'argent collecté sera bien contrôlé et ne sera pas détourné de sa vocation finale. Les donateurs ne trouveront pas beaucoup de peine pour s'acquitter de leurs engagements confessionnels.
Par Charaf Jaidani
Lors de la discussion du PLF 2020 dans le cadre de la commission des Finances, le Parti authenticité et modernité (PAM) a prôné la création d'un Fonds spécial de la zakat (FSZ). Cette initiative a surpris tous les observateurs, qui estiment que la formation du tracteur «a supplanté le PJD sur son terrain de prédilection». S'agit-il d'une action politicienne pour séduire l'électorat conservateur à l'horizon du scrutin de 2021 ou bien le parti veut-il réactiver ce fonds pour des considérations purement socioéconomiques ? Interrogé à ce sujet, Samir Abou Kacem, membre influent du PAM, a affirmé que «l'idée de créer ce genre de fonds n'est pas nouvelle. Elle a été ordonnée par Feu Hassan II en 1998, sans pour autant prendre forme. Cet outil a été introduit dans la Loi de Finances sans devenir opérationnel. On se demande dès lors pourquoi il n'a pas été encore activé. Les recettes générées pourront servir à financer différentes opérations à caractère social comme les orphelinats, le soutien des familles en difficulté, la lutte contre la pauvreté ou la marginalisation dans les régions enclavées». L'activation d'un FSZ permettra également de canaliser les fonds collectés vers des dépenses contrôlées et justifiées destinées exclusivement à des opérations de charité et ciblant une population bien déterminée. «Le principe de la zakat est de redistribuer l'argent ou de financer des actions humanitaires, et ce conformément aux préceptes de l'Islam. Mais certaines personnes malveillantes font les collectes et les détournent de leur objectif initial. Toutes les cellules terroristes démantelées sont financées par des collectes de fonds par voie zakataire», souligne Mohamed Darif, politologue et spécialiste des groupes islamistes. «Sous la tutelle d'une autorité publique, le FSZ sera bien encadré et les affectations scrupuleusement contrôlées et ne feront l'objet d'aucune malversation ou utilisation frauduleuse», explique Darif. Le FSZ est une source importante de mobilisation de fonds, surtout que l'environnement socioculturel et confessionnel lui est favorable. Une étude de la chaîne BBC Arabic et d'Arab Bometer a révélé que de nombreux Marocains se disent très religieux. Ils observent à la lettre les préceptes de l'Islam comme le Ramadan, la prière, le Haj, Aïd El Adha et autres rituels. Ils devraient s'acquitter facilement de la zakat via cet organe, surtout qu'il existe actuellement des problèmes pratiques en matière d'accomplissement de ce devoir religieux. «De nombreux donateurs n'arrivent pas à trouver facilement les personnes nécessiteuses à qui ils peuvent donner l'argent de la Zakat. Ils sont à la merci d'associations ou d'institutions opportunistes se prétendant à but caritatif, mais dont le fonctionnement et le mobile sont parfois douteux. Il est nécessaire d'activer un organe dédié qui va les soulager», témoigne un commerçant du Souk de Derb Ghallef. Concernant le fonctionnement du FSZ, il sera sous le contrôle d'un Conseil d'administration présidé par le ministre des Habous et des Affaires islamiques. Ce conseil regroupera d'autres administrations ou acteurs comme les Finances, l'Intérieur ou un regroupement d'associations de bienfaisance ou de donateurs. Mais, c'est au niveau de la collecte des fonds et de leur gestion que le problème existe. Lors des premières Assises de la fiscalité, organisées en 2013, l'Association marocaine des études sur la zakat a proposé un concept dualiste basé sur le principe fiscal et zakataire, qui est un régime à base de volontariat. Le ministère des Habous peut se charger de la collecte. Ce département dispose d'une délégation dans pratiquement toutes les provinces du Royaume. Néanmoins, il faudrait une volonté politique pour rendre opérationnel le FSZ. Le PJD, au pouvoir depuis 2011, n'a pas jugé encore opportun de l'activer.
Encadré : L'expérience des autres pays Les fonds de la Zakat existent dans plusieurs pays islamiques et certains mobilisent des sommes colossales, comme c'est le cas en Arabie Saoudite, Qatar, Malaisie ou Egypte. L'Algérie est dotée d'un fonds dédié à la Zakat dont les ressources sont en perpétuelle croissance. Il a généré en 2018 plus de 1,4 milliard de dinars algériens, soit près de 113 millions de DH. En Tunisie, plusieurs voies s'élèvent pour appeler à la création d'un organe similaire, surtout que le parti islamiste Annahda qui dirige le gouvernement soutient cette initiative.