[Ancienne Médina]114.000 logements à risque recensés au Maroc. La croissance démographique, le déficit en logements, la spéculation, les constructions anarchiques verticales, principales causes d'effondrement des maisons. La résolution du problème n'est pas uniquement d'ordre urbanistique ou règlementaire, elle est également socio-économique. «Tout le monde savait que c'était une bombe à retardement et qu'elle allait exploser tôt ou tard !», a crié un militant associatif à l'adresse des responsables nationaux et locaux venus assister aux funérailles des victimes de l'effondrement d'une maison dernièrement à Derb Maaizi, dans l'ancienne Médina à Casablanca. Il y a quelques semaines, une autre maison s'était écroulée dans la même zone causant 8 morts, plusieurs blessés et des sans abri. Les derniers chiffres déclarés par Nabil Benabdellah, ministre de l'Habitat et de l'Urbanisme, recensent 114.000 logements menaçant ruine au Maroc. Le risque de nouvelles catastrophes est omniprésent. Ce n'est que la goute d'eau qui a fait déborder le vase. Le problème des habitations vétustes se pose avec acuité et nécessite des mesures urgentes. Les causes de ce phénomène ont plusieurs origines qui sont à la fois d'ordre économique, urbanistique, sociale, démographique et réglementaire. «Il y a eu une prolifération de constructions anarchiques ces dernières années qui se sont multipliés durant l'année 2011. Avec le printemps arabe, les autorités, pour maintenir la paix sociale, ne sont pas intervenues pour stopper les constructions non conformes, surtout ces bidonvilles aériens. Dans l'ancienne Médina, la plupart des maisons de R+1 ou R+2 se sont transformées rapidement, en constructions R+3, R+4, voire de 5 étages. Ces surévaluations non autorisées ne respectent aucune norme de sécurité ou d'urbanisme», a affirmé un conseiller de la ville de Casablanca. Il a expliqué que «certains résidents irresponsables qui obtiennent des permis d'entretien, n'hésitent pas à profiter de l'occasion pour procéder à des surélévation illégales». Il y a des raisons socioéconomiques qui amplifient ce phénomène. Les difficultés d'accès au logement est une des causes de l'extension de ces habitats anarchiques. Pour absorber la pression démographique, les résidents de la nouvelle Médina n'ont d'autre choix que l'option de la verticalité pour abriter de nouveaux foyers. Des élus se posent la question : pourquoi des projets de grande envergure, comme celui de l'Avenue Royale qui consiste à reloger une bonne partie des habitants de l'ancienne Médina, n'ont pas encore vu le jour ? «Dans tous les projets de relogement il y a de fortes tendances à la spéculation. Pour l'Avenue Royale, seulement 3.000 ménages concernés ont été recensés au départ. Actuellement, on compte plus de 12.000 postulants au relogement et ce nombre est susceptible de croître avec la spéculation immobilière et les manœuvres opportunistes des échéances électorales», annonce un conseiller de la ville de Casablanca. C'est un phénomène qui se manifeste dans le programme Villes sans bidonville et c'est ce qui accentue son retard, ou du moins sa perturbation. En tous cas, ce qui est sûr c'est que l'habitat menaçant ruine devient une priorité nationale. L'ampleur des risques grandit avec la densité démographique. Avec une population de moins de 20.000 d'habitants au début du 20ème siècle, les résidents de l'ancienne Médina sont estimés actuellement à plus de 320.000 et cela sur la même superficie. Au moins 80% des maisons datent de plus de 60 ans et ont été construites avec des matériaux basiques sans fondations ni armatures. «Il n'y a pas que la poussée démographique qui explique le phénomène mais aussi un fort exode des régions rurales du Maroc vers la zone urbaine de Casablanca. Le constat est le même pour toutes les anciennes médinas dans les villes du Royaume. Cela explique l'effondrement de maisons à Marrakech, Fès ou dans les autres villes anciennes», a annoncé Mohamed Amrani, professeur universitaire et militant associatif. L'essor démographique et urbanistique qu'a connu le pays ces dernières années a créé une forte demande sur le foncier. Les villes ont évolué plus vite que l'offre foncière disponible. En l'absence d'un cadre juridique transparent et d'une visibilité pour les prochaines années, la flambée du foncier a connu un record. Dans les zones périphériques et autres quartiers défavorisés, l'habitat clandestin fait rage et l'Etat semble incapable de mettre un terme à ce désordre. Le ministère de l'Intérieur a démis de leurs fonctions plusieurs présidents de communes et autres conseillers sans compter les agents d'autorité (caïd, sheikh, moqaddam...) pour n'avoir pas respecté les normes d'urbanisme. Il faut dire que la percée du phénomène n'est pas due seulement au manque de rigueur des autorités mais aussi à la défaillance de l'arsenal juridique qui reste largement en deçà des besoins du pays en l'absence d'un code de l'urbanisme et de plans d'aménagement. Par C. Jaidani L'inévitable question de l'aménagement urbain Sur le plan règlementaire, il y a des lacunes entre les textes et leurs applications. Ce qui explique les disproportions existantes entre les différentes communes, et entre les villes, en matière d'urbanisme. Sous la pression urbanistique, les centres-villes comme ceux de Casablanca et Rabat, ne peuvent offrir davantage d'assiettes foncières. Aussi, l'extension vers les périphéries est-elle inévitable. L'application d'un nouveau Schéma directeur d'aménagement urbain (SDAU) tarde à venir. Les plans d'aménagement sont validés au compte-gouttes. Les Conseils des villes concernées ont beaucoup de travail à faire dans ce domaine, comme force de proposition pour l'Agence urbaine et les autres autorités pour ouvrir de nouvelles zones à l'urbanisation verticale.