La croissance du PIB devrait plafonner à 2,9% en 2019, confirmant son enfermement dans une «trappe» de croissance faible. Pour sortir de cette configuration insoutenable sur le long terme, le HCP préconise de laisser courir «un peu» l'inflation pour laisser respirer l'économie.
Le haut-commissariat au Plan (HCP) a présenté mercredi le très suivi budget prévisionnel de l'exercice 2019. Ce rendez-vous, qui se tient chaque année à la même période, est particulièrement attendu par les observateurs de la sphère économique, puisque les prévisions du mois de janvier du HCP sont généralement assez proches de la réalité. Principal enseignement : la croissance du PIB pour 2019 n'a pas été revue à la baisse, comme on pouvait le craindre, par rapport à la prévision établie par le même HCP en juin 2018. L'économie nationale devrait afficher pour l'année qui vient de commencer un taux de croissance de 2,9% (après 3% en 2018 et 4,1% en 2017). L'inflation devrait décélérer, passant de 1,7% en 2018 à 1,2% en 2019.
Campagne agricole : les craintes se dissipent Si les prévisions de croissance restent inchangées, c'est parce que le HCP estime que la campagne agricole 2018/2019 devrait résister, en dépit d'un déficit pluviométrique qui dure depuis plusieurs semaines maintenant. Il faut dire aussi que la pluviométrie s'était montrée généreuse au démarrage de la campagne agricole, à l'automne 2018. «Les campagnes agricoles qui avaient démarré sous des conditions semblables s'élèvent à 6 sur les 30 dernières années, avec une probabilité de 74% de converger vers une saison bonne ou moyenne», indique Ahmed Lahlimi, haut-commissaire au Plan. Ainsi, sous réserve d'un retour probable d'une pluviométrie hivernale normale, et tenant compte de la poursuite de la dynamique des cultures irriguées, le repli de l'activité agricole se limiterait à -0,4% seulement en 2019. Plutôt rassurant donc. Les activités non agricoles, quant à elles, devraient poursuivre leur croissance modérée au rythme de 3,1% au lieu de 2,9% en 2018. Les activités tertiaires, bien que se situant toujours en deçà de leur performance enregistrée entre 2007 et 2011, devraient être le principal moteur de la croissance non-agricole. Les services assureraient plus de 64% de cette progression. Les branches secondaires (industrie) afficheraient une croissance moins soutenue, portées principalement par une légère accélération du rythme de la croissance manufacturière.
La demande intérieure décélère La croissance continuerait d'être soutenue en 2019 par la demande intérieure, fait savoir le HCP, bien qu'à un rythme en retrait. Celle-ci passerait de 3,6% en 2018 à 3,4% en 2019. La contribution de la demande extérieure nette resterait négative (-0,8 point), en raison de la persistance de l'écart entre le rythme de progression des importations (+6,4% en 2019) et celui des exportations (+5,9% en 2019). Par ailleurs, l'effort d'investissement ralentirait, passant de 32,4% du PIB en 2018 à 32% en 2019. L'épargne nationale serait également en baisse. Elle se situerait à 27,7% du PIB en 2019 contre 28% en 2018. Quant à l'endettement public global, il devrait s'aggraver en 2019, atteignant 82,5% en 2019 au lieu de 82,2% en 2018 (82% en 2017). Ces indicateurs témoignent, si besoin est, de l'essoufflement du modèle national de croissance. Une situation qui n'est plus tenable.
De l'audace ! Pour sortir de ce «modèle d'équilibre bas», ou de cette «trappe de croissance» (4% de croissance les bonnes années agricoles, en dessous de 3% dans le cas contraire), Ahmed Lahlimi a tenu un discours qui tranche avec ce que nous avons l'habitude d'entendre dans la bouche de nos dirigeants, et notamment de celle du gouverneur de la Banque centrale, Abdellatif Jouahri, généralement intransigeant sur le respect des équilibres macroéconomiques. Le haut-commissaire au Plan préconise de sortir du consensus de Washington pour donner de l'air à une économie de plus en plus asphyxiée. «Il faut sortir de cette trappe de croissance avec une politique plus audacieuse», a-t-il déclaré, ajoutant que «l'économie ne respire pas, il faut lui donner de l'oxygène !». Un appel clair à laisser courir quelque peu les déficits et à baisser les taux. «On peut faire un peu plus d'inflation, et passer par exemple de 1,7% à 3%. On n'en mourra pas. C'est de la bonne inflation», a-t-il martelé. Le débat est lancé et ne manquera pas de faire réagir dans les prochaines semaines. ◆