Lentement mais sûrement, la courbe des taux s'aplatit. Ce phénomène renseigne généralement sur la fin d'un cycle et agit sur les allocations entre les classes d'actifs. Par A.H.
Les taux baissent. Du court terme au long terme, toutes les maturités ont connu une contraction entre décembre 2018 et mai de cette année. Sur les maturités courtes, le 52 semaines et le 2 ans en l'occurrence, la baisse est respectivement de 12 et 19 points de base (pbs). Sur les maturités plus longues, les baisses sont encore plus marquées : jusqu'à 31 points sur le 10 ans, qui flirte avec la barre symbolique des 3%. La partie haute de la courbe baisse plus vite que la partie basse. Cela se voit sur la courbe des taux qui prend une allure plus plate. Allure qui offre plusieurs informations aux investisseurs. La première concerne évidemment la prime de risque qui se contracte plus vite à long terme. Ce type de comportement montre qu'une partie des opérateurs sur ce marché anticipe une hausse des taux d'intérêt de la Banque centrale. Pour le moment, pour placer leurs cash sur des produits de trésorerie à court terme, les investisseurs exigent toujours un rendement inférieur, car ce sont des maturités moins risquées. Mais le spread se compresse entre taux courts et taux longs, renseignant sur un changement de paradigme en cours. La théorie classique des taux interprète pour sa part un aplatissement des taux comme une fin de cycle économique et donc une récession, ou du moins une faible croissance économique. Mais, pour cela, il faut d'abord que la courbe s'inverse et que les rendements à court terme deviennent plus élevés que les rendements longs. Ce cas de figure n'est pas encore d'actualité. Mais les évolutions sont rapides. En effet, sur le marché primaire, l'écart entre les taux 52 semaines et 5 ans était de 48 points de base au dernier trimestre de 2017. Il est passé à 44 points de base à fin avril 2018, pour terminer 2018 à 41 points de base. A fin avril 2019, ce spread n'est plus que de 32 points de base.
Pressions Ce qui génère cet état de fait, c'est la situation confortable des finances publiques, avec le déficit qui s'est allégé de 85% au premier trimestre grâce à la bonne tenue des recettes publiques. Les investisseurs institutionnels se retrouvent sous pression et dans l'incapacité de prêter au Trésor et concèdent donc des taux plus bas lors des adjudications. La perspective d'une sortie à l'international de la part du Trésor renforce la perception de ces investisseurs. Pour beaucoup d'économistes, une inversion de la courbe des taux permet de prédire un épisode de récession. Mais cette vision ne fait pas l'unanimité, d'autant que les exemples sont légions. Aux Etats-Unis, au Royaume-Uni... cela n'a pas été le cas à plusieurs reprises. Il faut dire que la capacité prédictive de récession de l'inversion de la courbe des taux est née dans les années 1970. Une période où l'inflation était beaucoup plus importante qu'aujourd'hui. De plus, dans certaines économies comme le Maroc, la faible liquidité des maturités longues pèse sur la pertinence de la courbe. Quoi qu'il en soit, l'aplatissement actuel renseigne à coup sûr sur la baisse des rendements des investissements long terme sur le marché obligataire. ◆
Le Trésor profite de la situation L'Etat est le grand gagnant de la situation. Il en profite pour reprofiler ses dettes, en augmentant la part des maturités long terme bon marché et accélère les remboursements. Rien que durant le mois d'avril, il a levé 19,5 Mds de dirhams, dont 56,1% sur les maturités longues. En face, il a remboursé 20,6 Mds de dirhams, ce qui s'est traduit par des levées nettes négatives de 1,1 Md de dirhams. Les encours sont pour leur part en petite hausse de 1,5% depuis le début de l'année 2019.