La base imposable de la cotisation a été relevée de 1 à 4 millions de dirhams. Le projet d'instauration d'une cotisation minimale immobilière (3% sur la vente d'un logement de plus d'un million de dirhams et occupé plus de 6 ans) a été mal perçu par les professionnels du secteur. Cette disposition du projet de Loi de Finances 2019 a soulevé un véritable tollé et a été vivement critiquée par les opérateurs, estimant qu'elle ne pouvait que pénaliser davantage un marché déjà en proie à une conjoncture morose, qui dure depuis 2012. Le gouvernement a rectifié le tir et a amendé la disposition en relevant la base imposable à 4 millions de DH. Ce type de vente était auparavant totalement exonéré de la Taxe sur les profits immobiliers (TPI). «De nombreux propriétaires qui vendent un bien immobilier, occupé à titre principal, le font pour acheter un autre bien neuf. L'instauration d'une cotisation minimale sur les cessions ne peut qu'avoir des effets négatifs sur le marché immobilier, qui n'arrive pas encore à retrouver son souffle. Heureusement que l'amendement à la Chambre des députés a permis de recadrer cette disposition», souligne Driss Nokta, vice-président de la Fédération nationale des promoteurs immobiliers (FNPI) et président de l'Association des promoteurs de Casablanca. Pour sa part, Mohamed Lahlou, président de l'Association marocaine des agences immobilières (AMAI), affirme que «dès la publication de la première mouture du PLF 2019, le marché a connu une forte agitation. Certains vendeurs ont voulu accélérer la cession avant la fin de l'année pour ne pas payer la cotisation minimale. Trop d'impôts tue l'impôt, dit l'adage, et si la décision initiale avait été maintenue, elle aurait pénalisé les transactions et bien entendu tout l'écosystème». En effet, le secteur traverse une crise prolongée et tous les indicateurs sont au rouge. L'indice des prix des actifs immobiliers (IPAI), publié régulièrement par Bank Al-Maghrib, fait ressortir un trend baissier. Il a enregistré au cours du troisième trimestre 2018 une régression de 0,3%, soit des diminutions de 1,5% pour le prix du foncier et de 1% pour ceux des biens à usage professionnel. Pour sa part, le nombre de transactions a marqué un recul de 1,1%, reflétant une baisse des ventes de 4,8% pour les terrains et de 8,2% pour les actifs à usage professionnel. En glissement annuel, les prix ont baissé de 0,7%, soit un recul de 0,6% pour le résidentiel et de 0,9% pour le foncier. Les ventes de biens résidentiels ont, elles, régressé de 1%.
L'immobilier, vache à lait «Pour renflouer les caisses de l'Etat en période de crise et faire face au déficit budgétaire, l'Exécutif choisit les mesures fiscales les moins contestées au niveau social et les plus pratiques en matière de recouvrement. L'immobilier a toujours été considéré comme une vache à lait. Certaines dispositions peuvent, certes, assurer des recettes publiques à court terme, mais elles perturbent l'économie nationale à long terme, avec peu d'effets d'entraînement sur les autres activités», explique Youssef Oubouali, professeur de droit fiscal.
Des interrogations subsistent L'amendement ne lève pas toutes les craintes et des questions persistent. Cette cotisation minimale de 3% est-elle instaurée de façon définitive ou a-t-elle un aspect temporaire, comme la contribution de solidarité sociale imposée au taux de 2% pour les entreprises dont le bénéfice est supérieur ou égal à 50 millions de DH ? «Pour le moment, la taxe concerne une petite minorité de vendeurs, mais le gouvernement peut revenir à la charge et cibler de nouvelles personnes. Le cas échéant, l'idéal serait de taxer par catégorie, à l'instar de l'IS ou de la taxe sur les voitures de luxe», estime notre fiscaliste. Il faut souligner que l'amendement du PLF 2019 concernant la cotisation minimale sur les cessions immobilières va surtout profiter à la classe moyenne supérieure, qui occupe des logements dont la valeur est comprise de 1 à 2 millions de DH. Cette catégorie de personnes décide le plus souvent de changer son logement pour un autre plus grand ou plus valorisant. «La plupart des personnes de la classe moyenne supérieure ont acquis leur bien par crédit bancaire et achètent le nouveau logement via un crédit relais. C'est une population très active, qui travaille dur pour honorer ses engagements. Elle est lourdement taxée et ne bénéfice en contrepartie d'aucun soutien de la part de l'Etat. Il est regrettable qu'elle soit toujours appelée à faire davantage d'effort fiscal», explique Oubouali. Un message visiblement entendu par le gouvernement. ■
Le «noir» en embuscade Oubouali n'a pas écarté le risque d'évasion fiscale, notamment le recours à des donations au profit des enfants ou des conjoints pour réduire la base imposable. Si auparavant les vendeurs déclaraient la totalité du montant du bien vendu du fait qu'ils étaient exonérés, la pratique du «noir» devrait resurgir. Les propriétaires vont s'aligner systématiquement sur le référentiel des prix, fixé par la direction des impôts. Cette option ne manquera pas d'impacter le volume des recettes envisagées par l'Etat.