Les clivages politiques perturbent sérieusement le bon fonctionnement des entités locales. Le manque de moyens financiers impose la dépendance des collectivités locales vis-à-vis de l'Etat. Les rapports entre les communes et les citoyens n'ont pas été améliorés. Malgré les différentes réformes concrétisées il y a quelque temps par l'élaboration de la Charte communale, la gouvernance locale continue de présenter de sérieux dysfonctionnements. Quelques années seulement après sa mise en application, le système de l'unicité de la ville commence à montrer ses limites. En l'état actuel des choses, la Charte communale est imparfaitement respectée. Il est donc légitime de se demander dans quelle mesure les objectifs majeurs fixés par la Charte amendée, en termes de gouvernance locale, peuvent être atteints. En effet, la nouvelle législation sur les communes et les provinces entend rationaliser la gestion communale, améliorer la participation et la transparence, uniformiser les méthodes de travail et renforcer les pouvoirs tant du président que des assemblées. Cette réforme a été motivée essentiellement par l'amélioration de la gouvernance. Il faut noter cependant que les rapports entre les communes et les citoyens n'ont pas été améliorés. Blocage, retard, mauvaise gestion, pratique non démocratique, la gouvernance locale est pointée du doigt. D'ailleurs les Conseils des villes dans différentes régions du pays n'arrivent pas à mener à bien le programme, voire à gérer au quotidien les affaires courantes. La Charte communale a introduit en matière d'innovation le mode d'élection du président du Conseil communal et la «mise à disposition» comme option pour les fonctionnaires. Il est question aussi de la limitation et de la rationalisation de la délégation de pouvoirs, à une nouvelle architecture pour les commissions permanentes et au renforcement des structures administratives communales. La nouvelle mouture vise une meilleure gestion des villes en instaurant notamment le groupement d'agglomérations et le renforcement du système de l'unité de la ville. La réforme a préconisé également l'amélioration des rapports des communes avec les citoyens en instaurant le droit d'information et le droit de participation. D'où la reconnaissance du droit des citoyens à l'information sur la gestion locale qui permet de contrôler l'action locale et de contribuer au renforcement de la transparence, d'une part et, d'autre part, donne la possibilité d'associer les citoyens au processus de prise de décision. Manque de moyens La tutelle qu'exerce l'autorité, à savoir le ministère de l'Intérieur, revient en force comme une limite aux prérogatives aux communes, notamment en ce qui concerne le champ d'action des Conseils communaux. Pour qu'ils deviennent efficaces et répondent à leur mission, plusieurs recommandations ont été formulées mais qui, par la suite, n'ont pas été adoptées malgré leur pertinence. Il est préconisé de doter les entités en question de ressources financières et humaines conséquentes. La moralisation de la gouvernance locale se pose avec acuité. Elle constitue une arme contre les violations de la législation communale, la corruption, les détournements des deniers publics et la mauvaise gestion des biens et des affaires de la commune. Le renforcement de la sanction et la lutte contre l'impunité demeurent les moyens qui doivent aider à instaurer une bonne gouvernance locale. Sur le plan financier, si 90% des collectivités locales parviennent à couvrir leurs dépenses, elles n'arrivent cependant pas à offrir de nouveaux services (propreté, hygiène, sécurité...). «Ce manque de moyens financiers entraîne la dépendance des collectivités locales vis-à-vis de l'Etat car elles n'ont pas les capacités de rechercher des financements. Cette insuffisance financière constitue donc un handicap dans la mise en œuvre de la Charte communale amendée, contraignant les communes à mettre en place un plan communal de développement, une commission spécialisée et une commission genre. «Les élus locaux sont appelés à faire preuve de dynamisme et à faire du marketing territorial pour drainer des ressources», a expliqué Mohamed El Amrani, professeur universitaire. Il a précisé que «la subvention centrale de l'Etat, notamment sous la forme de restitution d'une partie de la TVA, étant inscrite d'office, ne laisse qu'une marge très réduite aux Conseils communaux de juger de l'opportunité d'investir ou de programmer les fonds de leurs communes». Par Charaf Jaidani Unité de la ville : quatre facteurs bloquants Quatre principaux facteurs expliquent les problèmes que connaissent actuellement les Conseils de la ville. Le premier est l'absence d'une homogénéité au sein des majorités dirigeant les Conseils. Ceci se répercute directement sur la qualité de gestion du Conseil, étant donné que les partis formant la coalition restent otages de calculs étriqués. Le deuxième facteur concerne la fragilité de l'engagement politique chez certains conseillers qui n'hésitent pas à voter contre les orientations de leur parti. La culture du butin, troisième facteur, fait que certains conseillers cherchent des profits personnels et des privilèges au détriment de l'intérêt général. Le quatrième facteur est que l'autorité locale, animée par des calculs qui lui sont propres, exerce une tutelle qui nuit à la gestion du Conseil de la ville. Ce sont ces quatre facteurs d'ordre politique qui expliquent les problèmes et les blocages qui marquent certains Conseils de la ville. L'autre problème relevé au niveau de l'unicité de la ville est qu'avec ce système, certains maires s'attachent à exercer toutes les prérogatives qui leur sont confiées par la loi refusant de les déléguer à leurs collègues, ce qui induit une pratique centralisée au sein d'un système de décentralisation. Ces problèmes, qui sont d'ordre politique et sont liés à la qualité des élites locales, ne portent pas seulement atteinte au système de l'unité de la ville, ils menacent également le projet structurant de la régionalisation élargie.