* En très bonne santé, le Trésor boude le marché. * Le relèvement par BAM des taux directeurs accentue l'aplatissement de la courbe des taux. * La rentabilité s'amenuise. Le marché obligataire, à l'unanimité de tous les observateurs, passe par des temps pour le moins difficiles. Les taux sur le marché obligataire ont connu une baisse hors pair ces derniers temps. En observant de près la courbe des taux, l'on remarque un aplatissement manifeste, notamment sur les maturités longues. Celles-ci ont, en effet, le plus subi l'effet de la baisse. C'est ainsi qu'entre 2001 et la fin du premier trimestre de l'année courante, les taux de la maturité 10 ans, à titre indicatif, sont passés de 6,79% à 3,40%, soit une chute de plus de 3 points. Les taux de 15 ans sont, quant à eux, passés de 7,15% à 3,69%, tandis que les taux de la maturité 20 ans ont perdu plus de 3,80 points passant de 7,70% à 3,81%.... C'est dire que les rendements obligataires sont à leur plus bas historique. Depuis 10 ans en effet, les taux de rendement obligataires baissent continuellement, à tel point que les analystes et opérateurs du marché sont aujourd'hui convaincus que lesdits taux ne sont plus susceptibles de remonter. Ils pensent que le risque de voir les taux d'intérêt remonter est vraiment très faible. D'où vient cette certitude ? Et comment peut-on expliquer cette baisse vertigineuse des taux sur le marché ? Pour expliquer cette tendance, il faut observer de près le comportement du Trésor, principal animateur du marché, et l'évolution de la liquidité du système bancaire. Depuis le lancement des privatisations, et surtout depuis l'encaissement de la première licence GSM d'un montant de 11 Mds DH accordée à Méditel en 1999, le marché se trouvait souvent en situation de surliquidité, maintenue par la nette amélioration des avoirs extérieurs nets du pays, eux-mêmes alimentés par les transferts des Marocains résidant à l'étranger et des recettes touristiques en constante progression. Ainsi s'est dessinée une aisance financière du Trésor qui s'est accentuée au fil des années et qui a fait que cette institution ne fait plus, sinon rarement, appel au marché pour financer ses besoins, privilégiant en cela le recours aux recettes ordinaires qui, d'ailleurs, ont connu ces derniers temps une réelle rationalisation. L'absence du Trésor sur le marché obligataire trouve donc son origine dans son aisance. Les recettes extraordinaires, auxquelles s'ajoutent celles liées à la privatisation (Somathès et 20% de la Régie des tabacs) encaissées au cours du dernier trimestre de l'année 2006, et celles de la Comanav et Drapor non encore encaissées. Cet état de fait semble perdurer et même s'accentuer. En témoigne l'abstention du Trésor pour les six dernières séances d'adjudication. Parallèlement à l'aisance du Trésor public, «il est vrai que même la qualité de l'offre s'est détériorée sur le marché de la dette intérieure avec des volumes relativement faibles et des taux décalés à la hausse», note un gestionnaire obligataire de la place. Durcissement monétaire ? Face à cette situation, tous les observateurs nourrissent beaucoup d'espoir suite à l'apparition de risques inflationnistes, sur un éventuel durcissement monétaire de la part de la Banque centrale. «C'est la seule chose pouvant inverser la tendance sur les taux. D'abord sur les maturités courtes puis, à coups de contagion, celle-ci pourrait impacter le reste des maturités», nous indique un analyste de la place. Chose qui a commencé à se dessiner depuis le début de l'année 2007. En effet, ayant constaté une envolée du taux de l'inflation durant 2006 qui a dépassé, rappelons-le, le seuil psychologique des 3%, la Banque centrale a décidé, le mois de décembre dernier, de rehausser des taux de reprise des liquidités de 25 points de base. Cette décision a ainsi entraîné une correction technique immédiate des maturités courtes, et, dans une moindre mesure, les maturités moyennes. Une tendance qui a été accentuée, par la suite, par le resserrement du taux de loyer de l'argent qui est ressorti en moyenne à 2,98% sur le premier trimestre de l'année 2007. En somme, l'impact sur les taux d'intérêt a été le suivant : les maturités court terme ont été ajustées de 36 points de base. Contaminées, les maturités 10 et 15 ans ont connu une correction de 4 points de base. Les maturités longues ont, quant à elles, concédé 3 points de base pour celle de 20 ans, tandis que la maturité 30 ans a consolidé son niveau et n'a point été impactée. Ainsi, et suite à une décision de relèvement des taux directeurs, la physionomie de la courbe des taux a changé légèrement avec un aplatissement plus accentué. En terme de performance et compte tenu du léger redressement du bas de la courbe au cours du premier trimestre de l'année, la dette marocaine a réalisé, toutes maturités confondues, une très faible rentabilité au cours du premier trimestre de l'année courante. En effet, l'indice obligataire Moroccan Bond Index est ressorti à 2,45% à fin mars 2007, contre 11,50% un an auparavant. Le long terme, notons-le, affiche la meilleure performance (soit 3,13%), le moyen terme effleure les 1,80%, alors que le court terme n'offre plus que 2,6% contre respectivement 24,73%, 4,58% et 3,07% pour la même période de l'année 2006. «Cette situation a fait perdre toute attractivité aux fonds obligataires et les investisseurs deviennent de plus en plus réticents à l'achat», note un gérant de portefeuille d'une banque d'affaires de la place. Une situation qui ne risque pas de changer à court terme. Pour cause, indique notre gérant, «d'une part, la situation actuelle du Trésor fait ressortir une plus grande aisance financière suite à la collecte de l'IGR et des premiers acomptes de l'IS à fin mars et, d'autre part, par la poursuite de la tension constatée sur le marché monétaire malgré l'appréciation des avoirs extérieurs à la fin du premier trimestre» ; avant de conclure que «la gestion des tombées du Trésor durant les prochains mois sera déterminante pour un éventuel redressement de la situation». À bon entendeur !