Changement de l'organisation qui s'articule désormais autour des segments de clients. Zurich Maroc maintient sa stratégie de croissance tout en visant la progression de sa part de marché dans un secteur fortement concentré. Au premier semestre 2012, Zurich Maroc a enregistré un montant de primes émises de 620 MDH, soit une progression de 9,2%. Hormis la «tous risques chantiers» et la «RCD», les autres dossiers initiés dans le cadre du contrat-programme sont en retard. Frédéric Louat, nouveau CEO/ Zurich Assurances, nous éclaire sur la stratégie de la compagnie et ses prévisions dans un contexte de rude concurrence. - Finances News Hebdo : Ayant été récemment nommé à la tête de Zurich Maroc, quels sont les principaux chantiers que vous avez jugé prioritaires afin de mieux positionner la compagnie dans un secteur très fortement concentré (quatre compagnies s'accaparent plus de 67% du marché) ? - Frédéric Louat : Il faut commencer par souligner que mon arrivée à la tête de Zurich Maroc ne marque pas un changement radical de stratégie. Nous maintenons notre stratégie de croissance et nous continuons à viser une progression de notre part de marché. Dans ce contexte, il me semble important aujourd'hui de mettre l'accent sur 3 priorités qui correspondent à la fois aux impératifs du marché et aux priorités de notre Groupe : mettre encore davantage le client au centre de nos préoccupations, à tous les niveaux de notre activité ; améliorer notre efficacité opérationnelle, notamment en matière de sinistres et de production de produits de masse ; renforcer notre position d'employeur de référence en matière de recrutements et de développement des talents. Ces dernières années, nous avons constamment gagné des parts de marché et nous pensons que cette approche va nous permettre de pérenniser notre croissance tout en continuant à respecter notre discipline de souscription. - F. N. H. : En 2011, l'activité des assurances a renoué avec la croissance avec une augmentation remarquable de 9%. Par rapport aux fondamentaux dégagés durant le premier semestre 2012, est-ce que, selon vous, le secteur connaîtra la même tendance d'ici la fin de l'année ? - F. L. : Sur les six premiers mois de cette année, la croissance du marché de l'assurance (vie et non-vie) s'est établie à 9,5%, soit à un rythme de progression comparable à celui de l'année 2011. Sur le marché de la non-vie, qui est le cœur du métier de Zurich Assurances Maroc, le marché a progressé de 6,7%, un rythme qui est également proche de celui de 2011. Il est à noter que la croissance du marché des assurances non-vie au premier semestre a été tirée par une progression importante de la vente de véhicules neufs grâce, notamment, au Salon de l'Automobile. Cet élément conjoncturel aura un impact beaucoup plus limité sur le deuxième semestre et, sans être pessimiste, nous ne pouvons pas vraiment espérer une accélération de la croissance au cours de ce deuxième semestre. Par ailleurs, il est évident que le marché de l'assurance est profondément ancré dans l'ensemble de la vie économique du pays, et que celle-ci commence à ressentir quelque peu les effets de la crise économique qui frappe l'économie mondiale - à commencer par les difficultés de paiement -, donc tout cela aura nécessairement un impact sur le 2ème semestre. Ceci dit, la croissance du marché de l'assurance reste nettement supérieure à celle de l'activité économique du pays. Ce qui veut dire que le taux de pénétration de l'assurance continue de croître – ce qui est encourageant – et augure bien du potentiel à moyen et long terme de l'assurance au Maroc. La croissance du taux de pénétration témoigne aussi de l'aspiration des Marocains à plus de protection et de sécurité, malgré les difficultés économiques. - F. N. H. : Le secteur entame sa deuxième année de contrat-programme qui a pris du retard à cause du changement de l'équipe gouvernementale. Aujourd'hui, après les différentes réunions tenues avec la DAPS, où en êtes-vous ? Quelles sont les premières mesures en voie de concrétisation ? - F. L. : Le changement de l'équipe gouvernementale n'est sans doute pas la raison essentielle de la lenteur dans la mise en œuvre du contrat-programme. Il s'agit de sujets complexes qui impliquent généralement plusieurs interlocuteurs à la fois : ceux de l'industrie, des ministères et des pouvoirs publics... Plusieurs ministères sont impliqués dans chaque dossier et la coordination des visions de chaque partie prenante est un processus qui prend nécessairement du temps. Pour ma part, je peux témoigner que la Fédération des Compagnies d'Assurance et de Réassurance (FMSAR) et la Direction des Assurances et de la Prévoyance Sociale (DAPS) font un travail permanent et très efficace pour transformer le contrat-programme en réalité. Aujourd'hui, l'on peut se réjouir des progrès qui ont été faits dans le domaine des assurances obligatoires pour les chantiers de construction - la « Tous Risques Chantiers » - et dans le domaine de la garantie obligatoire de la Responsabilité Civile Décennale des constructeurs, puisqu'un projet de loi est en voie d'être finalisé. Ce sont des avancées importantes permettant d'offrir aux citoyens une meilleure protection. Naturellement, je regrette le retard pris sur les autres dossiers importants - notamment sur ceux de l'obligation d'assurance Responsabilité Civile et sur les dossiers liés à l'Assurance Maladie -, mais Zurich Assurances Maroc, à l'instar de ses confrères, joue un rôle actif au sein de la Fédération pour faire avancer ces dossiers en relation avec les pouvoirs publics. - F. N. H. : Peut-on savoir quels ont été les faits marquants pour Zurich Maroc au cours de ce premier semestre et comment se sont soldés vos résultats ? - F. L. : Le premier fait marquant a été le changement de notre organisation interne qui s'articule dorénavant autour des segments de clients. En effet, partant du constat que tous les clients n'ont pas les mêmes besoins, nous avons dû procéder à une refonte de notre structure totalement orientée vers les clients. C'est une étape importante dans notre démarche actuelle visant à mettre prioritairement le client au centre de nos préoccupations, et ce dans tous les domaines. Cette nouvelle organisation nous permet de mieux adapter nos offres de produits aux besoins des différents segments qui, comme je vous l'ai dit, ne sont pas forcément les mêmes. Le deuxième fait marquant a été, à la fin du premier semestre, le changement de Direction Générale. De ce point de vue, Berto Fisler a laissé une entreprise en bonne santé. Au premier semestre, nous avons enregistré un montant de primes brutes émises de 620 millions de dirhams, soit une progression de 9,2% avec un bénéfice net après impôt (NIAT) de 84 millions de dirhams, en progression de 34%. Nos résultats techniques continuent d'être excellents avec un ratio combiné de 91% (le ratio combiné étant l'indice qui permet de mesurer la performance technique d'un assureur. Plus il est en deçà de 100, plus la performance est bonne). Mon ambition est de pérenniser cette croissance profitable. - F. N. H. : Jusqu'à présent, l'essentiel de votre business s'est concentré sur la non vie. Votre prédécesseur ne minimisait pas l'intérêt que représente l'activité vie en attendant d'y trouver un jour des opportunités intéressantes. Est-ce que vous partagez la même opinion sachant que votre groupe dispose d'une grande expérience en la matière ? - F. L. : Effectivement, le Groupe Zurich a une expérience mondialement reconnue pour ce qui concerne les produits d'assurance-vie et nous ne nous désintéressons pas de cette branche dans le cadre marocain. Nous restons très attentifs aux opportunités qui pourraient se présenter. Il faudrait cependant que les conditions dans l'assurance vie existent pour nous permettre d'atteindre très rapidement une taille critique et suffisante. Une part de marché significative demanderait, dès le début, des produits larges, attractifs et techniquement excellents, mais aussi de disposer de canaux de distribution immédiatement opérationnels, y compris sans doute ceux en synergie avec un ou des réseaux bancaires. Nous n'oublions donc pas cette branche, l'assurance vie reste sur notre radar, et ce d'autant plus que les perspectives du Maroc à moyen terme en matière d'épargne et de besoins de couvertures Retraites sont plutôt prometteuses. - F. N. H. : Est-ce que vous avez engagé des négociations avec une banque déterminée ? - F. L. : Nous sommes en contact de manière informelle et sans aucune exclusivité avec certaines banques de la place. Un réseau bancaire et le soutien de notre Groupe sont effectivement nécessaires pour envisager le développement de produits vie et leur commercialisation. - F. N. H. : Quelles sont vos principales exigences concernant le choix d'un partenaire bancaire ? - F. L. : Notre principale exigence est que le réseau de distribution du partenaire ait à la fois une taille significative et qu'il soit présent auprès des segments de clientèle qui correspondent à nos cibles en non vie. De plus, nous exigeons d'un partenaire de distribution qu'il ait comme but principal de servir ses clients avec les mêmes standards de qualité que les nôtres et qu'il partage les mêmes valeurs que Zurich. - F. N. H. : Comme vous le savez, le Maroc s'apprête à adopter la finance islamique ; votre groupe s'y intéresse-t-il et dispose-t-il de filiales dédiées au Takaful dans des pays où la finance islamique est très développée ? - F. L. : Nous croyons qu'à travers le monde l'assurance Takaful représente des potentialités à long terme et nous réfléchissons aux moyens de devenir plus actifs sur cette branche. D'ailleurs, nous suivons avec intérêt les développements du marché sur ce sujet et nous participons activement aux discussions actuelles au sein de la Fédération Marocaine des Sociétés d'Assurance et de Réassurance (FMSAR) dans le cadre de son dialogue avec les pouvoirs publics en vue d'établir le cadre réglementaire approprié. - F. N. H. : Plus de 50% de votre portefeuille sont constitués d'entreprises. Est-ce que vous n'envisagez pas de développer celui des particuliers pour l'équilibrer ? - F. L. : Détrompez-vous, Zurich Assurances Maroc compte déjà plus de 500.000 clients particuliers parmi sa clientèle. Le développement du marché des particuliers et des petites entreprises est l'une de nos priorités depuis plusieurs années et les primes générées par ce segment de clientèle dépasseront celles produites par les entreprises sur l'ensemble de l'année 2012. C'est le fruit d'une stratégie délibérée qui a été portée par le développement rapide d'un réseau d'agents généraux performants et avec une très bonne couverture géographique. Nous pensons que cette tendance va encore s'amplifier avec nos projets d'amélioration de la qualité de nos services aux particuliers et aux petites entreprises, l'introduction de nouveaux produits innovants et l'amélioration de nos processus de gestion des risques de masses (qui génèrent beaucoup de volume). - F. N. H. : Votre compagnie a fait preuve d'innovation en lançant Zurich phone, l'application pour Iphone. Aujourd'hui et un an après, quelle évaluation faites-vous de son effet sur votre chiffre d'affaires ? - F. L. : Le lancement de l'application iPhone s'inscrivait avant tout dans notre démarche d'amélioration du service au client. Nous avons été précurseurs lors de son lancement à un moment où la vente de produits d'assurances par téléphone ou par Internet n'était pas encore autorisée au Maroc. Pour nous, il ne s'agissait pas d'augmenter directement le chiffre d'affaires, mais plutôt d'innover en matière de service à la clientèle... Naturellement, la satisfaction du client a un impact sur le chiffre d'affaires futur, même si l'effet est difficile à mesurer avec précision. En tout cas, nous sommes très satisfaits du succès de cette innovation. Aujourd'hui, nous continuons à avoir des projets d'innovation qui sont orientés vers certains impératifs comme de faciliter l'accès du client à Zurich, de toujours mieux l'informer, d'accélérer le règlement des sinistres et plus généralement de l'accompagner à chaque étape de la vie de sa police : au moment de la souscription bien sûr, mais surtout être à ses côtés en cas de sinistre, et ce dès la survenance, à toutes les étapes et jusqu'au règlement qui doit intervenir dans les délais les plus brefs. Propos recueillis par Soubha Es-siari